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Le voyage de tous les espoirs

Publié le 03 juillet 2014 par Fethiakkari

Par Fethi Akkari

Vingt ans déjà depuis que Sabri avait quitté son village natal pour se rendre à la capitale afin de poursuivre ses études supérieures... Il venait de réussir, brillamment, au certificat d’études secondaires.

A chaque période des vacances, il apportait sa contribution au budget familial, aussi modique soit-il, en travaillant au gré des jours comme cordonnier ou vendeur ambulant dans l'une des agglomérations limitrophes.

Il savait, plus que quiconque, qu’il doit décrocher sa licence et obtenir un emploi stable à la ville, sinon il serait plus utile au village pour faire le berger comme son vieux père. D’ailleurs, ses frères ne cessent de lui rappeler cette vocation originelle à chaque fois qu'il passe les examens de fin d'années.

Depuis son très jeune âge, Sabri était militant et combatif, il avait sacrifié tout plaisir en acceptant d’étudier dans des conditions lamentables et affligeantes, il n’a jamais en revanche douté des vertus de l’effort et savait que seul le travail acharné le ferait tirer de l’embarras.

Au-delà de sa quête intellectuelle, il souhaitait marquer un vrai tournant dans sa vie, rompre avec son passé paysan et se libérer de la misère qui était, depuis longtemps, à ses trousses. Il voulait, en outre, s’imprégner de la modernité de la capitale et s’acclimater à sa culture citadine.

Avant son départ, sa mère l’avait embrassé tendrement et souriait avec un orgueil naïf, l’essentiel, pour elle, était de voir son fils devenir vite un homme respectable et respectueux afin qu’il partage avec elle le soin de nourrir une famille assez nombreuse.

A grands coups de cloche, le train quitta la gare à destination Tunis, la capitale. Sa mère se précipita derrière lui en courant et en criant, entraînant le reste de la famille, son cœur bat à se rompre et sa gorge est tellement sèche qu’il n’arrive même pas à rendre ses adieux sauf quelques larmes aux yeux qu’il n’avait pas réussi à les éviter car il manquait d’opacité émotionnelle comme il manquait de courage devant celle qui lui avait appris à admirer la bravoure et à pleurer par pitié.

Il fallait, ainsi, qu’une bousculade des passagers se produise pour que Sabri reprenne ses forces et arrive à se libérer de ses émotions et à surmonter ses chagrins.

Assis inconfortablement sur un siège confortable, il arrivait à peine à se rappeler du village et des villageois. Aussi, loin qu’il puisse se remonter dans ses souvenirs d’enfance, l’image la plus reculée qui surgit dans sa mémoire est celle de sa mère, saisonnière dans les oliveraies, quand bien même le peu d’argent qu’elle gagnait, n’avait épargné aucun effort pour subvenir aux besoins de ses enfants dont la majorité avait quitté l’école pour se consacrer à l’élevage pour le compte d’autrui.

Sabri avait gardé, en mémoire, un tableau uniforme et terne qu’il ne quittait plus sa pensée sans y trouver ni charme ni émotion excessive. Il se revoyait ainsi vêtu d’un pantalon, qui se renouvelait à l’occasion de chaque rentrée scolaire et une chemise quatre saisons à teint dégradé sous l’effet de l’utilisation fréquente et l’abus de lavage. Il savait plus que quiconque que les meilleurs souvenirs, s’ils existaient, ce n’est pas à travers son enfance qu’il fallait chercher.

Après avoir été porté par une pensée nostalgique, il rentra aussitôt en soi même et qu’il considéra sa situation en fonction de sa valeur, il avait conclu amèrement qu’il est lésé non seulement pour avoir vécu, malgré lui, dans une famille nombreuse et défavorisée mais de ne pas avoir quitté, très tôt, l’école pour apprendre un métier ou partir en France, à l’instar de son cousin qui a préféré sacrifier sa jeunesse avec une vielle septuagénaire que de militer pour gagner sa vie à la sueur de son front, laissant ainsi derrière lui toute une histoire d’amour tissée jour par jour avec sa dulcinée dont seuls les clairs de lunes et les feuillets de jasmin ont été témoins de ses promesses d’amour infini, de bonheur éternel et de fidélité que seule la mort en détourne le sort.

