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“C’est grave, c’est profond et ça a du caractère”. Qui suis-je ?

Publié le 13 juillet 2014 par Abbaye Aux Dames, La Cité Musicale De Saintes @Abbayeauxdames
Samedi matin, vers 11 heures dans la salle Blanche de l’Abbaye aux Dames. A la recherche de sujets pour la journée, une idée sort : “et si on parlait d’un instrument”. Et comme aller interviewer une contrebasse ou un piano à queue ne s’avérerait probablement pas très concluant, on doit aller trouver les personnes derrière l’instrument, les musiciens. Parfait, moi qui voulais un sujet vivant, aller au contact des artistes, le sujet me convient. Et ainsi commença mon épique quête du samedi après-midi : la recherche d’un ou d’une violoncelliste. Je dois l’avouer, l’aventure ne fut pas bien longue ; partir à la recherche de violoncellistes en plein festival de musique lyrique, c’est à peu près comme tenter de trouver une affaire de corruption à l’UMP ces temps-ci : d’une facilité déconcertante. Avant même d’avoir quitté le bureau des blogueurs, voilà Margot qui me fait des grands gestes : «Il y a une violoncelliste, juste ici». Je sors, monte un escalier, et tombe nez-à-nez avec Constance, 13 ans, jeune violoncelliste au conservatoire, aux côtés de son professeur. Rendez-vous est pris pour une petite interview après ses répétitions. Constance a commencé le violoncelle en CM2, « parce que je trouvais que c’était un beau son, puis j’ai arrêté un an car j’avais trop d’activités à côté. J’ai recommencé l’année d’après, parce que ça m’avait plu.» Son entourage familial l’a un peu aidé à se tourner vers la musique classique : sa soeur a elle-même joué de la clarinette, et surtout, sa mère joue du piano. Quand je lui demande ce que lui fait ressentir le son du violoncelle, elle me répond que « ça peut exprimer toutes les émotions, c’est grave, profond, ça a du caractère ». Pour autant, elle ne compte pas entamer une carrière professionnelle : elle a d’autres plaisirs, d’autres métiers qui l’intéresseraient plus. « Et aussi, avoue-t-elle avec un regard vers son professeur, je trouve qu’il n’y a pas assez de débouchés. » IMG_1971Un témoignage intéressant, donc. Mais tout de même, j’aurais aimé avoir les impressions d’un professionnel, quelqu’un ayant fait de sa passion pour l’instrument, son métier. Ce sera une professionnelle, et non des moindres :Ageet Zweistra, 47 ans, d’origine néerlandaise, membre de multiples ensembles (l’Orchestre des Champs-Elysées, le Collegium Vocal de Gand, le Banquet Céleste, le Quatuor Edding). Je n’ai pas à la chercher très loin : arrivé sur la terrasse, je croise Jean-Pierre Derrien, rencontré le matin-même, qui m’introduit immédiatement auprès de la musicienne. Mme Zweistra a encore un souvenir assez net de sa première rencontre avec le violoncelle : après deux années d’éveil musical et de flûte à bec, son école expose divers instruments et laisse aux élèves la possibilité d’en choisir un. Je ne sais toujours pas exactement pourquoi, mais je me souviens que j’ai dit à mes parents que ce serait le violoncelle ; j’ai été attirée parce qu’il y avait un petit groupe, ils étaient cinq, et le son était grave… et surtout ils jouaient ensemble” ; “si c’était à refaire, je le referais exactement de la même manière !“. Dès lors, elle a mis peu de temps pour tomber amoureuse de l’instrument ; pour preuve, le fait elle décide très tôt d’en faire son métier : «Dès que j’ai su qu’on pouvait, à 10 ans !» Comme pour Constance, je lui demande quelles émotions l’instrument lui inspire. “Ce qui m’attire surtout, ce n’est pas tellement l’émotion du son, mais c’est surtout son rôle dans la musique, c’est-à-dire à la fois la base de l’harmonie, et puis… c’est bien connu que dans tous les films, au moment, triste, on entend toujours un violoncelle. Ces deux côtés du violoncelle qui en font une chose complète. Et à part pour les voix, la plus belle musique classique a été écrite, je pense, pour les quatuors à cordes.» violoncelleDans son cas aussi, le cadre familial a joué un rôle dans sa vocation, même si sa famille compte peu de musiciens : «Ma mère à joué de l’orgue et du piano, et mon père un peu de piano pour son plaisir, mais très mal ! Dans la famille, je suis bien la seule à faire de la musique professionnellement. Sauf que mes parents m’ont emmené voir des concerts depuis que j’ai six ans. » Ses parents ont donc toujours eu un intérêt pour cet art, pour une raison simple, selon elle : «on ne peut pas vivre sans musique». A ce moment, ma sympathie envers la violoncelliste me pousse à dériver de mon sujet, pour lui poser une question qui me tient à cœur : la musique classique, au fond, n’est-elle pas encore aujourd’hui un art bourgeois, opaque pour une bonne partie du peuple ? « C’est une bonne question ! me lance-t-elle. Si on compare aux temps de compositeurs comme Beethoven, le pourcentage de personnes ayant accès à la musique classique était beaucoup plus faible ; aujourd’hui, il y a au moins cinq concerts par semaine dans toutes les villes, moyennes ou grandes, et tous ont leur public. Je pense que la musique est plus accessible que jamais, surtout avec youtube. Peut-être qu’il y a moins d’intérêt, et c’est une question importante, est-ce que la musique classique a toujours sa fonction dans la société d’aujourd’hui ? » Bon, aussi passionnante soit l’interview, il faut bien conclure un jour. Et puis le rédac’ chef veut son article pour ce soir, alors abrégeons. Je lui demande son air préféré : « On trouve toujours que la pièce qu’on joue sur le moment est la plus belle, si tout va bien. » En ce moment, ce serait donc l’Opus 130, un quatuor de Beethoven qu’elle jouera à son prochain festival. «La musique de violoncelle solo, à part les suites de Bach, je ne trouve pas que ce soit la plus grande musique qui soit, même si c’est très beau. J’aime surtout le violoncelle dans un ensemble. Mais c’est personnel, pleins de violoncellistes sont solistes et adore ça. Moi j’adore jouer avec les autres». Renouant ainsi avec les origines de sa vocation, lorsqu’elle a entendu pour la première fois, à son école, du violoncelle joué en ensemble. Ainsi, la boucle est bouclée. Comme cet article. Mahel Nguimbi

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