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Où le Sushi se cultive

Publié le 19 mai 2008 par Sushidepressif

Parfois, le Sushi lit. Le mot le plus important dans la phrase précédente est parfois.

Dans sa prime jeunesse, le Sushi était ce qu’on appelle communément un bibliovore. Se nourrissant de livres, et vivant pour les livres. L’auteure de ses jours désespérait du budget à accorder à une telle passion, mais comprenait qu’il fallait l’encourager.

Le Sushi dévora tout d’abord les livres de son âge disponibles sur les étagères de la bibliothèque familiale. Puis récupéra des livres de son âge chez ses aïeux - livres datant de la jeunesse des auteurs de ses jours - qu’il dévora tout aussi vite. En un mois de vacances il avait épuisé la minuscule bibliothèque municipale. En une soirée il lisait le livre que d’autre mettraient un mois à finir sous la menace d’un prof de français exténué de devoir forcer ces affreux gamins à lire plus de 3 lignes sans interruption.

Qu’on s’entende bien: Le Sushi n’a jamais aimé ces séances de dissection d’œuvres. D’après lui, nul besoin d’analyser la moindre virgule pour saisir la beauté ou la laideur d’un texte.

En CM1, il expliqua à une institutrice effarée qu’il avait très bien compris que le baobab du Petit Prince n’était qu’une image. L’institutrice le regarda et lui dit que le terme recherché était métaphore. Le Sushi eut ensuite une paix royale.

En seconde, il lut le Rouge et le Noir en à peine plus d’une nuit. Certains ne finirent jamais le livre et demandèrent au Sushi où il avait puisé son courage. Il leur expliqua qu’il n’était jamais parvenu à entrer dans le livre et que ça avait été l’expérience littéraire la plus éprouvante de sa courte vie, mais qu’il n’avait pas abandonné et avait préféré le lire d’une traite plutôt que de s’éterniser. De plus, il était - et est toujours - plus facile de rendre un devoir sur un livre qu’on a vraiment lu. Le Sushi peut témoigner, il déclara forfait au milieu des Confessions de Rousseau et trembla le jour du baccalauréat. Le Sushi déclara forfait une fois, et ce fut avec Rousseau…

Puis le Sushi partit du cocon familial. Il découvrit la vie étudiante. Il découvrit les fins de mois difficiles. Et cessa peu à peu de lire.

Puis le Sushi quitta la France. Il découvrit une autre forme de littérature, et l’effroyable réalité: il ne pouvait comprendre les grands classiques étrangers. Il tenta Shakespeare mais ne parvint jamais à saisir totalement les textes. Il se laissa alors bercer par les mots, et se dit que le sens…

Puis le Sushi revint en France. Il trouva un emploi, et se rendit compte le travail était encore plus chronophage que les études. Le Sushi cessa alors totalement de lire.

Mais récemment, la télé du Sushi tomba en panne. Après 3 jours où le Sushi tournait en rond, puis restait des heures prostré à regarder l’écran désespérément noir, puis venait doucement effleuré l’écran dans l’espoir de le ressusciter, il se rendit à l’évidence: il lui fallait trouver une nouvelle source de distraction. Et un livre croisa son regard…

Comme il avait très faim, le Sushi l’attrapa et le dévora. Les souvenirs l’assaillirent: les nuits où il lisait en cachette, les livres qu’il entassait au pied de son lit, ceux qu’il abandonnait dans toute la demeure familiale, les longues soirées d’hiver et celles tout aussi longues d’été passées en compagnie d’auteurs plus ou moins connus et reconnus…

Le Sushi eut soudain une impression bizarre. Comme une décharge de plaisir, alors qu’une larme lui coulait sur la joue. Il se rendit compte qu’il venait à nouveau d’entrer dans un livre. Que le monde qui l’environnait n’existait plus. Qu’il était seul.

Le lendemain, le Sushi faisait ses provisions et renonçait à faire réparer son téléviseur.


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