Sabri était susceptible et rancunier. Il en voulait à tous ceux de son village qui refusaient de le prendre au sérieux ou de ricaner de ses ambitions.

Il a eu longtemps la conviction qu’il est doté d’un potentiel intellectuel avec lequel il ira très loin, loin d’un village marginalisée, loin des paysans naïfs et dépourvus d’ambition, loin de sa famille et leur fardeau qui pèse sur lui, loin des attentes des religieux qui veulent faire de lui un bon fidèle..., loin des préceptes dogmatiques, loin des directives qui lui réservaient sa destinée.

Contrairement à ses convictions, ses frères ne voyaient pas en lui un garçon doté d’une ingéniosité remarquable, il devait sa réussite scolaire plutôt à une amulette préparée soigneusement par le vieux Derviche du village et que sa mère lui en donnait chaque fois qu’il passait une épreuve et ne cessait, d’ailleurs, de lui rappeler les bienfaits.

Tout en ne prétendant pas être philosophe, Sabri ne cesse de méditer tout ce qui se passe autour de lui pour arriver à justifier sa situation ainsi que l’état auquel il est arrivé jusque là. Tant de questions avaient façonné sa pensée critique envers le soi et envers l’autre.

Il n’arrivait pas à comprendre quelle sorte de malédiction avait frappé les paysans au dépend des citadins ? Pourquoi, les premiers sont obligés de faire tant de sacrifices alors que les seconds n’y pensent même pas du moment qu’ils n’ont rien à reprocher ? Pourquoi, il y avait tant d’inégalité dans la répartition des richesses? Pourquoi le bonheur n’est qu’un simple produit du hasard ?...

Il n’avait eu aucune réponse convaincante, du moins, de ce qu’il avait appris à l’école, il admettait, sinon, que seule la foi aux préceptes fatalistes pouvait apporter à priori une réponse refuge, quoique sujette à critiques.

Sabri vivait depuis son jeune âge une véritable quête identitaire qui a marqué son parcours; un parcours qu’il considérait loin d’être passionnant du moment qu’il était d’emblée dépourvu d’issus prévisibles et de moyens pour y parvenir.

Il avait toutefois, une volonté manifeste qui nourrissait, depuis longtemps, ses espoirs de vouloir tout changer, réfuter le conformisme à la logique de la destinée, rompre avec son milieu originel, s’intégrer dans une communauté autre que la sienne, plus adaptée à ses ambitions et moins regardante à ses origines paysannes.

Son idéal, sa fougue et sa vigueur le poussèrent à se confronter au monde, à entreprendre, à conquérir, à modeler la réalité selon son désir. Il cherchait à infléchir le caractère des gens et à extirper leurs défauts.

Au delà de ses intentions, Sabri voulait être le maître de sa destinée, il voulait prendre son sort en main pour qu’il n’obéisse qu’à sa seule volonté, un défi qu’il avait relevé depuis qu’il avait quitté le village.

A grands coups de cloche, le train s’arrêta et une voix signala l’arrivée à la capitale. Il ne sentait plus son corps après ce long voyage, la fatigue engourdissait son esprit au point qu’il n’arrive pas à imaginer que le moment de déclic est enfin arrivé et un nouveau cap aille se profiler devant lui.

Il s’efforça de quitter son siège et emprunta le chemin de la Maison d’accueil des étudiants défavorisés où il allait se loger pendant toute sa scolarité supérieure ; un privilège qui n’est accordé qu’aux étudiants certifiés plus démunis.

Parcourant les rues encombrées, vadrouillait les impasses qui menaient à nulle part, cherchait à découvrir les lieux, se faire une idée sur les citadins pour apprendre à se familiariser avec eux, il hume l’odeur de la ville sans pour autant l’apprécier.

Aussitôt qu’il avait gagné sa chambre, ses camarades décidaient de fêter, en guise de bienvenue, le nouveau venu à leur manière, histoire de l’intégrer au clan des libérés.

Ils se dirigeaient ensemble à un cabaret bon marché pour se distraire et consolider leur connaissance loin des bancs de l’université.

