Voici un témoignage que j'ai eu la chance de recueillir moi-même auprès de Mr Armand AFLALO z"l, il y a de cela 5 années, lors d'un diner de Souccoth à Montréal. A ma demande, il me fit le récit de ses débuts avec le Saint Rabbi David Ou Moshe z"tl. Il fut ainsi de longues années le Paquid de ce Saint et contribua énormément au developpement et à l'amébagement de ce Tsaddik.
Je vous propose son récit dans son intégralité, c'est mon hommage à ce grand Monsieur qui nous a quitté depuis.....
PS: Le Tsaddik Rabbi David Ou Moshe (z"tl) est situé en plein milieu du Haut Atlas Marocain, sur la route de Marrakech à Ouarzazate. A partir du village d'Agouim, une petite route de 5 à 6 km dévie et nous mène au Saint, au pied du village de Timzerit. Là se trouve le site aujourd'hui complètement rénové et remis aux standards, grâce au travail de nombreux bénévoles.
Georges SEBAT
Tombe du Tsaddik (avant sa rénovation)
« Nous étions dans les années 1954 à 1963 (1963, départ pour la Alia). Les Juifs de la région de AGOUIM, passaient commande aux chauffeurs de mes camions qui traversaient la région et promesse leur était faite de les livrer le dimanche suivant. Ils passaient commande de thé, de pains de sucre et d’huile. Je leur achetais cette marchandise au prix de gros, une fois sur place, je leur laissai l’entreposer dans un magasin de stockage. Toute la région était alors mise au courant de ces arrivages et ainsi, les responsables procédaient à la vente de ces denrées.
La marchandise était alors vendue en moins d’une demi-heure.
Les villageois, alors, nous festoyaient en égorgeant un mouton, qu’ils préparaient à la broche et qu’ils servaient à mes chauffeurs et moi, cela donnait un magnifique pique-nique. »
Pendant 15 ans, j’ai transporté la marchandise de Casablanca à AGOUIM (420 km), sans jamais encaisser un seul sou de leur part.
LES JUIFS DU COIN
Habitante Juive du village de Timzerit, surplombant le Tsaddik.
Il y avait autour des villages aux alentours, sur 2 à 3 km de Rabbi David Ou Moshe. Dans chaque village, il y avait 3 à 4 Minyanim par bourgade. Les juifs étaient en majorité de faible revenu, ils étaient donc majoritairement locataire dans leur demeure, les propriétaires musulmans, prenaient comme loyer, non de l’argent, mais cela se faisait en troc, ils mettaient à disposition du bailleur les défections des animaux domestiques et bétail, en quelques mots, « Le fumier », ils l’amassaient tout au long du mois pour payer leur loyer.
Mis à part cela, les villageois vivaient essentiellement de petits métiers, ils étaient cordonniers, agriculteurs, artisans et commerçants ambulants. Ils profitaient aussi de la Hilloula, pour venir louer aux pèlerins leur mule, pour le passage de AGOUIM au site du Saint et transportaient, approvisionnement, matériaux de construction, bagages, etc.………..
Vers la fin de leur vie au Maroc, juste avant leur départ pour Israel, tous les villageois se réunissaient dans un domicile de l’un d’eux, afin de profiter d’un sefer torah particulier pour les offices de shabbat. Ainsi,de shabbat en Shabbat ils passaient de domicile en domicile, de village en village....
UN RÊVE PRÉMONITOIRE
Un juif de la communauté des villages aux alentours de Rabbi David Ou Moshe, eut, un rêve, où lui apparut un homme impressionnant, qui se présenta comme Rabbi David Ou Moshe.
« Je suis Rabbi David Ou Moshe et je suis enterré tout proche de chez vous. »
Il se réveilla le lendemain et raconta son rêve à ses coreligionnaires, mais personne ne prêta attention à cette apparition. Le rêve se reproduisit au cours du mois, à deux ou trois reprises. Le villageois demanda alors au Rabbi :
« Comment saurais je situer la tombe ? » Il se fit répondre :
« Réunis 1 minyan et suis la route, une colombe vous guidera »
Ainsi fut-il, la colombe leur apparut et elle les dirigea, jusqu’à se poser sur une roche, leur indiquant le lieu connu de tous aujourd’hui. Ils comprirent et se mirent à prier , procéder aux bénédictions et rituels. Ils sentirent alors un magnifique Zekhout autour de la tombe.
