Magazine Juridique

CEDH : l’expulsion d’un Équatorien dont l’épouse et la fille sont autorisées à rester en Suisse serait injustifiée

Publié le 08 juillet 2014 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti

Dans son arrêt de chambre, non définitif, rendu ce jour dans l’affaire M.E.V. et autres c. Suisse (requête no 3910/13) la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité :
que l’expulsion de Monsieur E.V. vers l’Équateur emporterait violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les requérants sont quatre ressortissants équatoriens. Les deux premiers, nés en 1969, sont mari et femme. La troisième, née en 1986, est la fille de cette dernière et possède également la nationalité suisse depuis 2012. La quatrième, née en 1999, est la fille du couple. Les intéressés résident à Genève.
Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), les requérants alléguaient que le père de famille serait définitivement séparé des siens en cas d’expulsion vers l’Équateur.
La Cour juge recevable la requête pour autant qu’elle concerne Monsieur E.V. (« M. E.V. »), l’épouse de celui-ci et leur fille mineure. Elle confirme que les relations existant entre M. E.V. et sa fille mineure relèvent de la « vie familiale » au sens de l’article 8, point qui n’a pas été contesté par le gouvernement suisse. En outre, si M. E.V. et son épouse sont séparés, ils n’ont pas divorcé, ils gardent des contacts l’un avec l’autre et affirment que cette dernière aide M. E.V. à faire face à sa maladie.
Ces éléments sont suffisants pour que leur relation soit considérée comme relevant de l’article 8.
En ce qui concerne la question de savoir si la décision d’expulsion vers l’Équateur prise à l’encontre de M. E.V. ménageait un juste équilibre entre les intérêts en cause – à savoir, d’une part, le droit des trois requérants dont la requête a été déclarée recevable au respect de leur vie privée et familiale et, d’autre part, l’intérêt général –, la Cour relève que les infractions commises par M. E.V. étaient relativement peu graves. Elle observe qu’il a été condamné à quatre reprises entre 2005 et 2009 –trois fois pour atteintes aux biens et une fois pour infraction routière –, et que la sanction la plus sévère prononcée contre lui était une peine de neuf mois d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve. Elle constate de surcroît que M. E.V. n’a pas récidivé depuis 2009. Par ailleurs, les procédures d’asile engagées par la famille se sont étalées sur plus de dix ans.
En ce qui concerne la situation de la famille de M. E.V., la Cour rappelle que celui-ci a gardé des contacts avec sa femme, qui l’aide à faire face à sa maladie. Le tribunal administratif fédéral suisse a reconnu que l’état de santé du requérant était préoccupant et que, selon son médecin, son renvoi vers l’Équateur risquait de nuire à sa santé.
Enfin, la Cour observe que les autorités suisses n’ont pas tenu compte de l’intérêt mutuel de M. E.V. et de sa fille mineure à maintenir des liens étroits. À cet égard, elle relève que M. E.V. participe à l’éducation de sa fille. Celle-ci étant parfaitement intégrée en Suisse, où elle doit rester puisque les juridictions suisses ont conclu qu’un renvoi vers l’Équateur lui serait néfaste, il est probable que les contacts personnels entre le père et sa fille seraient grandement réduits si celui-ci devait être renvoyé vers l’Équateur. Les juridictions suisses n’ont pas fait état de l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’elles ont examiné le dossier de M. E.V.
Au vu de ce qui précède, la Cour juge que la décision des autorités suisses est disproportionnée en ce qu’elle n’a pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en cause. En conséquence, le renvoi de M. E.V. vers l’Équateur emporterait violation de l’article 8 de la Convention.

+Elisa Viganotti Avocat de la famille internationale


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Elisa Viganotti 67 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine