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Il était une fois…

Publié le 30 juin 2014 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Il était une fois… Comme j’adorais ce début d’histoire, si souvent entendu avec la voix de mon père.

A chaque fois que je termine la lecture d’un livre de Françoise Gange, je me sens enrichi d’une vision nouvelle de la vie. « Les dieux menteurs », par exemple, m’avait déjà emmené au coeur de nombreuses interrogations existentielles. La même expérience se produit avec un autre ouvrage de cette philosophe, diplômée en sciences sociales : « Le mythe d’Europe dans la grande histoire ».

Son avant-propos commence ainsi : « Notre époque prosaïque et violente, au risque de dérapage décuplé depuis quelques dizaines d’années, semble rendre caduc, voire totalement décalé et farfelu, l’intérêt pour l’univers du mythe souvent perçu comme un ensemble d’histoires non seulement archaïques, mais de plus imaginaires »… Mais l’auteure ajoute plus loin : « Pour bien comprendre le sens d’un mythe, il faut le saisir dans sa totalité vivante, c’est-à-dire en tenant compte des strates qui s’y sont déposées au cours du temps et qui constituent une sorte de palimpseste de l’histoire globale ; non pas seulement d’un groupe déterminé, mais de l’humanité tout entière… » Et cela devient passionnant !

La théorie de François Gange est donc qu’à l’origine de l’humanité existait le culte de la déesse Mère. Il fut combattu puis effacé par la religion patriarcale. C’est le rapt puis le viol d’Europe par le Taureau Zeus qui exprime ce changement radical : désacralisation de l’Amour et apologie de la Force virile. Le nom d’Europe rappelle donc d’abord la défaite du Grand Féminin, de la première histoire.

Françoise Gange traduit cela aussi dans l’actualité des siècles récents : « Et tout se passe comme si , en se tournant vers la conquête, l’Europe s’était peu à peu privée d’âme. » Je vous renvoie au livre et à sa bibliographie pour avoir les détails qui étaient (du verbe étayer) la thèse de l’écrivaine.

Cependant, je ne peux m’empêcher de voir dans la lutte pour l’égalité des femmes, entre autres, une manière bien plus profonde (qu’un combat de suffragettes) de retrouver l’équilibre sur terre.

Réfléchissons aux valeurs qui gouvernent le monde actuel. Elles sont presque toutes des valeurs masculines : objectivité, contrôle, sens et respect de la hiérarchie découlant de la raison, compétitivité, affirmation personnelle, rentabilité, soif d’aventures… Les valeurs féminines sont souvent considérées comme rétrogrades, voire dangereuses. Ce sont celles que j’aime ! Sensibilité, affectivité, intuition, partage, respect des équilibres… Alors ?

Françoise Gange conclut : « L’hypertrophie en Europe (et par voie de conséquence, dans tout l’Occident qui en est issu) des qualités viriles conquérantes développées sur tous les plans a conduit à l’oubli du respect des grands équilibres sans lesquels la vie ne peut se maintenir dignement et peut-être ne peut se maintenir tout court ».

Et justement, j’ai entendu un jour une interview du théologien orthodoxe, Olivier Clément, professeur à l’Institut Saint-Serge de Paris, qui parlait des passions. « La passion est ce que l’on subit « passivement ». La passion fondamentale est la mort. Il existe deux grandes passions, qui suscitent toutes les autres, et dont il faut tenter de se dégager : l’avidité, d’une part et, dans le domaine plus intellectuel, l’orgueil. »

Je ne peux que faire le rapprochement avec le livre de Gange, puisqu’il s’agit bien de deux passions masculines ou que l’homme cultive sans doute bien plus que la femme. Françoise Sagan dans « La chamade » écrit : « Les gens ont de plus en plus peur, ils vivent en état de panique et d’avidité perpétuelles. »

A propos de l’orgueil, Pascal a évidemment écrit de superbes pensées à ce sujet, comme celle-ci : « Il n’y a point de doctrine plus propre à l’homme que celle-là, qui l’instruit de sa double capacité de recevoir et de perdre la grâce, à cause du double péril où il est toujours exposé, de désespoir ou d’orgueil. » Ou encore celle-ci : « La connaissance de Dieu sans celle de sa misère (de l’homme) fait l’orgueil. »

Bref, si l’homme guerrier, conquérant, possessif, orgueilleux, pouvait tempérer sa nature par la compassion, l’écoute, l’humilité, l’intuition, la sensibilité, il est fort possible que le monde tournerait mieux !

Et pour mieux comprendre, il serait bon de relire les textes de la tradition, les contes, les mythes, les légendes, de se retourner sur le sens du folklore ancien…

Savez-vous que le mot « folklore » est d’origine anglaise et signifie : « savoir du peuple » (de science « lore », du peuple « folk ») ? Car, depuis l’avènement des sciences « psy », on a démontré que le mythe n’était pas une création achevée et morte, mais une entité dynamique et toujours actuelle.

« L’homme d’aujourd’hui est relié aux lointaines époques du passé par le biais des archétypes constitutifs du psychisme» dit encore Françoise Gange. Alors ? Un grand retour pour le : « Il était une fois… » ?

 

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