Immédiatement, le bruit courut et les nouvelles se transmirent dans les alentours. Depuis ce jour, les villageois venaient de contrées les plus éloignées. Certains venaient même de IGHIL NORO, à 2 ou 3 jours à dos de mule, à travers les montagnes du Moyen Atlas.
La tradition s’installa et il fut ainsi habituel de faire la Hilloula, 1 mois après Pessah (Lag Baomer). Quant au reste du Maroc, ils le faisaient le Matin de Souccoth.
COMMENT J AI CONNU LE SAINT
Le site du Saint à ses débuts (Photo de Mr A. Aflalo z"l)
En 1952-53, j’avais dans ma toute jeune compagnie de transport ( 1 seul camion), un Juif qui travaillait pour moi. Ce monsieur venait d’avoir un enfant. Je me suis rendu à son domicile le féliciter. J’assistais à la Séouda de rigueur et au cours de laquelle, nous nous sommes entretenus. Assistaient également deux personnes, qui étaient d’origine du village d’AGOUIM, qui avaient un café à la Place de France, à Casablanca, ils vendaient des sandwichs, boissons fraîches, café, etc…. Ils m’invitèrent à me rendre au saint Rabbi David Ou Moshe. Mais je ne connaissais pas du tout. Le nom de ce Rabbi m’était toujours cher et que j’avais toujours eu le désir de m’y rendre, sans jamais avoir pu.
Ma réponse immédiate, fut de décliner, mais j’avais une faveur à leur demander.
« J’ai sur moi cette petite somme d’argent, pourrais tu la prendre avec toi et la distribuer sur place en guise de Tsedaka, mais également, m’amener une photo de la tombe du Tsaddik. »
Ainsi fut-il, je gardais cette photo dans ma poche pendant près d’un an. Pour l’histoire, je n’allais jamais aux Tsaddikim, j’allais uniquement aux Saints aux alentours de Casablanca (Moualine Dad, Rabbi Ihia Lkhdar, etc….).
Un beau jour, dans Casablanca, je croise une connaissance, qui avait une traction avant Citroen, remplie de légumes, fruits, etc…..Je reconnus le passager qui n’était autre qu’un graisseur Juif (surnommé De Gaule) que je connaissais. Je lui fis signe et je lui demandais où il allait.
« Je vais à Rabbi David Ou Moshe, veux tu te joindre à moi ?? »
« Que vas-tu faire là-bas, toi ? »
Il insista pour que je me joigne à lui. Immédiatement, ma décision fut prise, je lui demandais alors de me rejoindre chez ma mère, d’ici une heure. Ainsi fut-il, il me rejoignit à la maison, où il me trouvait à expliquer à ma mère, que De Gaulle ( le graisseur) se rendait à Rabbi David Ou Moshe et que je l’accompagnais.
Ma mère eut cette réponse pour moi :
« Si tu vas au Tsaddik et que tu lui demandes quelque chose, n’oublie pas de remplir la promesse que tu lui auras faite ».
EN ROUTE
Mon compagnon de route n’avait jamais été très religieux, ni instruit, pour ne pas dire, illettré. Cependant, ces derniers temps, il redevenait pratiquant comme il le pouvait et à la hauteur de ses connaissances. En guise de prière, il se limitait à la lecture du Shémaa. Mais il avait un engouement particulier pour la visite des Saints et particulièrement Rabbi David Ou Moshe. J’étais captivé par ses récits du Saint.
Il avait pour habitude de s’arrêter tout le temps en cours de chemin, nous nous arrêtâmes à Berrechid, à Settat nous avons passé la nuit chez ses beaux parents . A la demande insistante de sa belle sœur, nous en fîmes notre passager suivant.
Arrivés à Marrakech, c’était le temps de faire quelques emplettes et derniers achats de vivres. Une fois à TADDERT, sur la route de OUARZAZATE, l’obscurité, tomba sur cette dangereuse route du Tichka, mon compagnon de route, fatigué et sa vue faible, sa conduite fut risquée.
A un moment donné, les virages étaient particulièrement serrés et dangereux, il manqua à plusieurs reprises de nous envoyer 1000 m plus bas dans le ravin. Je l’arrêtais immédiatement décidai de prendre le volant. Nous arrivâmes ainsi à AGOUIM. On alla directement au Café d’un Juif de la bourgade et nous lui louâmes une chambre pour la nuit.