Au cabaret, Sabri découvrait, pour la première fois, un nouveau monde, un monde qu’il lui était étrange; un monde sans scrupule animé par la violation des tabous, allant de la consommation du vin jusqu’aux serveuses qui étaient soumises à des règles de conduite loin d’être conventionnelles.

Ses nouveaux camarades faisaient circuler le narguilé bourré d’un tabac aromatisé, difficile pour Sabri de refuser la tournée. Quelques respirations ont suffit pour que la fumée envahisse jusqu’au moindre recoin de ses entrailles et qu’il ait la tête déjà lourde et les membres engourdis.

La danseuse du cabaret, tant attendue, entrait sur scène, saluait ses hôtes avec un chant folklorique. Déjà tout le monde, la plupart soûlée, avait le regard figé sur sa silhouette. Elle s’appelait Warda et elle était simplement belle, elle ne ressemblait guère aux filles du village où rares les filles mettaient leurs féminités en valeur.

Le charme de Warda était tel qu’on peut dilapider, fortune, raison et piété pour la douceur de sa peau, la mélodie de sa voix, la mélancolie de son regard et la magie de ses hanches merveilleusement sculptées.

Les tonnerres d’applaudissements et la persévérance de la foule présente témoignaient, à priori, de ses talents artistiques incontestables. A chaque spectacle, elle hypnotisait ses convives, parmi lesquelles des personnalités haut placées dans la société, qui, semblait-il, voulaient se laisser égarer et se perdre à travers les rituelles nocturnes des milles et une nuit.

Dès son retour, Sabri ne pouvait s’empêcher de se livrer à son imagination en contemplant timidement et avec un regard naïf la silhouette de Warda, qui à force de penser à elle, commence à s’y intéresser. Il savait bien que lorsqu’on n’a pas ce qu’on aime, il faut aimer ce qu’on a.

Il devint un habitué du cabaret, à chaque fin du numéro, il se précipita à la loge de Warda pour lui présenter ses compliments et ne pouvait s’empêcher de lui exprimer ses sentiments. Elle, habituée, de ce genre de comportement, appréciait en lui son cœur de poète et sa manière de la regarder avec un orgueil naïf.

Les jours se suivaient et se ressemblaient, Sabri séchait l’université pour se consacrer à sa dulcinée. D’ailleurs, les quelques fois que il s’y rende, il se sentait déprimé, perdu dans une foule d’étudiants bien vêtus, il faisait attention à tout le monde mais personne ne lui faisait attention, il marchait timidement, rougit à chaque instant sans motif et finit par s’isoler dans un coin à l’abri de ses propres regards vexants.

Sabri commençait à en avoir assez de la vie estudiantine, elle était plutôt une source de complexe que d’épanouissement.

Il décidait de se consacrer à sa dulcinée du moment qu’elle soit la seule à éprouver de la sympathie pour lui et de l‘avoir accepté comme il est.

Un jour il lui proposa, timidement, de l’accompagner chez lui surtout qu’ils commençaient à bien s’entendre. Warda, avait accepté, volontairement, la proposition car elle voulait côtoyer les jeunes étudiants qui lui faisaient rappeler ses origines paysannes.

Une fois ensemble et à une heure tardive, Sabri était avide, vorace, assoiffé, il ne sait plus ce qui lui arrivait, il se sentait déchiré, tiraillé entre un désir fou qui l’érige et une sagesse qui l’enraye. Elle, gémissante d’envie, se lâche entre ses bras et grignote ses lèvres sèches. Son front était couvert de gouttes froides, son cœur bâta la chamade, il sentait le désir de commettre le péché, une volupté intense le poussa à céder, délibérément, aux jeux pervers de la séduction.

Sabri et sans y penser, la refoulait et s’excluait dans l’angle de sa chambre, il regardait par la fenêtre, contempla le ciel étoilé comme s’il le voyait pour la première fois, ….Il jouissait l’air d’un changement, il frissonnait, hurlait de plaisir, une joie intense qui dépassait celle que procuraient les lèvres de sa dulcinée.

