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Marans. Vous vivriez là, vous ?

Publié le 07 juillet 2014 par Blanchemanche

Trente ans qu’ils réclament une déviation. Vingt ans qu’on leur refuse pour cause d’autoroute prochaine. Écœurés, les Marandais ne croient plus dans leur département.

Vous vivriez là, vous ?Un convoi exceptionnel traversant Marans. Pas si exceptionnel puisqu’ils ne peuvent passer par l’autoroute.© PHOTO ARCHIVES DOMINIQUE JULLIAN
THOMAS BROSSET/ [email protected]
Samedi 5 juillet. Journée orange sur la carte de Bison Futé. Il y a pire, bien sûr. Mais rue d'Aligre, à Marans, on préfère tout de même garder fenêtres et volets clos. Ville morte. Aujourd'hui, ce ne sont pas les camions qui étouffent la ville. Mais un flot ininterrompu de voitures vendéennes, bretonnes ou normandes, de camping-cars qui descendent vers les vacances. Au pas. Coincés entre l'entrée nord de Marans et le feu.Les vibrationsCatherine et Stéphane Vacher habitent au 5 de la rue d'Aligre. Quelques bâtiments gris sales avant le pont. « On a tout refait dans la maison. Sauf la façade, à quoi ça servirait ? » Ils sont archéologues. Autant dire que le passé lointain ne les effraie pas. Pourtant, quand on évoque l'histoire du dossier de la déviation de Marans, ils semblent se perdre dans les arcanes du temps. À quand remontent donc les prémices d'une volonté de libérer la rue d'Aligre de son insoutenable circulation routière ? Vingt ans, trente ans ? Même Michel Maitrehut ne se souvient plus trop. Il sait qu'avec Bernard Ferrier, l'ancien maire écologiste, il est à l'origine de la création de l'Asema (1) dans les années 90 pour réclamer un contournement. Mais depuis, de faux espoirs en désillusions, de promesses non tenues en dossiers enterrés, les Marandais ont arrêté de compter les années. La rue d'Aligre a continué de mourir doucement au rythme des fermetures de commerces, des vitrines aveugles et des couinements d'essieux. « Le pire, ce n'est pas le bruit. Ce sont les vibrations. Il faut le vivre pour le croire. Quand un camion passe, surtout le soir quand il a un peu de vitesse, tout vibre dans la maison, l'eau tremble dans les verres. Chaque jour ou presque, il faut replacer les tableaux sur les murs », raconte Catherine. Malgré le double vitrage, ils ont cessé de regarder la télévision dans le séjour sur la rue d'Aligre. C'était impossible. Ils vivent désormais côté jardin. Comme la plupart des Marandais qui tournent le dos à leur rue principale. « Quand je pense qu'autrefois tous les commerces se trouvaient là. »Catherine et Stéphane ont un garage qui donne sur la rue d'Aligre. Ils ont renoncé à y garer leur voiture. « C'est impossible d'en sortir. Surtout en marche arrière. La dernière fois que je l'ai mise et que j'ai voulu sortir à reculons, j'ai cru que j'allais y passer. Le camion qui arrivait ne s'est pas arrêté. »LassitudeComme beaucoup de Marandais, ils en sont à espérer qu'il y ait un jour un gros pépin, « sans mort naturellement », pour que « les choses bougent enfin ».Il y a une dizaine de jours, un tracteur agricole a perdu ses bottes de paille au cœur de la ville, explosant une vitrine. Sans victime. S'en est encore suivi un bouchon géant.Logiquement, seuls les camions de desserte locale sont autorisés à traverser Marans. Mais le transit entre Vendée et Charente-Maritime suffit à engorger la ville. Et comme les convois exceptionnels ne sont pas autorisés sur autoroute, ils passent nécessairement rue d'Aligre. Notamment ceux des industries nautiques des deux départements. Les combats pour la déviation, très virulents au début des années 2000, les blocages, les manifestations semblent s'être calmés. Lassitude, résignation, écœurement. « Les Marandais n'aiment plus la Charente-Maritime. Le Département n'a rien fait pour eux. Par notre métier, nous nous déplaçons beaucoup en Vendée. On voit des déviations fleurir partout. Mais pour nous, rien », poursuit Catherine.Elle a failli s'engager en politique, aux côtés du maire actuel, Thierry Belhadj. « J'ai dit non. Il était contre la déviation, même si aujourd'hui il dit le contraire » (lire ci-dessous). « La première chose qu'il a faite quand il a été élu maire, c'est de retirer la banderole qui réclamait la déviation », ajoute Stéphane Vacher.La saignée de la rue d'Aligre a désormais séparé Marans en deux comme un fleuve tumultueux sans pont. Seul le feu, à l'angle de la rue Gambetta, rythme la traversée des quelques piétons qui vont d'une rive à l'autre. Et le pire, c'est que sans ce maudit corridor à gasoil, Marans serait l'une des plus belles villes de Charente-Maritime.(1) Association de sauvegarde de l'environnement marandais.

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