JULIEN BAYOU mercredi 11 juin 2014
Alors que les reports en tout genre s’accumulent concernant la loi de programmation de la transition énergétique - et qu’aucun calendrier n’est à ce jour connu - Julien Bayou invite le Gouvernement à ne pas négocier face à l’urgence de cette transition énergétique.
Aujourd’hui, Mme Royal devait tenir une conférence de presse présentant les grandes lignes de la loi de programmation pour la transition énergétique, ainsi que son plan d’action. Après l’annonce du report de l’adoption de cette même loi le week-end dernier, le mouvement écologiste s’était raccroché à cette présentation comme un dernier espoir de recours. Las, comme on pouvait s’y attendre, il n’en sera rien.L’annonce, hier, du report de cette conférence de presse, sans motif ni échéance nouvelle, douche un peu plus nos dernières illusions. Après Nicole Bricq, Delphine Batho et Philippe Martin, Ségolène Royal serait-elle à nouveau victime du syndrome « ministre de l’Ecologie » dans son rapport de force avec le Premier Ministre et le Président de la République ?Après les limogeages en forme de muselière de Nicole Bricq – accusée de déplaire au lobby pétrolier – ou de Delphine Batho – qui dénonçait la faiblesse de son budget – après l’entêtement sur Notre Dame des Landes, après la mise au ban de l’éco-taxe, ce recul sur la transition énergétique serait définitivement la preuve que l’écologie ne peut s’inscrire dans le logiciel de ce gouvernement socialiste.En fait, au moment où il conviendrait d’accélérer le calendrier des réformes écologiques, cet énième report constitue davantage qu’une erreur politique. C’est une faute morale. Car en différant une nouvelle fois la transition écologique, c’est tout simplement l’avenir que le gouvernement choisi d’ajourner. Le temps déjà perdu est considérable.Il faut le dire et le répéter : cette loi sur la transition énergétique est une urgence. Une urgence à l’égard de nos politiques énergétiques, qui restent engoncées dans le statu quo nucléaire, alors même que le rapport remis hier par l’écologiste Denis Baupin au nom de la Commission d’enquête parlementaire montre que le coût de la filière nucléaire ne cesse d’augmenter. Quelle découverte : l’énergie nucléaire est bien plus chère si on y intègre les coûts d’une maintenance laissée à l’abandon pendant des dizaines d’années, les coûts de démantèlement, les coûts de gestion des déchets, etc…Au lieu d’amorcer la révolution énergétique, le gouvernement semble au contraire céder aux tenants de la prolongation des centrales.Une urgence par rapport à nos concitoyens, également. Un des enjeux prioritaires de cette loi, c’est la rénovation thermique. S’attaquer enfin aux passoires thermiques qui ruinent les habitants. Rénover les bâtiments, c’est l’équivalent des grands travaux façon Roosevelt dans les années 30, la réponse à l’urgence climatique en plus : des factures moins chères pour les habitants, des centaines de milliers d’emplois non-délocalisables, et moins d’émissions de gaz à effets de serre.Une urgence, enfin, par rapport au reste du monde. Le dernier rapport du GIECnous le rappelait il y a peu : les enjeux du réchauffement climatique demandent une action résolue et rapide. Et que fait la France, futur pays hôte de la conférence de Paris sur le climat, en décembre 2015 ? Elle détourne les yeux. Elle poursuit le même chemin, en s’apprêtant par exemple à recevoir en octobre le premier salon international du nucléaire…Mais que nous dit-on pour justifier ce report ? Qu’il est dû à un manque de moyens pour financer la loi. C’est une question de choix, on préfère financer le pacte dit de « responsabilité ». Le gouvernement préfère laisser le lobby bancaire bloquer les tiers financeurs et dépenser des milliards d’euros en baisses de cotisations pour les entreprises dans l’espoir désuet de "relancer la croissance". La vérité impose de dire que nul ne peut garantir que les milliards d’euros de cadeaux fiscaux créeront des emplois plutôt que des dividendes.Imaginer une transition écologique sans marges de manœuvre budgétaire est parfaitement illusoire. Et mener une politique d’austérité en lieu et place d’une politique de relance sociale écologique, un contresens historique majeur. Il faut réaffirmer avec force qu’une autre politique est non seulement nécessaire, mais possible. L’objectif doit être d’agir et de transformer notre modèle économique et productif pour répondre aux enjeux climatiques, environnementaux, sociaux, économiques, ceux d’aujourd’hui comme de demain. Un projet de loi de transition ambitieux offrirait la possibilité d’agir vite sur le réel, en particulier via le développement des énergies renouvelables et l’efficience énergétique.Cela demande d’explorer des chemins nouveaux et de renouer avec le volontarisme. C’est notamment pour cela que nous souhaitons que la loi inscrive la possibilité pour l’Etat d’avoir un droit de regard sur la fermeture des réacteurs, qui ne doivent pas être des seules prérogatives d’EDF ou de l’ASN.C’est ici que la question de la transition écologique croise celle de la recomposition politique. Il apparaît chaque jour davantage que la première est conditionnée par la seconde. Qui veut la transition écologique doit travailler à faire émerger un nouvel arc de forces capable de l’imposer. Car au fond, c’est tout l’ordre politique classique qui semble tétanisé, incapable de faire face aux enjeux d’un monde en bouleversement.En particulier, pour la majorité actuelle, défaite politique et impasse écologique sont les deux faces d’une même réalité : engoncé dans l’orthodoxie, l’actuel gouvernement semble incapable d’imaginer des solutions nouvelles adaptées à la multiplicité des crises traversées par nos sociétés. Mais que faire ?Plaider inlassablement, convaincre les tièdes, bousculer les récalcitrants, mobiliser la société, alerter les consciences, forger des alliances nouvelles, et dire clairement que l’écologie n’est pas une variable d’ajustement électorale, mais bel et bien une urgence non négociable.
Source : Julien Bayou pour ReporterreJulien Bayou est porte-parole du parti Europe Ecologie-Les VertsImages :
. Chapo : DNTE
. Royal, Valls et Hollande : La Croix
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