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Le spectacle de l'intermittence.

Publié le 24 juin 2014 par Ep2c @jeanclp

Le caractère répétitif des polémiques sur le régime des intermittents du spectacle permet-il de mieux analyser les politiques publiques de la culture ?

On peut reprocher à une pensée commune du « monde de la culture » d'être fascinée par le caractère original, singulier, novateur, subversif de la création artistique.

Il n'en reste pas moins qu'une création peut (ou doit ?) être précédée de répétions et espérer être suivie de reprises.

Cela explique peut-être pourquoi, chacun de leur côté, Christian Salmon et Emmanuel Ethis jugent bon de republier sur leurs blogs ce qu'ils écrivaient déjà en 2003, le premier avec Olivier Py, le second avec Jean-Louis Fabiani et Damien Malinas à propos de la crise (inouïe) de 2003.

Sous le titre : Intermittents : la domestication culturelle,, Christian Salmon écrivait le 8 juin dernier , sur son blog (Médiapart)

Il y a onze ans la crise des intermittents provoquait l'annulation du festival d'Avignon.

Le 22 juillet 2003 Olivier Py et moi même décidions de publier une tribune qui se voulait aussi un appel, une alarme mais aussi un cri d'espoir. Olivier Py est aujourd'hui directeur du Festival d'Avignon, l'alternance a ramené les socialistes au pouvoir mais rien n'a changé. Il est même désespérant de constater que nous aurions pu publier la même tribune aujourd'hui sans en retirer un mot...

C'est ainsi qu'en vingt ans nous sommes passés de la politique culturelle à la culture de proximité. Des organismes privés seront très bientôt en charge de la culture dans le monde idéal de la communication et des loisirs. Une culture qui s'est lentement préparée à son nouveau maître, en devenant majoritairement muette, festive, décorative, sérieuse, pédagogique, divertissante, etc., bref domestique.

La domestication des individus est devenue aujourd'hui le but même de la vie en société. Car il ne s'agit pas seulement de substituer le divertissement à la culture, et la culture à l'art mais d'expulser toute réalité de l'espace social, de substituer l'exhibition à l'expérience, la télé-réalité au récit. La télé-réalité est bien plus qu'un programme de télévision ; c'est le programme intégré de toute la société ; absorber la réalité. Programme-buvard. Brouiller les contours entre le vrai et le faux, la réalité et la fiction. Un programme que Hanna Arendt qualifiait de «totalitaire». 

De fait , c'est avec le plus grand intérêt qu'on pourra lire les commentaires , nombreux et pas toujours très consensuel,  que provoque cette publication réitérée.

Accéder au texte intégral.

Démarche analogue d'Emmanuel Ethis qui publie de nouveau sur son blog La performance des vulnérables, un texte cosigné avec Jean-Louis Fabiani et Damien Malinas, publié pour la première fois en juillet 2013.

La crise des intermittents rompt le pacte qui repose sur l’échange admis entre l’incertitude et la liberté : ne reste que la certitude du désespoir, de l’interruption du jeu. Ce n’est pas la défense d’un style de vie où un minimum de confort qui est en jeu. La menace porte sur quelque chose de beaucoup plus diffus et de beaucoup plus fort : la possibilité même de se jouer des déterminations sociales en jouant, de se maintenir en suspension dans l’ordre social, de ménager un chemin de liberté qui a son coût social, mais dont la crise révèle soudain l’énormité. Que se passe-t-il lorsqu’on cesse de jouer à être un autre pour être réduit à être un simple individu social ? Les visages et les corps disent l’anxiété de cette fin de partie annoncée. Le paradoxe de l’action collective éclate : pour certains, il s’agit de ne plus jouer pour continuer à jouer, pour d’autres, il s’agit de jouer à n’importe quel prix, pour sauver sa peau d’artiste. La menace redoutée installe des arguments qui justifient les attitudes les plus contradictoires. L’interruption est momentanée, mais qui sait ? Dans la suspension, il y a toujours l’anxiété de la fermeture définitive. Le festival est installé dans la durée : n’est-il pas aujourd’hui une tradition nationale, bâtie sur une chaîne intergénérationnelle faites d’émotions, de plaisirs partagés mais aussi de disputes. De disputes, de conflits sévères, certes, mais pas comme ça, pas au point que la mort du théâtre ne devienne une possibilité. Et les corps disent, plus que les slogans, le prix qu’on attache à être ici ensemble dans un lieu de mémoire par excellence dont on ne sait plus si l’est un lieu d’avenir. Nous avons tellement joué avec la mort du théâtre que nous sommes surpris, presque interdits, par cet arrêt de jeu.


Accéder au texte intégral.

Le caractère récurent de la crise, des polémiques empreintes de mauvaise foi, du débat politique trop souvent convenu sur fond de questions techniques (pas toujours limpide, loin s'en faut) appellerait une étude suivie de la question, une compétence dans la compréhension du mécanisme et un certain courage intellectuel dans l'analyse qu'on peut sans doute trouver ici :

Pierre-Michel Menger  : L’intermittence, c’est le travail hyperflexible : un employeur embauche pour quelques heures, sans aucune contrainte, à la différence du CDD ou de l’intérim, qui sont beaucoup moins flexibles. Cela arrange donc tout le monde : le secteur privé comme le secteur public, les associations 1901 qui constituent l’immense majorité des employeurs du spectacle vivant, et l’Etat et les collectivités locales, qui ont utilisé pour l’essentiel la forme associative pour subventionner les structures et les événements, telles que les compagnies, troupes, festivals, etc. Au total, tous les employeurs du secteur des spectacles ont un intérêt au moins équivalent à celui des salariés pour défendre l’intermittence, aussi longtemps qu’ils pourront transférer le déséquilibre du régime particulier des intermittents (1,1 milliard d’euros d’écart entre prestations versées et cotisations encaissées) sur l’ensemble des autres secteurs d’activité, au titre de la solidarité interprofessionnelle de l’assurance-chômage. Donc employeurs du secteur et salariés sont d’accord entre eux.

Le cas de l’intermittence n’est pas un conflit social. Elle ne le deviendrait que si les employeurs avaient des intérêts différents des salariés et de leurs représentants, ce qui ne s’est jamais vu jusqu’ici. C’est un cas exceptionnel, dans le marché du travail en France, et un cas sans équivalent à l’étranger. Aucune procédure n’existe pour vérifier la légalité de l’embauche ou de la fin du contrat. Les employeurs n’ont que des cotisations à payer avec le versement d’un salaire, et aucune responsabilité à l’égard de la carrière individuelle des salariés. La souplesse procédurale du contrat de travail d’usage est imbattable, aucun théoricien de l’économie capitaliste la plus concurrentielle ne pourrait rêver disposer d’un système plus abouti qui transforme les coûts fixes du travail en coûts variables. Donc les employeurs du secteur sont solidaires des intermittents pour défendre un système qui a pour eux des avantages imbattables. Et tout irait bien si ce régime était équilibré, mais il est déficitaire depuis 30 ans… C’est un déficit structurel. Il tient tout simplement au mécanisme même de l’emploi au projet : quand on crée de l’emploi sous forme de contrats au cachet, on crée immédiatement et systématiquement du chômage d’inter-contrats, et donc les dépenses d’indemnisation du chômage augmentent alors même que la masse salariale augmente. C’est l’inverse du fonctionnement normal d’un marché du travail.

(...)

© Influences, le site web des idées.

Lire l'intégralité de l'entretien La condition « hyperflexible » des intermittents du spectacle , accordé par Pierre-Michel Menger au site Influences.

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