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Cousu Blake, cousu Goodyear, comment les différencier

Publié le 05 juin 2014 par Llc

Savoir acheter en connaissance de cause impose parfois d’apprendre quelques termes techniques. C’est particulièrement le cas en matière de chaussures. Revenir sur les mérites comparés du cousu Blake et du cousu Goodyear, du cousu norvégien et du cousu bolognais n’est donc pas, comme on pourrait le penser, une manière de snobisme, mais un préalable indispensable pour qui voudrait juger de la qualité réelle d’une paire de chaussures.

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Cousu Blake, cousu Goodyear : une affaire de principes ?

Le cousu Blake

Le cousu Blake doit son nom à M. Lyman Reed Blake, inventeur, à la fin du XIXe siècle, d’une machine permettant de réaliser mécaniquement ce type de montage, dit aussi « cousu de part en part », dans la mesure où il s’agit de coudre ensemble la tige et les deux semelles, intérieure et extérieure, de manière à solidariser celles-ci. Cette couture « simple et directe », au résultat potentiellement plus fin, a longtemps eu mauvaise presse auprès des amateurs de beaux souliers, soucieux de pouvoir faire ressemeler leurs paires favorites afin de les conserver plus longtemps. Compte tenu de procédé de fabrication, il apparaît en effet difficile (sinon impossible) de découdre la semelle (par ailleurs souvent collée) sans toucher à la tige et risquer, du même coup, de fragiliser la chaussure… Ceci étant dit, rien n’indique que le cousu Blake doive être tenu pour un mal en soi. Pour en juger, il conviendra, comme toujours, de tenir compte des prix pratiqués et du soin apporté à la fabrication. De même qu’il existe des Goodyear industriels de mauvaise qualité, certains Blake méritent qu’on s’y attarde, d’autres qu’on les paye le prix d’une mauvaise paire de chaussures, d’autres enfin qu’on n’y prête pas la moindre attention. Attention aux détaillants qui voudraient vous faire prendre des vessies pour des lanternes !

Le cousu Goodyear ou cousu trépointe

Comme le cousu Blake, le cousu Goodyear doit son nom à celui qui en a favorisé l’exploitation mécanique (un certain M. Goodyear, fils du précédent). En soi, le montage trépointe (dit aussi « cousu double sur trépointe ») consiste à coudre une pièce de cuir (une trépointe, donc), d’une part à la tige et à la semelle intérieure au moyen d’une couture horizontale, invisible à l’œil, d’autre part à la semelle extérieure au moyen d’une couture verticale, visible sur le pourtour de la chaussure : le débordant. Ce débordant constitue l’un des plus sûrs moyens de reconnaître un cousu Goodyear d’un cousu Blake (lequel, par comparaison, semble jointif, ce qui n’est d’ailleurs pas gage d’une meilleure étanchéité). En cas de doute, il convient d’observer l’intérieur de la chaussure. Si celui-ci comporte une couture, il s’agit d’un montage Blake ; autrement, d’un montage Goodyear.

Pour ressemeler une paire de chaussures Goodyear, il faut et il suffit de découdre la semelle et de la remplacer par une neuve. Celle-ci étant cousue à la trépointe, il n’y a aucun risque pour la tige. À ce stade subsiste néanmoins une question dont notre recherche de la qualité ne nous dispense pas : qui fait ressemeler ses chaussures ? Qui exploite jamais la liberté offerte par le cousu Goodyear de prolonger indéfiniment la vie de ses précieux souliers ? S’agirait-il seulement de se rassurer ?

Avantages et défauts comparés du cousu Blake et du cousu Goodyear

Le reproche le plus courant fait au cousu Blake concerne sa moindre robustesse. Comme on l’a vu, celle-ci peut être liée à sa difficulté d’entretien. Or, au-delà de cet aspect, compte tenu du procédé utilisé, un cousu Goodyear est structurellement plus rigide. Dans ce domaine comme en d’autres, il n’y a pas de surprise. Plus la réalisation d’un article réclame de temps et d’adresse, plus cet article a de chances d’être solide et bien réalisé. Objectivement, un cousu Goodyear réclame plus de temps et d’adresse qu’un cousu Blake. Un peu plus ferme lors des premiers ports, le cousu Goodyear a ainsi moins de chances de se relâcher. Son confort augmentera plutôt avec le temps. En revanche, il est indéniable que le cousu Blake permet de réaliser des formes plus fines et plus effilées. À ce propos, je voudrais rectifier une rumeur tenace, selon laquelle l’Italie serait le pays du cousu Blake, la Grande-Bretagne celui du cousu Goodyear. Encore une fois, mieux vaut se fier à son œil qu’à un principe général. Dans des genres et (des gammes de prix) très différents, Moreschi et Spernanzoni (pour ne citer qu’eux) sont tous les deux des adeptes du Goodyear – et, pour le second, du cousu norvégien, ce qui me fait une transition toute trouvée avec ce qui suit.

Ci-dessous, deux exemples extrêmes : Fratelli Rossetti (mocassin Yacht), Vittorio Spernanzoni (créations artisanales).

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Montages annexes et dérivés

Le cousu norvégien

Utilisé à l’origine dans la fabrication de chaussures de montagne, le cousu norvégien est un dérivé du cousu Goodyear qui, pour des raisons pratiques autant qu’esthétiques, a souvent les faveurs des amateurs de beaux souliers. Du cousu norvégien, on retient couramment l’aspect tressé, alors que sa principale caractéristique tient à sa double semelle. Double couture, double semelle assurent à la chaussure une excellente étanchéité. Réputé très robuste (ce qu’il est), le cousu norvégien requiert une très grande maîtrise technique, même dans le cadre d’une fabrication industrielle.

Le cousu bolognais

Moins connu que le précédent, le cousu bolognais est un dérivé du cousu Blake dont le principal intérêt est le confort. Tige et doublure sont cousues ensemble et enveloppent entièrement le pied. En l’absence de première de montage (semelle intérieure), la chaussure se réduit à un chausson ou à un tube. Offrant l’avantage d’une très grande souplesse, le cousu bolognais est par définition moins robuste qu’un cousu Blake. Il permet en revanche la réalisation de très agréables chaussures d’été.


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