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Juppé Président

Publié le 03 juillet 2014 par Juan

Alain Juppé est désormais, et de loin, le candidat préféré des sondés pour porter les couleurs de la droite à la prochaine présidentielle de 2017. C'est la nouvelle provisoire, approximative, incertaine, car sondagière, qu'il fallait retenir pour qui veut croire que la politique française, même à droite, ne peut se réduire à la Sarko-berlusconisation que Nicolas Sarkozy veut nous imposer.

L'ancien premier ministre de Jacques Chirac, pourtant condamné dans l'autre siècle, exilé une année durant au Canada, mis en échec aux législatives de 2012 avant de revenir ministre puis figure de sage au sein de l'ancien parti unique de la droite, incarne aujourd'hui, pour 35% des sondés sus-nommés la meilleure candidature à droite pour 2017, contre 20% pour Nicolas Sarkozy.
Ce dernier s'est livré sur TF1 et Europe 1, dans un programme d'une vingtaine de minutes, enregistré par précaution pour éviter les risques et périls du direct, à une salve improbable contre l'acharnement judiciaire dont il serait victime. Les deux journalistes ont observé ce monologue d'une violence rare qui devrait faire la honte de ce pays. Pas une contradiction ne fut portée contre l'ancien monarque quand ce dernier, coupable d'avoir fait broyer les archives comptables de l'UMP quand il en était président, et fait disparaître certaines de l'Elysée, quand il accusa "monsieur Hollande", d'avoir laissé "ses collaborateurs" se livrer "à une exploitation éhontée de mes archives, en violation de toutes les règles républicaines, qui ont été consultées sans que l'on m'en demande l'autorisation, distribuées à toute personne qui les voulait."
Durant une décennie au moins, Nicolas Sarkozy a construit son ADN politique sur un message principal, la loi et l'ordre, furent-ils expéditifs, définitifs et sans appel, étaient sa priorité numéro un. Il fallait donc allonger les gardes à vue sans avocat, faciliter la sanction rapide, accélérer le cours de la justice, instaurer des peines planchers, rompre avec l'individualisation des peines et des jugements.
Parce qu'il se juge au-dessus des autres justiciables, Nicolas Sarkozy voudrait qu'on individualise justement son propre traitement judiciaire
Il n'a pas supporté ses 14 heures de garde à vue. Son propre avocat et les deux magistrats soupçonnés d'avoir participé à cette affaire de trafic d'influence qui fut découvert grâce aux écoutes téléphoniques du début de l'année, étaient pourtant depuis la veille dans les mêmes locaux de la police judiciaire pour les mêmes motifs. Sarkozy n'a pas supporté que les juges ne lui laissent pas une nuit de repos après cette longue interrogation, alors qu'il ne jurait que par les comparutions immédiates.Sarkozy n'a pas supporté les écoutes téléphoniques, pourtant légales, alors qu'il facilita par les lois Loppsi I puis II le recours à cet espionnage judiciaire pour toutes sortes de motifs bien au-delà des cas les plus graves de terrorisme: "Je ne demande aucun privilège."
Sarkozy ne demandait au contraire que des privilèges.
"Et si j'ai commis des fautes, j'en assumerai toutes les conséquences. Je ne suis pas un homme qui fuit ses responsabilités. Mais enfin, j'en appelle à la conscience de chacun, de chacun de nos compatriotes : est-il normal que je sois écouté dans mes conversations les plus intimes depuis le mois de septembre de l'année dernière ? "

Sarkozy ne défendait pas son droit à la présomption d'innocence. Il présumait les juges d'être coupables de revanche politique. 
Car ce mercredi 2 juillet, il n'avait rien à apporter comme preuve de son innocence - ce serait pour "plus tard", clama-t-il - sauf accuser l'une des juges de "complicité" syndicale avec le Syndicat de la Magistrature, classé à gauche, et une prétendue "'instrumentalisation politique d'une partie de la justice aujourd'hui." Il n'eut qu'une affirmation, invérifiable car Sarkozy violait ainsi le secret de sa propre instruction, quand il expliqua:
"Il existe une écoute ou je dis à Thierry Herzog, qui bizarrement n'est pas sortie dans la presse où je dis : “Non je ne ferai pas d'intervention.” M Azibert n'a rien obtenu. Où est la corruption ? Où est le trafic d'influence ? Ces motifs ont été retenu dans le seul objectif de m'humilier et de me diffamer"
Cette Sarko-berlusconisation des moeures politiques est à peine surprenante. Prendre l'opinion à témoin, accuser la justice de partialité dont on pensait qu'il aurait du travailler à la rendre indépendante quand il était Président, réclamer un statut particulier, au-dessus des Français, sous prétexte de quelques victoires électorales passées, tout ceci est indigne de la République mais peut-être symptomatique de la période.
La droite se meurt sous nous yeux.
Peut-elle ressuciter ?
Il le faudrait.
Et vite.


EXCLUSIF - Interview de Nicolas Sarkozy sur... par Europe1fr


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