En 2004, lors des premières difficultés d'Alstom, Elie Cohen s'interrogeait sur les malheurs du capitalisme français. Pourquoi n'a-t-il pas réussi sa mue du colbertisme au capitalisme financier ?
J'aperçois plusieurs raisons dans cette analyse. Il était (est ?) aux mains d'une toute petite clique de grands patrons intimement liés à l'Etat, dominée par un gourou (Ambroise Roux, initialement). Quelque chose qui ressemble à une forme occulte du Comité central du PC chinois. Ces gens avaient le rêve grandiose de créer des champions internationaux. Cela a bien fonctionné jusqu'aux dénationalisations. Elles les ont privés de la protection de l'Etat et les ont laissés face aux marchés financiers. Plusieurs problèmes se sont alors posés. La clique du moment était médiocre : "successions ratées", "Les entreprises ne disposaient pas d’un système de repérage interne de sélection et de promotion d’élites : c’est un processus de sélection par réseaux qui le remplaçait, au sein d’un étroit vivier passé du service de l’Etat à celui d’une oligarchie fermée." Or, elle a tous les pouvoirs, et, faute de garde-fou, elle peut "dilapider les actifs de (ses) entreprises" (ce qu'elle a parfois fait). Elle avait, aussi, la culture des amitiés d'Etat, mais pas des marchés financiers. En outre, la France manque de fonds de pension : "la privatisation à la française (...) va de fait aboutir à un transfert de la propriété du capital, de l'Etat français aux fonds de pension anglo-américains. (...) L'évolution sera masquée par le maintien des mêmes équipes à la tête de l'entreprise."
Tout ceci semble dire que la "gouvernance" de nos grandes entreprises mériterait d'être repensée.