Au bout d’un moment, il se sentait plus oppressé que d’habitude, égaré dans des labyrinthes hantés. Il découvrait, bizarrement, que le vrai changement qu’il s’efforçait depuis longtemps à le chercher était, au-delà de ce passage d’une culture paysanne à une culture citadine, une manière par laquelle l’homme devait appréhender l’espace et le temps compte tenu de ses convictions identitaires et de sa capacité de ne pas confondre l’illusion à la réalité.

Il faisait le bilan de son voyage ; un voyage censé lui apporter des réponses claires à sa quête intellectuelle et identitaire: une enfance gâchée, une adolescence ratée, un parcours universitaire rompu et voilà qu’il se sentait un adepte d’une société malade.

Il se sentait victime de ses propres choix, déshonoré par un sort qu’il lui était injuste ; tout lui était hostile au point qu’il commençait réellement à croire dans le pouvoir de l’amulette qui ne la portait plus depuis qu’il avait quitté le village.

Chaque sourire en cachait un ennui, chaque joie devançait une malédiction, tout plaisir se transformait en un dégoût et les baisers ne lui laissaient sur les lèvres que l’amertume d’un destin détourné.

Sabri avait conscience de fonder son avenir sur une réalité bien perfide et une mauvaise appréhension du gap culturel qui sépare la vie paysanne et la culture citadine.

Dévoré par une inquiétude qui l’obsédait, Sabri était victime d’un déchirement culturel profond; il éprouvait une difficulté majeure à concilier son attachement aux traditions paysannes et sa fascination pour la modernité de la capitale ; modernité qui avait réussi à mêler harmonieusement narcissisme et valeurs, selon un calcul dénué de tout scrupule.

Il se voyait impliquer dans un jeu dont le destin avait fixé seul et arbitrairement les règles et pour lequel il était le seul perdant. Désormais, il sera condamné à revivre sans cesse ce qu’il avait fui.

Confiné dans le désespoir, il avait frôlé l’échec pour un temps dilapidé dans une aventure sans lendemain qui lui avait couté toutes ses économies alors qu’au même moment sa famille s’inquiétait de son pain quotidien.

Face à cette vérité décevante, Sabri était convaincu que le cabaret n’était que l’image d’une société, animée par l’inégalité et l’injustice, qui plonge les âmes sensibles dans un bonheur illusoire et Warda n’était que la lueur de lumière qui le soulageât de sa myopie identitaire.

Sabri se rendait compte qu’il a perdu le défi : comment puisse t-il défier les lois de sa destinée ? Il se sentait coupable d’avoir affronté son destin sans l’avoir vaincu et il se méprisait d’avoir déçu sa pauvre mère qui voyait dans son voyage, le voyage de tous ses espoirs.

Sabri s’isolait un moment dans un coin sombre pour se livrer à son imagination. Il se représentait en tête la réaction de sa mère lors de son retour au village avec un échec en poche. Il la voyait pâle, leva sur lui des yeux méconnaissables, des yeux au regard changeant qui reflètent à la fois un mélange de joie et d’angoisse et l’amertume se lisait facilement sur son visage comme si elle avait fait un songe prémonitoire.

Les larmes coulaient le long de ses joues, difficile pour lui de vivre une situation pareille surtout qu’il portait l’espoir de toute sa famille, Sabri décida de renouer avec le courage au lieu de sombrer dans le désespoir, en défiant le manque de moyens, le ricanement des adeptes de l’apparence et de surmonter, avec bravoure, les vices de la modernité en ayant seulement et simplement en tête l’image de sa mère ; la pauvre paysanne.

Sabri, livré encore une fois à son destin a pu finalement redécouvrir le bonheur, au-delà de ce qu’il représente comme quête spirituelle toujours sans vain, un sentier illusoire, un cercle vicieux de moments éphémères de satisfaction de l’égo alimentés par des besoins, pour le moins, précaires à travers le triptyque matérialisme, réputation et apparence.

Le bonheur ne serait-il pas lui-même une fatalité qui dépend du jeu de hasard, lequel ne peut être atteint que par une prise de conscience des limites de notre conscience, laquelle ne cesse de nous faire croire qu’il s’agit bien de l’objectif ultime de l’Homme face à sa destinée.

