Voilà huit mois que ce peintre originaire de Lyon réside à Villefranche sur mer. "Après quatorze années passées dans la capitale rhodanienne, ma motivation faiblissait". "La fin d’un cycle", explique Florent Espana: "pendant dix ans, j’ai très vite développé ma carrière. Dans les dix ans qui viennent, je vais continuer à peindre, faire un plan et atteindre mes objectifs". "Motivation"? "Carrière"? "Plan"? "Objectifs"? Un vocabulaire qui sied davantage aux obsessions d’un étudiant de l’EDHEC ou de l’IPAG qu’aux propos d’un artiste. Florent Espana le reconnaît: "pendant dix ans, j’ai travaillé au jour le jour, sans me soucier de ce qui allait se passer demain".
La rencontre avec un "collectionneur pathologique, gargantuesque", un homme "malade des artistes" a été révélatrice. "J’ai travaillé avec lui une fois par semaine pendant un an". Deux heures d’entretiens au cours desquels "il me posait des questions sans m’apporter de réponses". Un exemple? "Tu marches aujourd’hui sur une patte, la création. Quelles sont les trois autres pattes?" Registre de l’énigme sphinxienne ou remake mythologique de Pygmalion? Celui qui lui a "acheté son premier tableau" est devenu un "guide". Il n’y a pas de petit transfert!
Une "maladie pulmonaire est, par surcroît, venue me rappeler que je n’étais pas immortel". "Les réponses", poursuit ce diplômé de l’École Émile Cohl à Lyon, "je les ai trouvées dans mes créations". "Bunkerland" fut le premier thème "réfléchi". "J’ai souvent travaillé par séries comme celles des maîtres dont j’entends m’inspirer: Picasso, Lucian Freud, Monet". Il précise: "par effet de mimétisme, on reproduit ce que le maître produit".
Pourquoi Villefranche? L’artiste répond sans hésiter: "ma renaissance". "J’ai quitté un état d’oppression et d’enfermement sur moi-même pour retrouver le plaisir de peindre et d’échanger". "Ici", ajoute-t-il, "je peux voir loin: j’ai une profondeur de champ alors qu’à Lyon, ma vision était obstruée par le béton, d’où ma première exposition intitulée Béton armé".
Depuis huit mois, Florent Espana a développé trois "axes de recherche": en premier lieu, "une recherche fondamentale sur le médium représenté par l’art". "Qu’est-ce que la peinture? Que puis-je apporter de nouveau à la création artistique?": réminiscence de son désir d’éternité. Ce premier axe s’étaye sur "un travail portant sur le motif, le rythme et la densité", en "écho à ma vision du monde, flux incessant, dynamique rythmée, dégénérée, à l’image de ma vision de la société". Ensuite, "une peinture d’observation" et, enfin, "l’art de la scène de genre", "une mise en abîme d’un sujet où chaque élément est construit". Le "contraire", précise Florent Espana, de mes "Favelas", "libres et création pure": quand "j’attaque ce type de tableau, je ne sais pas ce qui va en sortir".
"Mercredi, pour mon vernissage, je propose une petite rétrospective": "j’ai demandé à quelques artistes locaux d’y prendre part". Après accord de la municipalité, le vernissage définira, en plein cœur du centre-ville, un "parcours lumineux" débutant en haut de la rue de l’église avec des œuvres de Bert, puis celles de deux autres artistes, Lucas Bernardeschi et Thierry Otoniente, qui occuperont le parvis de la chapelle sainte Élisabeth. Un "moyen de tester, de voir comment les gens réagissent, les voisins, les artistes, la collectivité". "Je souhaite générer une dynamique". "Le plaisir d’aller vers les autres". Et de conclure: "l’existence n’est-elle pas faite de rencontres qui nous obligent à nous mouvoir?".
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