The last ship est une nouvelle série de dix épisodes diffusée sur les ondes de TNT aux États-Unis et Space au Canada depuis la mi-juin. L’action se déroule à bord du USS Nathan James, un destroyer de la marine américaine parti quatre mois dans l’Arctique pour effectuer une mission top secrète. À son retour, l’équipage avec à sa tête le capitaine Tom Chandler (Eric Dane) apprend que durant cette période, un virus mortel a décimé 80 % de la population, que l’Europe est en guerre contre la Chine et que les États-Unis n’existent plus. Par chance, ils ont recueilli au pôle Nord la docteure Rachel Scott (Rhona Mitra), une paléo microbiologiste et son assistant Quincy Tophet (Sam Spruell) qui détiennent des échantillons du virus et qui sont en mesure avec leur équipe réduite de trouver un remède et peut-être sauver l’humanité. Adaptation du livre éponyme de William Brinkley et production de Michael Bay, The last ship au départ très prometteuse, s’amenuise au fil des épisodes. La capacité de la série à créer de vifs moments de tension au sein d’un huis clos en mer est malheureusement ombragée par des protagonistes qui après trois épisodes font preuve de peu de profondeur et d’une propagande proaméricaine très peu subtile.
Une aventure en mer crédible
Quatre mois plus tôt, l’USS Nathan James faisait escale en Égypte alors qu’un virus inconnu du monde médical commençait à faire ses premières victimes. Lors d’une mission en Arctique, le capitaine fait la connaissance de deux scientifiques venus officiellement effectuer des recherches sur des espèces d’oiseaux rares. C’est à la suite d’une attaque d’un navire russe que les marines accueillent Rachel et Quincy et qu’ils apprennent la triste vérité quant au bouleversement de l’humanité survenu plus tôt. Et c’est en route vers les États-Unis que la plupart des membres l’équipage apprennent que leurs familles ont probablement presque toutes été décimées par le virus. En ce temps de propagation, il est effectivement plus sage de rester en mer et le bateau effectue une halte à Guantanamo afin de se procurer des vivres, des médicaments et de l’essence. À première vue, l’île n’est qu’un ramassis de cadavres, mais ils se font rapidement attaquer par des survivants d’Al Qaeda. La plupart en sortent indemnes, mais ce sont ensuite les Russes qui menacent l’équipage. Leur capitaine, Constantine Ruskov, jouit d’une réputation mondiale par sa maîtrise des mers et exige que leur soient livrés Rachel et les échantillons du virus. En cas de refus, son vaisseau possède plusieurs armes nucléaires susceptibles de faire changer d’avis l’équipage. Les choses se compliquent lorsque Quincy tente de kidnapper sa collègue pour la livrer aux Russes; ceux-ci détenant en otage des membres de sa famille.
Sans avoir de chiffres à l’appui, The last ship a dû bénéficier d’un budget colossal tellement les décors sont impressionnants. D’ailleurs, Michael Bay n’a pas la réputation de travailler avec des moyens modestes. Réalisateur et producteur, entre autres, de la trilogie des Transformers (2007-2014) il a aussi occupé les fonctions de producteur exécutif pour la série Black Sails qui elle aussi se déroule en mer. Cette maitrise du genre d’action crève l’écran dans cette nouvelle série. Les batailles navales à l’écran sont très bien exécutées et tout ce qui à trait à l’univers naval est bien maîtrisé : des manœuvres au jargon du milieu. D’ailleurs, la US Navy a prêté une partie de son équipement à l’équipe de tournage et la plupart des figurants sont de vrais marines, ce qui accentue le réalisme de la série. De plus, dans son synopsis, la série de TNT fait beaucoup penser à Helix lancée cet hiver sur Syfy. Dans celle-ci, un groupe de chercheurs venant de plusieurs pays travaillaient de concert dans un laboratoire de l’Arctique sur un nouveau virus. Cette série s’adressait davantage à un auditoire passionné de science-fiction, donc, plus restreint alors que la force dans The last ship est de combiner de façon égale plusieurs genres à la fois tout en demeurant crédible.
Manquer le bateau
Dans son article sur la série, Max Nicholson, pourtant acquis au pilote, émettait ce souhait pour les épisodes à venir : « Still, the series is only just getting started, and it definitely has the potential to explore deeper themes of isolation, existentialism and the ramifications of a rapidly decaying social structure ». Le problème, c’est qu’après trois épisodes, on n’a toujours pas misé sur ces thèmes qui ont pourtant un bon potentiel. Le producteur Michael Bay est davantage habitué à travailler pour le grand écran (donc, un format plus court) et ça se ressent à la longue. Certes, les scènes d’action ont toujours autant d’impact, mais entre celles-ci, on ne va pas assez en profondeur. Par exemple, à cause du virus on est en huis clos, mais mis à part Tom et Rachel, on ne connait presque rien du reste de l’équipage alors que la promiscuité générée par le scénario s’y prêterait à merveille. Quel est l’impact de la mort des membres de leurs familles sur les marines? Comment, suite à la propagation l’Europe en est venue à déclarer la guerre à la Chine? Trop peu de fois on nous montre ou on nous explique les enjeux d’une telle tragédie ce qui fait qu’en bout de compte, on n’exploite pas les bons filons de ce scénario prometteur.
Il est évoqué plus haut que la US Navy est partie prenante du projet, des équipements jusqu’aux figurants. Cette donne implique aussi quelques désagréments, notamment qu’on ait par moments l’impression de regarder une carte postale de l’institution maritime. Le discours livré par Tom soulignant le courage de ses troupes relève davantage du documentaire (= propagande) que de la fiction. Ensuite, 80 % des humains ont beau être morts, ceux qui à l’extérieur du bateau ont survécu en ont tous contre ce dernier bastion de la liberté incarné par l’Amérique. Évidemment, les membres d’Al Qaeda se trouvant à Guantanamo ne sont que des cagoulés qui ne pensent qu’à tirer sur tout ce qui bouge, ce qui leur attire cette réplique cinglante de la part du capitaine : « We don’t negociate with terrorists ! ». En mer, ce sont les méchants Russes qui viennent leur donner du fil à retordre. Après tant d’années restés dans l’ombre des États-Unis, ils visent à devenir les maîtres du monde. Évidemment, ils sont belliqueux, n’ont aucune considération pour l’espèce humaine (Ruskov tue son adjoint pour éviter d’avoir une bouche de plus à nourrir), fument le gros cigare (ils ont dû faire une escale à Cuba) et boivent t de la vodka en travaillant. En gros, la subtilité est vite écrasée par les torpilles lancées pour un oui ou un non.
Le pilote de The last ship a récolté 5,3 millions de téléspectateurs et sa rediffusion plus tard en soirée en a attiré 2,1 millions supplémentaires : on parle d’ici d’un record pour le lancement d’une nouvelle série sur le câble en 2014. Les deux épisodes suivants se sont maintenus au-dessus de la barre des 4 millions, ce qui pourrait faire de la série l’événement télévisuel de l’été. Mais au-delà du succès populaire, on est encore en droit d’espérer de cette fiction un ton plus humain au risque d’être moins explosif.