L"arbre du Ténéré : son histoire

Publié le 30 juin 2014 par Yasida

Par Michèle Bec
Article paru dans le Saharien N° 195

L'Arbre en 1939

L'Arbre du Ténéré : son histoire

L'Arbre du Ténéré se situait approximativement en plein sable, par 17°45' N / 10°04' E, sur la grande piste chamelière Agadès-Fachi-Bilma, à 70 km environ à l'est/nord-est de l'Adrar Amzeguer, dernier massif de l'Aïr. C'était un Acacia tortilis Hayne (kandili en tamachek, talha en arabe), vieux de plus de 300 ans, sorte de mimosa épineux qui était considéré, à l'époque, comme l'arbre le plus isolé de la terre. Il était devenu célèbre dans le monde entier pour les voyageurs du désert, symbole respecté et visité régulièrement.

C'était, il est vrai, le seul arbre à avoir été représenté sur une carte au 1/4 000 000e, dernier survivant d'un groupe d'arbres qui avait poussé lorsque le désert était moins aride que maintenant, et il s'est élevé, seul, pendant des décennies. Il faisait office de repère pour les caravanes qui traversaient ce désert quasi absolu, l'un des très rares espaces de la planète où, comme le signalait Théodore Monod, la mouche, elle-même, ne peut survivre ! Cet arbre n'était pourtant pas bien haut du fait de son constant ensablement : suivant les transports de sable, il pouvait n'émerger que de 2 à 3 mètres du sol ! Cependant, du fait du vide intégral et d'une légère ondulation du terrain, on arrivait à le distinguer de très loin avec ses deux troncs distincts, formant un « Y » et sa forme parasol.

L'arbre en 1950

Plusieurs auteurs rapportent qu'il arrive que des oiseaux suivent les caravanes de chameaux, agissant ainsi comme ceux qui suivent en mer les navires, et se posent sur l'Arbre du Ténéré, espérant y trouver de la nourriture… pour finalement y mourir, ce qui explique le nombre des carcasses sur le site. Deux puits se trouvaient à proximité, mais l'un d'eux fut un temps inutilisable, pollué par une bête tombée au fond. Aux alentours, se trouvaient nombre d'os de chameaux, blanchis par le soleil… En réalité, il y a quand même quelques arbres par-ci par-là dans le Ténéré, mais bien plus au nord ou plus au sud : si celui-là a acquis ses lettres de noblesse, c'est qu'il a la particularité d'être, non seulement totalement isolé, mais aussi de se trouver sur le trajet d'une voie caravanière ancestrale, vitale pour la région.

Comment l'arbre a-t-il pu pousser en ce lieu, à quelle époque, et comment a-t-il pu se développer;? Faut-il admettre que la couche aquifère était autrefois moins profonde ou que le climat était plus humide;? La mission Berliet-Ténéré de 1959, découvrant dans des collines de sable à 7 km au sud des coquilles d'escargots, apportera la preuve que cet endroit était une terre verdoyante il y a environ 6 000 ans, avec la présence de l'eau. L'arbre est donc une relique de la forêt d'acacias qui devait couvrir le pays. Mais toute cette région a subi une profonde désertification depuis cette époque, et pour une fois, l'homme n'a rien à y voir. Toute l'eau s'évapore, jusqu'au lac Tchad, et le sable la remplace. Le lac Tchad lui-même a perdu 90 % de son volume, surtout depuis les années 1960, et c'est la dernière "trace" d'eau de cette vaste région : le lac Tchad, pourtant connu comme le plus grand réservoir d'eau de l'Afrique, est devenu une mare.

Le Ténéré, longtemps un blanc sur la carte !

 Le Ténéré, c'est cet endroit si aride que les nomades n'ont pas hésité à le nommer le désert dans le désert » : il est en effet considéré comme l'un des déserts les plus absolus de la planète. Avant l'ère de la mécanisation, seuls les méharistes avaient le "privilège" de l'aborder, et sa pénétration fut une véritable épopée. On n'y trouve que du sable et parfois des plaines de fins cailloux. Par quel miracle une graine avait-elle pu atteindre cette région si ingrate pour y germer et donner naissance à l'arbre devenu célèbre et vénéré par tous les nomades ?

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