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Chili : la claque Quercia

Publié le 16 juin 2014 par Anthony Quindroit @chilietcarnets
La couverture du livre

La couverture du livre "Les rues de Santiago" de Boris Quercia

L’actualité du Chili, ces derniers jours, c’est plus le foot qu’autre chose. Le pays, grand amateur de ballon rond, a les yeux rivés sur la Roja. Pourtant, de foot, dans cet article, il ne sera pas question. En attendant une (bonne) surprise de la sélection chilienne, le coup d’éclat chilien est à découvrir chez les libraires. Son nom : Les rues de Santiago. Son auteur : Boris Quercia.
Santiago, c’est une ville, la capitale du Chili. C’est aussi un prénom. Celui de Quiñones, flic désabusé dont la vie bascule après une intervention sanglante au cours de laquelle il est contraint de tuer un adolescent. Descente aux enfers, vieux démons. Mais aussi optimisme, réalisme, humanisme… Boris Quercia plonge son héros de chair et de sang dans un bain nauséabond émaillé de bulles d’air courtes mais salvatrices où l’amour a également droit de cité. Et le lecteur de se faire happer par ce roman noir comme les bas fonds santiaguinos. Une vraie claque que nous met cet auteur inconnu qui a accepté de répondre aux questions de Chili et carnets.
Transmises dans la langue de Neruda, les réponses ont été aimablement traduites par Isabel Siklodi.

Boris Quercia (photo d'Eleonora Aldea pour Socialice)

Boris Quercia (photo d’Eleonora Aldea pour Socialice)

Boris Quercia, vous êtes inconnu en France. On ne trouve votre trace qu’en tant que producteur associé d’un film chilien. Pouvez-vous vous présenter ?
Boris Quercia : "Avec plaisir. Je suis acteur et réalisateur de films pour le cinéma et de séries télévisées. J’ai beaucoup écrit, mais plutôt des scénarios. Je voudrais maintenant être écrivain.
J’ai fait des études de théâtre à l’université du Chili dans les années 1980. J’ai été l’acteur principal d’une pièce de théâtre très connue au Chili, « La negra Ester » de Roberto Parra (frère de Violeta et Nicanor Parra). Cette pièce raconte une histoire d’amour (véridique) entre Roberto et Ester, prostitué dans un cabaret du port de San Antonio au Chili. J’ai fait ensuite des vidéos jusqu’à la réalisation de mon premier film Sexo con Amor. En fait c’est plutôt mon deuxième film, car le premier fut LSD (Lutte Sociale Digitale) en 2000, qui a été le premier film enregistré en vidéo digitale ou numérique au Chili.  Sexo con Amor a été vu au cinéma par un million de personnes, un vrai record à cette époque.
Apres avoir fait d’autres films, je suis passé à la télévision où j’ai dernièrement dirigé cinq saisons de la série Los 80 (Les années 1980) qui raconte l’histoire d’une famille pendant les années de dictature militaire au Chili.  Les Rues de Santiago est mon premier roman. Je pense que mon parcours est assez logique : quand j’étais jeune et insouciant, j’ai fait du théâtre. Puis, lorsque je suis devenu adulte et père de trois filles, j’ai fait du cinéma et de la télévision. Maintenant que j’entame mon dernier tour sur Terre, je veux être écrivain, une belle activité pour la retraite. J’ai 47 ans mais je pense toujours à l’ avenir…"

Beaucoup d’œuvres  chiliennes prennent racine dans l’histoire du pays, notamment le coup d’Etat. De plus en plus de livres, dont le vôtre, s’en éloignent. Le Chili a-t-il fait le deuil de cette période ? Boris Quercia : "Je ne sais pas. Je crois qu’il y a beaucoup de littérature chilienne où il n’est pas question de coup d’Etat ni de dictature, sans que cela veuille dire que la question est résolue. Le problème au Chili est l’impunité pour les crimes commis. Il y a aussi des groupes avec beaucoup de pouvoir qui continuent à nier la gravité des faits. Par exemple, on a une discussion, toujours en cours au Chili, pour savoir si, dans les livres d’histoire d’école primaire, on doit appeler cette période historique « dictature militaire » ou « gouvernement militaire ». De toute façon, ce n’est plus un sujet de la vie quotidienne, même si nous sommes les héritiers d’un système économique et politique qui a vu le jour pendant ces années qui ont changé le Chili définitivement." Dans votre livre, on peut sentir l’odeur du tabac et la moiteur des quartiers malfamés de Santiago. Quelle est votre méthode de travail ?
Boris Quercia : "Je crois que mon expérience de scénariste et de réalisateur me fait essayer de décrire ce que je visualise, comme une mise en scène, et me donne envie d’offrir au spectateur les détails qui lui permettront de s’imprégner d’une atmosphère déterminée. Je n’ai pas de méthode d’écriture, à moins que le fait ne pas avoir de méthode en soit une. J’écris quand j’ai l’envie ou besoin de reprendre la vie des personnages que j’ai laissé de coté, gelé dans le temps. L’oisiveté, la lecture de journaux, les balades dans les rues de la ville, le fait de s’asseoir dans un café, de boire un verre de vin sur le zinc dans le centre-ville sont des moments aussi importants pour la création que lorsque l’on tape sur l’ordinateur." Qui sont vos auteurs de chevet, au Chili et à l’étranger ? Boris Quercia : " Je ne lis pas beaucoup de polars, j’aime plutôt la poésie et les essais. En ce moment par exemple, je lis Raúl Zurita, un grand poète chilien, prix national de littérature. Pour moi, la poésie est le berceau ou les mots sont élevés. Mes grandes influences dans ce roman viennent plutôt du cinéma : Chinatown, Blade Runner, French Connection, La Soif du Mal…" Les rues de Santiago aura-t-il une suite ? Boris Quercia : "Je l’écris en ce moment. J’espère la finir bientôt, très bientôt." Avez-vous d’autres projets ? Boris Quercia : "J’écris en permanence un roman que je ne finis jamais, fait de tous les bouts de romans que je n’ai jamais terminé. Je ne sais pas si c’est un exercice d’onanisme ou si je finirai par le publier un jour. C’est très curieux, mais j’aime bien ce projet qui n’en est pas un." Votre livre s’inscrit dans une ambiance à la Chinatown de Polanski. Santiago prendra-t-il corps à l’écran ? Boris Quercia : "Chinatown est un de mes films préférés. Je vous remercie de la comparaison. Oui, j’aimerais bien faire quelque chose d’autre avec “Santiago Quiñones”. Je pense à une série télévisée, mais ceci m’obligerait à être le metteur en scène et comme j’ai déjà dit, je pense plutôt à la retraite, en ce moment…" (il rit). Les éditions Asphalte vous propose de découvrir les premières pages de ce roman percutant : Premières pages "Les rues de Santiago" Les rues de Santiago, de Boris Quercia, aux éditions Asphalte, 15 €.

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