Trans Atlas Marathon: l'Atlas de toutes les couleurs!

Certains lieux vous deviennent familiers. C'est le cas, pour moi maintenant, de Marrakech et des montagnes de l'Atlas. Je m'y rends deux fois par an a peu prés, depuis dix ans. Alors en repartant de la capitale du sud marocain ce matin, j'ai presque l'impression de quitter une maison pour une autre.
Ma familiarité acquise avec ces lieux, c'est surtout a de belles amities que je la dois, et en particulier grâce a celle qui me lie avec les freres Ahansal et la "Zagora Family". Aussi quand Mohamad m'a demande de revenir pour cette deuxieme edition du Trans Atlas Marathon, j'ai tout de suite repondu present. J'ai le sentiment de faire un peu partie de cette course, dont nous avions evoque l'idee avec Mohamad quelques années auparavant lors de la Transmartinique.

La première édition n'est pas ancienne, puisque c'est en septembre dernier que nous avions déjà arpente ce parcours qui traverse le Haut-Atlas du nord au sud. 285 kilomètres et des milliers de mètres dénivelés, des cailloux par milliers, nous attendent. De beaux sentiers, des cols ocres et des lacs d'altitude, des villages blottis au creux de vertes vallées ou serpentent des oueds sources de vies, également.

Lorsque j'arrive a Marrakech, vendredi dernier, je retrouve aussi des figures familières: Idriss et Smail m attendent a l'aeroport, puis dans la soirée je vois Mohamad venu accompagner a l’hôtel l’équipe médicale, composée d’Agnès et Véronique, les infirmières moulinoises, renforcées cette année par Matthieu et son épouse Murielle, qui viennent également de Moulins. Rodolphe Charrier, mon ami toulousain, sera le seul français a courir cette année. C'est dommage que cette deuxième édition du TAM n'est pas trouve davantage de coureurs hexagonaux et européens. Cette aventure vaut pourtant vraiment le voyage.
Car si j’écris ici "aventure" c'est que le Trans Atlas Marathon en fait encore souffler le vent. Loin des trails trop commerciaux et des grands messes, cette traversée de l'Atlas du M'Goun au Toubkal reste un vrai voyage, une belle plongée dans la montagne berbère. Le parcours est exigeant, les conditions d’hébergement très bonnes mais quand même rustiques, l'effort soutenu et surtout le petit peloton se fond dans le décor, a la rencontre du pays et de ses habitants. Ce n'est plus si courant dans l'univers des courses, même "extrêmes".
Le lendemain, c'est une grande caravane, déjà presque une famille, qui se rend au Zaouat Ahansal, le berceau de la famille des coureurs (qui eux sont nés dans le désert), un village construit sur les pentes du massif du M'Goun, ou serpente une jolie rivière. La route pour y parvenir est assez longue mais nous offre un bel arret pour admirer les cascades de , un des hauts lieux touristique du massif: il est vrai que la hauteur de ces chutes d'eau est impressionnante.
Le lendemain, c'est une journée de repos et de préparation qui nous attend dans le paisible village. Le temps nous est ainsi donne de préparer tranquillement nos affaires, de nous remettre du long voyage, de nous faire au climat: le soleil brille fort dans la petite vallee. Le temps pour les organisateurs de tout mettre en place pour le départ, et pour les derniers coureurs d'arriver. Beaucoup viennent des montagnes voisines, d'autres du desert. Je reconnais la plupart des participants: Ali et Aziza, les vainqueurs de la première édition, sont ainsi présents. Les seuls représentants européens autres que Rodolphe et moi sont Basti, qui représente aussi la société UVU, une nouvelle marque de vêtements particulièrement techniques qui arrivera bientôt sur le marche,  sponsor de la course, avec qui j'avais couru l'an passe, et son amie Magdalena. Tous deux viennent de Bavière. Seuls quatre coureurs sont venus du nord du Maroc.
Les choses se présentent donc bien, l'ambiance est déjà très bonne, familiale. Les journalistes marocains présents l'an passe sont eux aussi a nouveau de la partie. Deux vidéastes anglais viennent compléter notre groupe.
Dans la nuit, je fus malheureusement pris de nausées: j'ai du manger quelque chose qui ne passe pas. La course s'annonce donc mal: je suis positivement malade, mon estomac complètement détraqué.
Au matin, après une nuit blanche et des vomissements, je ne suis pas en grande forme, c'est le moins que l'on puisse dire. Après avoir pris quelques médicaments et m être interroge sur le fait de finalement prendre le départ, je décide malgré tout de partir, sans trop d'espoir de pouvoir boucler cette difficile étape: je m en souviens bien et ce n'est pas une promenade de sante.