Au matin, nous rencontrâmes plusieurs commerçants juifs du village d’Agouim et je fis connaissance avec des personnes qui allaient devenir de grands amis pour le reste de ma vie.
Au fil de la discussion, De Gaulle apprit de sa femme, que la belle sœur était menstruée. Cela arriva aux oreilles de nos hôtes qui nous avertit que le Saint Rabbi, n’acceptait pas les femmes impures auprès de sa tombe et à proximité de son sanctuaire, mais également que l’on prenne des photographies et films. On apprenait à connaître le Saint.
La décision fut prise de laisser la dame au village sous l’hospitalité de nos hôtes et ne pas brusquer le Saint.
Nous arrivâmes finalement au Saint et nous installâmes nos paquetages et vivres dans une petite chambre, qui donnait face à la tombe du Tsaddik. La tombe n’était alors qu’un tas de pierre.
LE SAINT ET MOI
Mr Armand AFLALO 'z"l) au pied de la tombe du Tsaddik.
Je n’ai jamais eu de père, mais j’ai eu en contre partie, une mère qui en valait quatre et qui me chouchoutait plus que tout. J’étais aussi un bon travailleur et j’ai toujours eu bon cœur. Tout de suite l’endroit me plut énormément et je m’y sentais chez moi.
De Gaulle me réveilla, nous étions Jeudi Soir et il était près d’une heure du Matin. Il me scanda de me préparer afin de nous lancer dans les préparatifs de Shabbat. Je l’avertis que je ne savais pas éplucher une patate. Je m’organisais donc à compléter les courses auprès des petits commerçants venus des villages avec leurs victuailles de la région.
« Il faut comprendre que de Agouim au Saint, il y avait deux à trois heures à dos de mulet, soit près de 8 km. Il fallait louer des mules à Agouim pour acheminer tous nos bagages, il n’y avait pas moyen de se déplacer sur cette distance en voiture. ».
« Il y avait une loi locale, les Juifs du coin imposaient suivant le rite de toujours, qu’en abattant une bête au Saint, on le cuisinait immédiatement et toute l’assistance devait y goûter. Une partie de la bête, la plus importante, était offerte au Tsaddik et était distribuée aux pauvres locaux, et ce par le Pakid du moment, Mr Makhlouf (Z’’L). On cuisinait, grillait, tout devait être consommé sur place. »
Le lendemain, au réveil, je laissais mes amis aux préparatifs de Shabbat et j’allais me recueillir sur la tombe du Rabbi. Je me mis à 3 mètres de distance du lieu dit et je me recueillis.
Pendant la route qui nous menait au Saint, je pensais à ce que l’on disait être la grande la manne de la région. La mine de IMINI. En effet, une importante compagnie minière exploitait un filon de minerai très important et très proche du Saint. Cette compagnie importait des camions d’Europe, dernier cri, pour l’exploitation. Il y avait également un téléphérique qui partait d’AGUERMOUSS et qui allait jusqu’à Marrakech. De là, la matière était acheminée vers Casablanca et Safi en camions. Mon côté professionnel rêvait à une telle opportunité.
Je me replongeais dans mes prières et priais plus de deux heures durant.
Les juifs de la région et du village, suite aux visites de plus en plus nombreux de pèlerins, commencèrent à former une cagnotte des Tsedakkas reçues. Le comité de Marrakech, au courant de ces faits, envoya un représentant afin de récolter cette Tsedakka et la gérer. Le comité local se révolta et refusa catégoriquement de le leur céder. Cela leva un tollé auquel j’assistais à mes premiers jours de visite.
J’implorais le Saint et lui demandais :
« Oh mon saint Rabbi, aide moi dans mon travail et je te promets que je ferai, en ton honneur, 2 Hillouloths, une pour les Juifs de la région et l’autre à Casablanca, où que je sois…etc ».
Les larmes me coulaient sur le visage, tellement j’étais sous l’emprise du Saint et du lieu.
Nous séjournâmes deux à trois jours de plus et nous reprîmes le chemin du retour à Casablanca. Mon cœur et mon âme étaient enveloppés de l’amour de ce Saint.
