Il était temps qu'elle soit changée. La tapisserie dans certains endroits de ma maison ne date pas de Mathusalem mais de son arrière arrière petit fils. Y'a des vieilleries dans cette baraque, ainsi cette fenêtre à vantail et vitres intactes, multi centenaire, planquée dans un placard, et cette tuile changée sur mon toit qui portait mention "Vive le Roy : 1759", cette tapisserie à présent.
Ma cagna est un livre d'histoire. Ça me gonfle car au lieu de bosser, j'arrête le chantier comme lorsqu'on trouve des vestiges historiques dans un chantier public, je fonce alors sur mon appareil photo génial iPhone et sur les pages d'histoire de mon Wikipédia kisétou, je rêve.
Sous la tapisserie en question un journal est collé sur le mur et ça tient avec de la colle béton, savaient encoller les anciens. J'y allais franco avec ma spatule pour décoller le papier et soulevais prestement des lambeaux de tapisserie quand je vis le journal collé dessous. Alors je l'ai lu, je suis allé me faire un thé, assis sur mes gravats j'ai lu ce canard datant du mardi 21 mai 1935. "La Dépêche" de Toulouse. Je pouvais pas tourner les pages mais c'était tout comme.
Rien n'a changé d'y hier à aujourd'hui : sport, politique, faits divers, élection miss France, pub. Monsieur Émile qu'avait suriné sa copine en prenait pour dix ans de bagne, direction Cayenne ou l'île du Diable, le grand prix moto d'Espagne s'était couru et Boetsch le français avait fini 4ème sur Terrot, un "accord aérien" entre l'Allemagne et l'Espagne était signé, les enfants de Guernica pouvaient encore dormir paisiblement mais moins de 2 ans plus tard, le lundi 26 avril 1937, les aviations de guerre fascistes allemande et italienne allaient gommer les murs et les rêves, mise à mort de la république démocratique espagnole dans l'arène internationale sous les yeux des pays démocratiques qui ignominieusement laisseraient faire... suite de la lecture du canard : cinquantenaire de la mort de Victor Hugo, élection de Giselle Préville - 17 ans - miss France 1935, le gouvernement de Pierre-Étienne Flandin gouvernait à petits pas, ça ne durait pas plus qu'un château de sable de sable sur la plage les gouvernements de ce temps-là, Laval qui serait fusillé plus tard par les libérateurs était ministre des affaires étrangères et Mandel qui serait fusillé plus tard par les fascistes était ministre des PTT, ils s'entendaient bien, buvaient des coups à Matignon et allaient voir les filles ensemble, tout était beau et si macho en 1935, Fréhel faisait pleurer dans les chaumières... Ô, sa voix !
Les agneaux bêlaient, à Berlin le Grand loup rouge aiguisait ses crocs, se préparait. Rien n'a changé, hier est aujourd'hui. les agneaux sont toujours aussi cons et les loups... les loups par contre sont plus malins, certains à crocs, ça, ça ne change pas, d'autres par contre - respectables - en col blanc. Ils sont là.