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Microfictions

Publié le 19 mai 2008 par Jlhuss

microfictions.1210931325.jpg Vous connaissez peut-être ce bouquin de Régis Jauffret. Un trop gros livre me direz-vous, trop avec ses 1000 pages … erreur. Il s’agit d’un “livre monstre” comme le décrit la 4ème de couverture : 500 histoires tragi-comiques. Vous prenez, vous lisez deux pages … le coup est parti ! Vous pouvez poser le livre et “digérer” l’insulte, la bizarrerie, le grand comique, la tragédie. Vous ouvrez à n’importe quelle page et vous êtes encore “dans le coup”. Un livre subversif, étonnant, décalé, un pansement “pruritogène”, un acide sur une plaie vive … Mais je recommande.

A ceux qui seraient tentés de penser que l’auteur en fait de trop dans l’horreur ou l’incroyable, je les renvois à l’info qui vous arrive en pleine figure le soir où vous ouvrez par inadvertance votre télé vers 20h :

“Deux garçons, âgés de 11 et 12 ans, ont violé la sœur de l’un d’eux (10 ans). Ils ont filmé la scène et l’ont diffusée à des centaines d’élèves de leur collège.”

La réalité dépasse de loin les “microfictions” !

A titre d’exemple, une de ces “histoires” : j’ai choisi celle-là parce qu’elle brocarde les médecins et qu’il convient de se châtier soi-même!:

“Conscience de classe

-Toujours la même histoire.
Des reproches, des insultes parfois, et hier un coup de genou qui m’a laissé pantois. Vous me reprochez la mort de votre épouse, pourtant ce n’est tout de même pas ma faute si elle était malade, et si bien qu’ignorant, on a cru bon de m’accorder un diplôme de médecin. J’ai cru à un rhume, une petite bronchite, mais je l’ai pourtant envoyée chez un ami radiologue. Ivrogne comme moi, un peu toxicomane. Un de ces myopes de surcroît, qui ne supporte pas les lentilles, et qui par coquetterie ne met jamais de lunettes. Il est donc excusable de n’avoir rien vu, et de toute façon, les clichés, il ne les a même pas regardés. Il a préféré encaisser votre chèque. Il vous a écrit un petit mot quand vous avez fait paraître l’avis de décès, et il s’est excusé de son incurie.
- Un croyant de votre espèce, ne demande pas la mort du pécheur.
Par ailleurs, la plainte que vous avez déposée est indigne d’un citoyen responsable. La délation fait honte à une démocratie, on ne demande pas qu’on raye du Conseil de l’Ordre un authentique notable, un bourgeois. On dirait que votre douleur vous a fait perdre la notion même de conscience de classe. Vous auriez pu simplement exiger le renvoi du technicien qui était aux commandes de l’appareil de radiologie. Nous aurions maquillé les clichés, rendant les zones malades floues, comme ces photos de vacances que prennent les peigne-culs, dans les campings malodorants où ils déshonorent la France en bavant comme des galeux dans des assiettes en plastique et des gobelets.
- Je vous prie de croire qu’il n’aurait jamais touché le moindre euro de l’ANPE.
Un bon avocat de la partie civile serait parvenu à convaincre le président de l’envoyer à Fleury-Mérogis.
Une faible somme d’argent versée dans l’arrière-salled’un café à un souteneur dans la débine, vous aurait permis d’avoir la joie quelques jours plus tard d’entendre à la radio qu’il s’était pendu dans sa cellule, un couteau profondément enfoncé entre les omoplates.
- En cas de nécessité, il est juste de faire exécuter un bouc émissaire.
Je ne peux que vous conseiller, Monsieur Grangier, de ne pas vous oublier davantage. Je suis votre médecin de famille, et rappelez-vous que c’est moi qui ai fermé les yeux de votre père, de vos soeurs, et d’un douzaine de vos oncles et cousins. En mémoire de ces personnes aimées, qui me respectaient, et à qui j’inspirais la crainte tout autant qu’un sorcier, je vous demanderai de ne plus m’importuner. Montrez-vous courageux, la fureur et les larmes sont les armes des lâches. Je souhaite que nous retrouvions la confiance et la sérénité qui avant cet incident ont toujours empreint nos rapports. Pour vous êtes obligeant, j’irai même jusqu’à vous une bonne ristourne sur le prix de mes consultations.”

L’histoire choisie est tout à fait dans la “veine” Desproges, mais d’autres sont plus réalistes, ou au contraire très poétiques. Vous en aurez pour vos quelques euros !

Encore une chose : n’ayez pas peur du “hard” parfois même “très hard”, que ce soit sexe ou hémoglobine. L’histoire ne dépassant jamais une page recto-verso, vous pourrez vous en remettre. Dans la collection Folio, le livre ne craint pas les huiles solaires, ainsi vous l’emporterez sur la plage pour regarder passer les filles entre deux histoires. Surtout … ne les tuez pas !

Un dernier extrait pour la route :

“Un occident progressiste, vraiment moderne, devrait unir ses forces pour éradiquer la vieillesse. N’espérez pas qu’un changement climatique nous en débarrasse, cette engeance possède une faculté d’adaptation, de mutation, tout à fait comparable à celle des virus les plus sournois. Quand la Terre sera nettoyée, nous connaîtrons enfin le bonheur. Mon racisme est celui d’un sage, d’un humaniste.

Méfiez-vous de ces vicieux qui aiment les vieux.”

“Jauffret aurait pu devenir éditorialiste. Il capte en quelques lignes l’air du temps, la sottise politique du jour, le geste égoïste, l’autosatisfaction, l’inhumanité sereine, l’idée reçue. Il ne se prive pas non plus de fantaisies.” 



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