J’avais alors 23 ans, la vie continuait et il fallait assurer les régulières et lourdes traites mensuelles de mon camion. Je chargeais mon camion et partais en mission sur Marrakech. Le lendemain de retour à la base de Casablanca, l’ONT(Office National des Transports)qui gérait l’affectation de tous les camions, mon contact local, Mustapha, m’interpella et me dit :
« Veux tu transporter du minerai ? Mais je ne crois pas que tu sois capable, la route est trop dangereuse pour toi. » Je lui répondis que j’étais capable et que je voulais ce travail.
« Il y a du minerai à transporter de IMINI à SAFI, il y a un bateau qui effectue un chargement régulier et nous devons lui acheminer la matière. »
Je me lançais dans un nouveau trajet, qu’il fallait assurer sans faillir, mais il n’était pas question de faillir, je le ferai et je l’assurerai, d’autant plus que je venais de faire cette route, elle ne me faisait pas peur, d’autant plus que j’aurai à passer souvent devant le Tsaddik. D’autant plus , ce contrat avait l’air juteux et financièrement, c’était ce qu’il me fallait dans mon début de carrière. Le Saint Tsaddik avait écouté mes prières, je ne devais pas rater l’occasion.
Mon bon de commande en poche, je retournais à la maison préparer mon paquetage et me mettre au travail immédiatement. Le soir même, me voilà sur la route de Ouarzazate.
MON CONTRAT EN POCHE
Je retrouvais les villages de cette si belle et dangereuse route, pour arriver à Imini. Il était 1h00 du matin. Il y avait a destination, une station de pesage, mais il ouvrait aux aurores. Je pris mon tour. Je chargeais la marchandise au lever du jour et me voilà sur la route.
Arrivé à Safi, je déchargeais et j’étais de retour à l’ONT à Casablanca à 17h00. Mon ami Mustapha s’étonna et me demanda si j’étais bien allé à Imini. Je le rassurai et lui demandai les Bon de Commande suivants.
Déneigement du Col du Tichka en 1939 (Photos: timkitt2008.canalblog)
Les voyages étaient très bien payés et me soulageaient beaucoup de la traite mensuelle du camion. En un jour, je recevais la somme que je devais payer en 1 mois. Ainsi, je pris la commande pour chaque jour de travail, soit du Lundi au Jeudi. Cela changea complètement mon état financier, j’allais pouvoir être plus à l’aise et sur une base régulière. D’autant plus que je chargeais de la marchandise au retour. J’étais donc très occupé et tout le temps sur les routes.
Entre temps, 1 à 2 semaines s’écoulèrent. Je ne le savais pas, mais le patron d’une coopérative de transport, Mr TALON me cherchait désespérément . J’étais trop occupé sur la route assurant mon contrat.
Mr TALON, avait reçu la visite d’un Français, propriétaire d’une grosse usine de bois, qui avait le contrat de vente pour 10 000 tonnes de bois à la mine d’Imini, afin de fabriquer les soutiens de galeries souterraines. Il voulait le transport de ce bois, en échange, il assurait un retour garanti en minerai. Je profitais, dans un sens comme dans l’autre d’un aller retour garanti.
Mr TALON finit par me contacter, il me confia son inquiétude à ne pas arriver à me joindre depuis une dizaine de jours et il me fixa immédiatement Rendez vous pour rendre visite avec la société de bois qui se trouvait à FEDALA (Mohammedia). Tout se passa comme expliqué précédemment et nous ressortîmes avec un contrat pour une dizaine d’année.
J’avais là une manne extraordinaire, qui en tous les cas, m’était bénéfique. Je vis immédiatement le Ness et les bienfaits que m’attribua le Tsaddik.
Mais je devais me structurer en fonction, afin d’assumer, tout ce travail, qui on peut le dire, me tombait du ciel. Je devais ainsi m’entourer de gens capables. Je rajoutais des camions et incitai des amis à rejoindre notre coopérative.
Toujours, je remercierai D’ et le Saint Tsaddik pour m’avoir accordé leur bonté et générosité.
Là, je me rappelais les paroles de ma mère qui me précisait bien, de devoir exécuter mes promesses faites au Saint.
Ainsi se mit en branle, toute une organisation au service du Saint.
Mr Armand AFLALO z"l
http://www.rabbidavidoumoshe.com
Album Photos du Tsaddik Rabbi David Ou Moshe (z"tl).