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Confions l’exploitation et l’infrastructure ferroviaires à une entreprise publique unique

Publié le 18 juin 2014 par Blanchemanche
Le Monde.fr | 17.06.2014
Comme la grande majorité de la population, les cheminots exercent un métier socialement utile. Alors, quand nous faisons grève, inévitablement, c’est gênant. C’est une différence notable avec celles et ceux dont l’activité principale depuis plusieurs jours est de se plaindre qu’il n’y ait pas de trains avant de remonter leur voiture de fonction avec chauffeur…
Confions l’exploitation et l’infrastructure ferroviaires à une entreprise publique unique
Nous travaillons régulièrement avec des associations d’usagers, indépendantes, fédérées au sein de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), ou encore avec la Fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP). Avec cette dernière, nous avons demandé la légalisation des « grèves de gratuité » qui permettrait aux usagers de voyager sans payer ; aucun gouvernement n’y a répondu et ces mouvements sont toujours illégaux.
La grève reconductible touche l’ensemble des catégories de cheminots. Le secrétaire d'Etat chargé des transports, Frédéric Cuvillier, et Manuel Valls disent que leur porte est grande ouverte. Ce sont des menteurs : le ministère refuse tout contact avec SUD-Rail depuis le 12 juin. La direction SNCF n’a comme seule proposition que d’annoncer chaque jour la fin de la grève pour le lendemain. Tout ça n’est guère raisonnable !
Les grévistes refusent l’abrogation de la réglementation du travail SNCF, demandent son amélioration et son extension à tous les salariés du secteur. Le progrès social en somme !
UN CONSENSUS DROITE/GAUCHE
La restructuration interne compulsive de la SNCF, placée toujours plus sous le signe d’absurdes rapports clients/fournisseurs là où il faudrait de la complémentarité, aboutit à une destruction du sens même des tâches des cheminots et à une grande souffrance au travail.
L’éclatement du système ferroviaire français est le fruit d’un consensus droite/gauche : en 1996, la droite décide, pour détruire le corps social cheminot au lendemain de la grève de 1995, de casser la SNCF en créant Réseau ferré de France (RFF) ; en 1997, le gouvernement PS/PCF/Verts met en œuvre cette fatale rupture entre infrastructure et exploitation ferroviaires. SUD-Rail dès ce moment, d’autres syndicats un peu plus tard, quelques cadres de l’entreprise par ailleurs, alertèrent des dangers et de l’absurdité de ce choix.
En matière ferroviaire, infrastructure et exploitation sont totalement liées et interdépendantes ; c’est la nature même de ce mode de transport guidé, comme en attestent près de deux siècles d’expérience … et le bon sens (les rails sans trains n’ont guère d’utilité, et réciproquement). Créer plusieurs entités aboutit à un affaiblissement de la qualité et de la sécurité, amène des doublons, des contrôles et suspicions réciproques absurdes.
Diverses études concluent à un surcoût annuel d’un milliard d’euros, soit l’équivalent de ce qui manque pour entretenir convenablement le réseau existant. Quoi qu’on pense des réglements européens (auxquels il pourrait être décidé de ne pas se soumettre !), rien dans ces textes n’oblige à cette séparation, non mise en œuvre dans d’autres pays.
UNE HOLDING DONT LE SEUL BUT EST DE « FAIRE DU FRIC »
Durant quinze ans, patrons de la SNCF, représentants du gouvernement et experts en tout genres repoussaient nos demandes de réunifier le système ferroviaire, sans même en discuter. Désormais, on ne compte plus les déclarations enflammées sur cette nécessité. Les convertis de dernière heure sont les plus expansifs, à l’image du président de la SNCF, artisan de la dislocation de 1997 dont il se fit le chantre durant quinze ans.
Ces ralliements sont aussi tardifs que factices : il faut réintégrer l’exploitation et l’infrastructure ferroviaires dans une entreprise publique unique ; cela ne se fera pas avec une holding dont le seul but est de « faire du fric », y compris en participant à la privatisation des réseaux ferroviaires d’autres pays ! L’infrastructure ou la gestion des gares doivent être des services d’une SNCF publique unifiée.
Une réunification ? Là où il y avait deux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), le projet de loi en crée trois ! C’est le scénario belge : peu après son invention, l’établissement « de tête » a été supprimé, pour une séparation totale où le gestionnaire d’infrastructure (en France, RFF renforcé devenant SNCF Réseau) impose ses choix à ce qui n’est plus qu’une entreprise de transport ferroviaire (SNCF Mobilités) parmi d’autres... non publiques. Car un des objectifs du projet de loi est de généraliser la privatisation du secteur ferroviaire.
C est à coup de gaz lacrymogènes et de matraques que les gendarmes mobiles ont ouvert la voie au premier de train de fret privé en France, le 13 mai 2005. Mais les militants SUD-Rail et Solidaires alors présents avaient raison : aujourd’hui, les cheminots des entreprises privées ont des conditions de travail très mauvaises et dangereuses, le statut SNCF a été affaibli, mais cela n’a nullement contribué à ce que la part du ferroviaire dans le transport de marchandises augmente. Au contraire, nous sommes tombés au niveau de 1911 ! Comme cela n’a pas marché pour le fret, on nous propose de faire la même chose pour le transport de voyageurs. Les trains seront-ils moins chers une fois privatisés ? Nous avons la réponse avec le gaz par exemple, dont le prix pour l’usager avait augmenté de 60% six ans après la privatisation de GDF.
UNE NÉCESSITÉ SOCIALE, ÉCOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE
Nous avons besoin de trains à l’heure, non supprimés, propres, de personnel formé dans les gares et les trains. Nous voulons des trains qui roulent dans les meilleures conditions de sécurité, ce qui suppose de réaliser la maintenance et les travaux quand c’est nécessaire, et passe par une organisation cohérente du système ferroviaire public.
Le transport ferroviaire, de marchandises et de voyageurs, répond à une nécessité sociale, écologique et économique. Par définition, cela ne peut pas être l’objectif d’entreprises privées qui ont pour but de servir des dividendes à leurs actionnaires, c’est-à-dire de défendre les intérêts d’une minorité, au besoin contre l’intérêt général et les besoins de la collectivité.
Les cheminots, qui ne sont évidemment pas payés durant la grève, décident de leur mouvement en assemblées générales. SUD-Rail et l’union syndicale Solidaires les soutiennent. Direction et gouvernement doivent négocier sur les revendications, au lieu de donner des leçons de morale fort déplacées !

Nathalie Bonnet (Secrétaire de la fédération SUD-Rail [Solidaires])

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