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CEDH: La transplantation d’organes effectuée sans consentement dans un hôpital public était illégale

Publié le 30 juin 2014 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

Dans son arrêt de chambre, non définitif, rendu le 24 juin 2014 dans l’affaire Petrova c. Lettonie (requête no 4605/05), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :

Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.


La Cour estime que les circonstances de la cause de Mme Petrova, à savoir le fait qu’elle n’a pas été informée de l’éventuel prélèvement des organes de son fils (décédé à la suite d’un accident de la route) à des fins de transplantation et n’a pas pu exercer certains droits établis par la législation interne, s’analyse en une atteinte à son droit au respect de sa vie privée.
De plus, la législation lettonne à l’époque des faits prévoyait expressément, en cas de décès, le droit pour la personne concernée mais aussi pour les très proches – y compris ses parents – d’exprimer leur volonté relativement au prélèvement d’organes. Il s’agissait par conséquent de déterminer si cette législation était suffisamment claire concernant la mise en œuvre de ce droit.
Selon Mme Petrova, il n’y avait pas de mécanisme qui lui eût permis d’exercer son droit d’exprimer sa volonté quant au prélèvement d’organes. Le Gouvernement estime au contraire qu’un tel mécanisme était en place et qu’il appartenait aux plus proches parents de réagir s’ils souhaitaient s’opposer à un prélèvement d’organes. Il soutenait en particulier que lorsque les plus proches parents du défunt étaient absents de l’hôpital, ce qui a été le cas en l’espèce, le droit interne n’imposaitpas au médecin ou à l’établissement médical lui-même de faire des recherches spécifiques pour déterminer s’il y avait une quelconque objection à un prélèvement d’organes.
En pareille situation, selon le Gouvernement letton, le consentement à la transplantation pouvait donc être présumé.La Cour considère cependant que la manière dont ce « système de consentement présumé » a opéré en pratique était dénuée de clarté et a abouti à la situation dans laquelle Mme Petrova, bien qu’ayant certains droits du fait qu’elle était la plus proche parente, n’a pas été informée – et a encore moins reçu d' explications – sur la manière et le moment d’exercer ces droits.
Le temps pris pour effectuer divers examens médicaux destinés à établir la compatibilité entre les organes de son fils et le receveur potentiel aurait pu suffire à lui donner une possibilité réelle d’exprimer sa volonté, à défaut de celle de son fils.
En effet, même le ministre de la Santé, pendant la procédure devant les autorités chargées de l’enquête, a estimé que Mme Petrova aurait dû être informée et, suite à une proposition d’un groupe de travail établi au sein du ministère, des amendements ont été apportés au droit pertinent puis ont été adoptés par le Parlement (ils sont entrés en vigueur le 30 juin 2004).
La Cour juge dès lors que la législation lettonne, telle qu’appliquée à l’époque du décès du fils de Mme Petrova, n’était pas formulée de manière suffisamment précise et n’offrait pas une protection juridique adéquate contre l’arbitraire. 
La transplantation des organes du fils de Mme Petrova, effectuée à son insu, était donc incompatible avec la loi. Il y a donc eu violation de l’article 8 de la Convention.
+Elisa Viganotti Avocat de la famille internationalePour aller plus loin: Arrêt Petrova c. Lettonie (en anglais uniquement)

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