Comme mon seul objectif ici est de parcourir le chemin, d'y prendre un certain plaisir au sein de l'effort et de vous en rendre compte ici, je sais que ma tache ne sera pas aise sur cette première journée.

Les coureurs marocains sont évidemment tres motives par l'événement, et la lutte pour la victoire s'engage d’entrée. Avec Rodolphe, qui n'a pas pu bien se préparer a cause de contraintes professionnelles et poursuit donc un but identique au mien, nous décidons de partir tranquillement pour affronter la premiere longue montée du jour. Pour moi, ce sera toutefois la dernière: après une heure de répit, ou je ne ressens que la fatigue de la nuit et la faiblesse, mon estomac se rebiffe a nouveau et je suis pris de violents vomissements. Je dois m arrêter plusieurs fois et la douleur ne me permet plus d'avancer correctement.
Rodolphe m attend gentiment puis parvenus pas trop loin du sommet, je lui dis de poursuivre seul, je suis encore capable de me traîner jusque la haut ou je pourrais trouver de l'assistance. Je termine la montée en plusieurs fois, m'arrêtant sur des rochers. Tarik et un autre coureur me dépassent d'abords, puis vient le tour d'Aicha, une jeune suisso-marocaine qui clôt la marche et effectuera courageusement tout le parcours. Elle fait un stage dans une des agences de voyage partenaire de l'événement, et le fait de façon plutôt active! 
Je parviens tout de même en haut, où je retrouve Mohamad. Le temps de m'écrouler dans la voiture et Véronique arrive avec un ambulancier... je rejoindrai donc en véhicule, et avec pas mal de difficultés, le point d'arrivée aujourd'hui. Mon souvenir de cette première étape, déjà très exigeante, ne peut me faire regretter mon choix qui de toutes façons m'est dicté par un état incompatible. 
Après une après-midi de repos, je vais un peu mieux et assiste à l'arrivée des derniers coureurs. Rodolphe, qui ne partira pas le lendemain, a préféré arrêter au 43e kilomètres, surpris par la difficulté du parcours. 
Je ne suis pas encore bien en forme le soir venu, mais la nuit me portera vers de meilleures dispositions: le lendemain, après avoir à nouveau un peu hésité, je repars. J'ai d'autant plus envie de découvrir cette étape que les conditions météo ne nous avaient pas permis d'y aller l'an dernier. Je pars tranquillement, très tranquillement. L'estomac me fait toujours un peu mal et je n'ai presque rien mangé ces deux derniers jours. Mais finalement, ça va pas si mal. Le long col se profile après quelques kilomètres de plat, et je grimpe à un rythme plutôt crescendo: je rattrape d'ailleurs quelques amis marocains partis plus vite, ainsi que Magdalena. 
Parvenu au sommet, à 3600 mètres d'altitude, je découvre l'étendue du grand plateau qui nous attend: le décor est minéral, malgré quelques prairies où paissent de paisibles troupeaux de moutons. Quelques chèvres naviguent entre les roches. Je pourrai aussi bien, par moment, me croire sur une autre planète. Les roches m'entourent. Je traverse ce plateau d'un bon pas: j'ai repris mon allure de pèlerin rapide, celle qui me permet sans souci de parcourir des kilométrages assez importants de jour en jour. Je ne me préoccupe plus ni de l'allure des autres coureurs, ni du chronomètre qui peut bien défiler. Mon seul but est de terminer sans trop de fatigue, et en profitant de ces lieux hors du commun. 
C'est ainsi que je redescendrai plus tard vers la vallée, après une descente des plus techniques ou les cailloux ne manquent pas de perturber ma foulée. Mais ça passe bien. Je suis à nouveau presque confiant pour la suite de la semaine. Arrivé en bas, où la rivière coule, je suis cependant loin d'être au bout: une longue portion de piste, le plus souvent inondée, m'attends là, entre les villages accrochés aux roches et l'oasis créé par l'eau. 
Mon rythme ralentit un peu mais reste le bon; je parviens au bout de cette étape, content de retrouver l'ambiance de fête sur la ligne d'arrivée et mes amis, qui ont déjà bouclé l'étape. L'équipe médicale et Rodolphe, qui a préféré se reposer aujourd'hui, ont quant à eux fait une longue balade en 4x4 aujourd'hui. 
