Si le résultat des élections européennes constitue un choc profond parce que la victoire revient à un parti violemment anti-européen, qui parle sans agir et qui détruit plus qu’il ne construit, il est avant tout révélateur d’un rejet massif de tous ceux qui ont été ou sont au pouvoir et des partis traditionnels embourbés dans leurs affaires et incapables de se renouveler.
Ce rejet s’exprime à la fois à travers l’abstention, le vote extrême mais aussi l’indifférence vis-à-vis de ce vote extrême, d’abord considéré comme un vote anti-système.
Indifférence, en France et ailleurs, qui s’explique aussi par l’éloignement de l’Europe pour de nombreux citoyens européens. Cette Europe n’est pas aimée, parce qu’elle illustre pour beaucoup la caricature de ce qu’ils exècrent dans leurs pays, une bureaucratie, voire une « technocratie financière » qui jouerait contre les peuples sans rendre de compte à quiconque.
Il y a du vrai. Mais il y a du faux. Et en période de crise, les amalgames sont rapides : tout ce qu’apporte l’Europe à chacun (bien peu communiqué par les États qui préfèrent s’en servir comme bouc-émissaire) est passé aux oubliettes. Les jeunes, en particulier, n’ont plus forcément conscience (et la plupart des politiques ne le dit plus) que l’Europe, c’est un espace de paix que beaucoup nous envient, y compris à nos frontières (voir l’Ukraine).Ce résultat est-il grave ? Si on ne change rien, oui. assurément. Si au contraire, cette défaite nous réveille, alors ça peut être une occasion unique de redonner du souffle à notre démocratie, tant nationale qu’européenne.
Mais qui y croit encore ? Justement, plus personne ou presque. Les Français se sentent déçus ou trompés par la plupart des personnalités que l’on voit depuis 30 ans sur les plateaux télé.
Au-delà des débats sur les plans d’économie, sur la part de souveraineté et de fédéralisme européen, il y a un ras-le-bol vis-à-vis de « sachants » et de gouvernants, jugés totalement « déconnectés ».
Parfois à raison : oui, il y a une sorte de nouvelle aristocratie qui se sert au lieu de servir, qui n’a plus la moindre idée de ce qu’elle fait là ni du pourquoi, et qui s’en remet aux lobbies ou à une certaine élite administrative.
Parfois à tort : non, tous les haut-fonctionnaires et tous les élus ne sont pas des « pourris ».
Ce « ras-le-bol » vis-à-vis d’une élite se retrouve partout, y compris au sein des appareils politiques où il y a une incroyable cassure entre les dirigeants et les militants.Alors, que faut-il faire ?
Certes, il faut dénoncer le mensonge du FN qui a su redorer son image en se modernisant, en se rajeunissant et en mettant en avant de nouveaux visages, jeunes, face aux éléphants de droite et de gauche. Sauf que ces pseudos-modernes usent des plus vieilles recettes, celles qui, bien loin de la prospérité, n’ont mené qu’au conflit.
Et acceptons qu’on pose la question : n’y-a-t-il pas une certaine complaisance de certains politiques et parfois même de médias de premier plan vis-à-vis des idées rances qui ont fini par arriver partout ?
Mais surtout, il faut agir très concrètement en posant des actes forts. Cela peut passer notamment par la réforme territoriale (le Président de la République a d’ailleurs annoncé son accélération) ou par une dose de proportionnelle à l’Assemblée nationale. Ça peut également passer par le non-cumul des mandats (et pourquoi pas, aussi, dans le temps ?). Mais nous savons que c’est un minimum. Cela passe aussi par la justice fiscale (le Président a rappelé la baisse des impôts pour les foyers modestes) et une mise à contribution plus forte du monde de la finance et des grands groupes dans le redressement du pays.Désormais, il faut mettre en chantier tout ce qui mettra à bas l’image d’une élite politique, administrative et financière, qui serait perçue comme étant au-dessus des lois, au-dessus des Français et des Européens en général.
Les partis politiques, calqués sur un régime institutionnel qui fonctionne trop en vase-clos et qui concentre excessivement les pouvoirs politiques et économiques, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Mais ils ne se réformeront qu’à marche forcée, si nos institutions elles-mêmes se réforment.