Le grand Sachem et les Sachants

Le 16 mai, le Président de la République a prononcé à Melun un discours.
Dans son journal, iTélé a consacré un sujet à son intervention. Vous pouvez relever dans la déclaration du Président les phrases suivantes :
- « On a un taux de chômage qui est à 7,5%, c’est le plus bas niveau depuis 25 ans »
Ce résultat est satisfaisant mais il est un peu impudent d’en attribuer tout le mérite à la politique de réformes de Nicolas Sarkozy. Je développerai ceci dans un prochain billet. Toujours aussi triomphal, il poursuit :
- « La croissance est à 2,2 je le dis à tous ceux qui m’expliquaient que tout était foutu et qu’on serait à moins de 2. »
Ici encore, il n’y a pas de quoi pavoiser. L’INSEE a fourni deux valeurs, 2,2% en données brutes et 2,1% après corrections dues au nombre de jours travaillés. On nous sert naturellement la valeur la plus élevée. Mais des prévisions ne sont jamais que des prévisions. Bravo à notre Ministre des Finances qui avait tablé sur une croissance entre 2 et 2,5%. Ceci dit, la croissance pour 2006 avait été de 2,2% et Mme Lagarde prévoit pour 2008 une croissance entre 1,7 et 2%. L’impact de la politique de notre vibrionnant Président réformateur n’est pas encore très apparent. Il est prompt à se tresser des lauriers totalement immérités. Soulignons de plus que la prévision de croissance pour l’Union européenne est de 2,6% pour 2008. Nicolas Sarkozy poursuit sur sa lancée en déclarant :
- « Le consensus des économistes, c’est à dire ceux qu’on appelle les sachants, les sachants, y disaient ce serait 0,3, circulez, y a plus rien à voir, c’est 0,64. »
Comme iTélé ne nous a fourni ici que des extraits, on peut supposer que notre loquace Président avait précisé auparavant ce qu’étaient ces nombres, mais je le sens très capable de lancer des valeurs sans avoir la moindre idée de ce à quoi elles se rapportent. Je pense qu’il s’agit là des taux de croissance du premier trimestre 2008.

Ce qui est navrant, c’est de voir la gestuelle à laquelle se livre le plus haut dignitaire de l’Etat. Un temps d’arrêt après le premier sachants, en détachant très nettement le mot, prosodie répétée pour le second sachants, le tout accompagné d’un geste de la main droite, index et auriculaire dressés, pratiqué me semble-t-il en Corse et en Italie pour conjurer le mauvais sort à l’aide des cornes du diable, et dans les concerts rap pour signifier « va te faire ... ». Quelle élégance, quelle distinction !
Si notre Président se trouvait dans la situation d’un cadre en recherche d’emploi et s’il adoptait ce genre de comportement au cours d’un entretien d’embauche, il est à craindre qu’il aurait tôt fait d’aller grossir la triste cohorte des chômeurs de longue durée.