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Objectifs stupides

Publié le 27 juin 2014 par Malesherbes

Autrefois, en des temps très anciens, existait l’amour du travail bien fait. Ainsi, un artisan ne comptait pas son temps, ne ménageait pas sa peine, pour réaliser un produit parfait. Dans notre époque vouée à la productivité, un tel esprit est totalement hors de saison. On se préoccupe simplement de livrer des objets conformes aux exigences contractuelles, en visant plutôt les limites inférieures de leurs fourchettes de réception.

En l’absence d’un amour du travail bien fait, on dispose de deux moyens pour pousser les travailleurs à la tâche. Le premier, connu depuis l’antiquité, et qui a fait ses preuves, voyez les pyramides, est l’esclavage. En distribuant les coups de fouet et en rationnant de maigres bols de soupe, on parvient à mobiliser les travailleurs. Un tel système est encore en vigueur de nos jours dans de nombreux pays et les efforts accomplis pour baisser le coût du travail nous y conduisent aussi tout doucement dans nos pays dits civilisés.

Le second moyen, qui tend à se généraliser, est celui de l’intéressement. On distingue dans le salaire une partie fixe et une partie variable. Dans sa forme la plus extrême, ce mode de rémunération consiste à ne rétribuer le salarié que grâce à un certain pourcentage du montant de ses ventes. Dans des formes plus élaborées, la part variable est divisée en plusieurs fractions et l’obtention de chacune d’entre elles est conditionnée par la réalisation d’objectifs le plus souvent mesurables. On parvient ainsi à piloter assez finement les efforts des collaborateurs qui choisiront d’atteindre les objectifs les plus gratifiants. Mais, pour éviter tout accroissement de la masse salariale, on peut combiner aux objectifs individuels des objectifs de l’unité ou même de l’entreprise, sur des critères plutôt obscurs et aux réalisations difficiles à vérifier. On voit aussi parfois les objectifs annuels changer en cours d’année, se permettant ainsi d’altérer les termes d’un contrat.

Cet exposé est destiné à me permettre d’aborder le thème de la rémunération des dirigeants salariés d’entreprises privées. On avance parfois le fait que leur salaire a peu augmenté. On oublie ce faisant que très souvent c’est la part variable, incluant des primes diverses, qui est l’élément essentiel de leur rémunération. Ainsi, en 2013,  Patrick Kron, PDG d’Alstom, a perçu plus de un million d’euros au titre de sa rémunération variable. Or, quelle est la situation de son entreprise ? Si la réussite industrielle est incontestable, la situation de la trésorerie est telle qu’il faille maintenant vendre ce fleuron français ou trouver à le marier. Il est incompréhensible que cet échec vaille une telle récompense à son responsable. Si ceci est dû au fait que M. Kron a bien atteint ses objectifs, c’est que ceux-ci ont été fixés en dépit du bon sens : le chiffre d’affaires n’est qu’un indicateur parmi d’autres. Je rappellerai que les primes et autres douceurs ne récompensent pas le travail mais seulement le succès.


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