Sur les quatre étapes suivantes, qui s'annoncent un peu plus "faciles" (tout est relatif), je vais poursuivre sur ce mode. Ne pas forcer, tenir compte de ma petite faiblesse due à ce mauvais passage et prendre du plaisir à vadrouiller dans la montagne. 
Sur l'étape suivante, je fais course commune avec mon ami Rodolphe. Le profil est encore très loin d'être plat et le dernier col offre vraiment une forte pente. Le soleil frappe aussi de plus en plus fort. Mais nous pouvons tout de même admirer les belles couleurs de cette fin de printemps: le parcours est davantage fleuri que lors de mon passage en septembre. Nous passons aussi au bord du plus haut lac d'altitude du pays, dans un décor à nouveau totalement minéral ou presque. 
Le lendemain est plus simple, presque du repos! Un passage sur pistes plutôt agréable, où nos foulées peuvent enfin se dérouler sans obstacles, où le regard peut se porter loin vers les sommets ocres et les villages perchés sur les pentes. Nous courons beaucoup plus. Les derniers kilomètres, qui nous font traverser une impressionnante gorge puis un plateau où des femmes aux tenues très colorées ramassent le blé à la serpe, sont particulièrement beaux. 
Le soir, nous pouvons bien profiter de l'ambiance, particulièrement chaleureuse, comme l'an passé. Notre petit groupe s'est vite mué en grande famille et une rare communion règne entre coureurs, organisateurs, médicaux et journalistes. Une caravane qui se déplace dans la montagne. 
L'étape suivante sera accomplie à trois: notre copain Tarik, l'un des rares coureurs venus du nord du pays, donc aussi dépaysé que nous dans ce décor de montagnes arides et de plateaux, nous a rejoint. Une longue montée nous mène progressivement vers le plateau Yagour. Là, le décor est de toutes beautés: des cultures en escaliers, qui m'évoquent un peu l'Asie, des fleurs des champs, des roches aux formes énigmatiques. Nous prenons le temps d'admirer, sans toutefois traîner. 
Dans la dernière longue descente, Tarik a des fourmis dans les jambes et Rodolphe nous dit d'y aller à notre rythme: j'accompagne donc mon ami de Casa jusqu'à l'arrivée, jugée juste après le passage d'un pont suspendu des plus spectaculaire. Dans la vallée, le thermomètre affiche une bonne quarantaine de degrés. 
Il nous reste un long "marathon" pour achever cette traversée: les deux dernières étapes sont donc différentes de l'an passé, nous ne passerons pas par l'Oukaimden. C'est d'ailleurs plus joli; le col qui nous est proposé aujourd'hui est un peu moins difficile mais le paysage plus vert et plus varié. 
Je resterai en compagnie de Matthieu, le médecin de la course qui a décidé de participer ainsi à la dernière étape, durant cette grande balade de 42 kilomètres. Bon, nous allons prendre un peu notre temps. Je n'ai enfin plus du tout de soucis digestifs, et malgré une chaleur vraiment importante, j'avance avec aisance. Le col, à plus de 3200 mètres d'altitude, se mérite tout de même. La descente qui suit, aussi. Mais le plus dur est finalement la dernière petite montée qui serpente sous le soleil. Là haut, une petite pause "Fanta" est plus que la bienvenue. 
Une dernière descente, au bout de laquelle nous retrouvons Murielle et Rodolphe (qui avait dû s'arrêter au premier ravitaillement, trop fatigué), pour les deux derniers kilomètres sur la route. Imlil, le "Chamonix" du Toubkal, est en vue. Toute une marmaille de gamins enthousiastes nous escortent dans le dernier kilomètre pour une arrivée partagée et pleine de couleurs, à l'image de la course. 
Je reviendrai sans doute sur les prochaines éditions de cette course qui réunit les ingrédients que j'aime: un parcours itinérant, du voyage, du défi et un vrai bel esprit d'amitié. Je souhaite vraiment à Mohamad Ahansal de continuer à développer le Trans Atlas Marathon, qui reste une vraie belle aventure loin des projets trop clinquants et trop commerciaux.  
J'espère que nous serons un peu plus de coureurs français pour l'édition 2015. Si vous vous sentez l'âme d'un explorateur des montagnes africaines, contactez-moi! 
Le site de l'épreuve: atlasmarathon.com/