L’ignorance serait-elle une confusion entre réalisme et symbolisme au point qu’on serait trompé par un mirage qui se nourrit de l’inconscience de l’Homme face à un monde insensé. «Le bonheur est pour les imbéciles » dixit l’écrivain et homme politique français André Malraux, en ce sens qu’il est utopique de croire qu’on peut atteindre un état de bonheur absolu alors qu’on se trouve dans un monde relatif.

Telles sont les nouvelles vérités qui guident Sabri dans cette nouvelle quête sans cesse du néant. Une quête d'un pseudo savoir, supposée façonner encore une fois notre pensée existentielle et notre conception de l’égo et de l’autre.

Comment arriver donc à extirper du monde son caractère absurde où l’Homme finirait de mourir d’ennui dans un monde nourrit de la logique cartésienne ?

L’absurde serait-il notre thérapie appelée, plus que jamais, à nous soulager de la souffrance issue des épreuves lassantes, des banalités du quotidien et qui nous redonnent espoir de cette quête épuisante des sentiers du bonheur.

Force est de remarquer que chacun de nous aspire au bonheur mais on ignore les moyens d'y parvenir. Tel est, d'ailleurs le cas de la perception du travail tant il est vrai qu'il est partout stigmatisé comme un « lieu de souffrance », de conflit et d'aliénation, alors que beaucoup voient en lui l’endroit privilégié de l’épanouissement de soi.

Le caractère subjectif induit par l'indétermination du concept du bonheur produit ou peut être la conséquence d'une certaine illusion; une hallucination générée par un champ visuel qui dépasse les limites du possible, une représentation tronquée de l’étendue de la conscience individuelle voire collective.

Elle est une traduction d’une forme d’inconscience onirique (liée au rêve), qui survient au cours d’un sommeil profond où le rêve n’est autre qu’une reproduction idéale du vécu à travers une succession d’images des fois sans liens cohérents qui repositionne l’égo dans sa forme la plus idyllique.

Le bonheur est-il donc l'ultime quête de l’idéal humain? une aspiration universelle de l’égo pour pouvoir survivre plutôt que de vivre.

Le bonheur est-il confondu, par ignorance ou par inconscience au plaisir. si c'était le cas ce qui nous fait plaisir nous rend t-il forcément heureux. La réponse est négative, car celui qui trouve dans l’ivresse alcoolique un plaisir physique, peut en même temps souffrir moralement de son addiction à l’alcool.

Peut-on vivre dans un monde absurde où le bonheur semble dépendre de la fatalité ou du hasard? Car comment qualifier, outre mesure, un monde où l’on continue à s’entretuer au nom de Dieu, un monde caractérisé par l’oppression, le désespoir, la terreur, la violence, l'immoralité, la pauvreté, la cupidité, l'indifférence, l'hypocrisie, l'ignorance, l'égoïsme, la lâcheté et où 5% de la population détient 90% de la richesse Mondiale.

L'existence serait-elle donc une fatalité à laquelle personne ne peut échapper. D’ailleurs, Albert Camus (Meursault et Sisyphe) et Frantz Kafka illustrent tout à fait cette absurdité à travers leurs personnages à la fois fantaisistes, non conformistes et anarchistes (Meursault, Sisyphe et Joseph K.).

Si l'on admet avec Camus que les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids, on imagine mal qu’il n’est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir [1].

L'héros de Camus ne pousse pas seulement le rocher pour l’éternité, il est aussi apparemment un homme qui vit une existence heureuse : Il faut « imaginer Sisyphe heureux». Le bonheur implique donc selon Camus le choix d’être heureux. Pour ce faire, l’homme doit rester conscient de son malheur, causé par son incompréhension de l’existence et du caractère insensé du monde.

Au demeurant, Maurice Toesca dans sa préface au Procès [2] considère que le roman de Kafka illustre la condition humaine. L'homme dés sa naissance est un accusé en puissance. La société est une prison et l'homme est un mauvais juge de l'homme qui condamne sans aucun espoir d'acquittement réel. L’Homme se heurte à un procès inéquitable sans objet et sans procédures. Les apparences de bonheur ne sont que des pièges grossiers où l'âme se perd.

[1] Camus, Le mythe de Sisyphe, p.163

[2] Frantz Kafka, « Le procès » adapté au cinéma par Orson Welles en 1962.


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