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Montebourg invente la relance sans pouvoir d'achat

Publié le 14 juillet 2014 par Juan
Montebourg invente la relance sans pouvoir d'achat C'était l'annonce de la semaine passée.
Décor bleu nuit, estrade et journalistes, au Centre de conférence Pierre Mendès France, à près du pont de Bercy à Paris. Arnaud Montebourg fait le show. Il a convié le banc et l'arrière banc des cercles médiatiques pour son annonce du moment, des patrons et des syndicalistes: il présente sa "feuille de route pour le redressement économique de la France."
On s'étonnera plus tard que l'annonce vienne que 2 ans, 2 mois et 4 jours après l'élection de François Hollande à la présidence de la République.
Le ministre use et abuse des formules qui claquent: "survie national", "compromis historique", "union sacrée", "forces de la Nation"... Sa faconde est connue. On se souvient de l'affaire Alstom. L'entreprise, privatisée sous Nicolas Sarkozy, menaçait d'être démantelée avant que Montebourg ne prenne tout le monde par surprise en annonçant une prise de participation de 20% et l'élargissement d'un décret Villepin sur les entreprises stratégiques. Le Canard Enchaîné, le 9 juillet dernier, nous informait que le ministre s'était planté sur le prix de rachat des actions Alstom à Bouygues. L'Etat ne pourra les acquérir au meilleur prix du marché, en Bourse, sous peine d'être obligé de lancé une OPA générale...
Revenons à l'opération estivale.
Dès la rentrée, promis, juré, craché, notre vaillant ministre présentera une "loi de croissance et de pouvoir d'achat destinée à restituer 6 milliards d'euros aux Français."
Six milliards d'euros de pouvoir d'achat ?  
On attend le détail. Montebourg précise. 
"Au total, avec cette loi de remise en mouvement de l'économie, nous espérons restituer l'équivalent de 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français."
Mais où est le plan de relance ?  En fait, il n'y en a pas. Montebourg s'est saisi d'une furieuse envie de dérégulation. On espère qu'il ne pense pas au secteur public. Le ministre est tout entier, lui aussi, convaincu de la politique de l'offre qui sévit à l'Elysée et à Matignon. Montebourg serait donc bel et bien Valls-compatible. Quelle surprise... Pour faire bonne mesure, il reformule le pacte de responsabilité et ses 50 milliards d'euros d'économies en "trois tiers": "un tiers pour la réduction du déficit, un tiers pour les entreprises, et un tiers pour les ménages par la baisse de la pression fiscale. " Quelle habileté ! Dans sa conférence, le ministre se félicite du succès du CICE, et des progrès des "marge des entreprises", plus de 1,3 point sur 1 an. "Cet effort, il faut le poursuivre"... Qui croyait qu'Arnaud Montebourg démissionnerait du gouvernement pour prendre la tête d'une nouvelle opposition de gauche en vue de 2017 ? Valls, pardon, Montebourg loue le nouveau "compromis historique populaire" que le gouvernement veut nouer avec les entreprises.
Ce sont des mots.
La future loi Montebourg de l'automne risque d'être une première: la première loi sur le pouvoir d'achat sans aucune mesure de relance. La novlangue soc-lib fait des miracles.
Faute de pouvoir d'achat à "rendre" aux plus modestes, le ministre fait donc la chasse aux monopoles qui "captent par leur position des revenus à la population pour des services payés trop chers qui entament le pouvoir d'achat des ménages". On croirait entendre Michel-Edouard Leclerc. Ou Jacques Attali, version commission des 40 experts installée par Sarkozy en 2008.
Le ministre de l'Economie, s'abrite derrière un rapport de l'Inspection générale des finances, il a trouvé des boucs-émissaires:  37 professions réglementées (huissiers, greffiers des tribunaux de commerce, certaines professions de santé, auto écoles, prothésistes dentaires, etc) dont la situation de monopole "pèse" sur le pouvoir d'achat.
C'était donc cela.
Le capitalisme génère la rente. Le phénomène est connu. Mais comment confondre la lutte contre la rente avec le redressement du pouvoir d'achat des plus modestes. Combien sont-ils, parmi ces Français précaires qui ont du mal à payer leurs factures, sans un centime à économiser, à recourir aux notaires, aux greffiers de justice ou au service d'un avocat ?
"L’esprit de Franklin Roosevelt souffle à Bercy."
Montebourg ne s'attaquait même pas tel un Roosevelt du XXIème siècle, à quelques grandes compagnies. Non, il reprenait l'antienne de Jacques Attali en 2008, en fustigeant quelques métiers organisés, des "professions réglementées". Assez vite, quelques représentants de ces professions ont rappelé la justification de leur existence. Ainsi L'Union nationale des professions libérales (huissiers, avocats, greffiers, etc) a-t-elle rappelé que  " les professions réglementées obéissent à des règles déontologiques, lesquelles proscrivent le recours à la publicité. Certaines d'entre elles assument des missions de service public, et d'autres, lorsqu'elles sont conventionnées, pratiquent des tarifs administrés, excluant la concurrence par le prix que voudrait stimuler la future loi ".
Car la question se pose: le plan du ministre se résume-t-il à propager la concurrence là où elle n'existe pas ?
"Le plan de bataille pour le redressement économique de la France tient en 3 priorités :
  1. Lutter contre les rentes et redistribuer du pouvoir d'achat ;
  2. Investir dans les infrastructures et transformer le pays ;
  3. Réinventer le financement pour remplacer l'argent public, devenu rare."
Vous êtes prévenus.
Dernier socle de l'intervention montebourgeoise, l'investissement. Il a trouvé la solution miracle: orienter l'investissement privé vers des besoins publics: "L'argent public, devenu rare, fait levier sur l'investissement privé."
Il y a bien sûr la BPI, qui fédère et intervient dans toutes sortes d'entreprises - 3000 en deux ans. On applaudit.
Arnaud Montebourg avait lancé 34 chantiers industriels en septembre 2013, sans argent ni moyens publics. Quelques jours avant la fête nationale, lors de sa 6ème réunion, le comité de pilotage des plans de la Nouvelle France industrielle a "validé" les 7 dernières feuilles de route ce ces grands plans colbertistes; ça sentait bon la Nouvelle France industrielle, sortez les drapeaux et chantez la Marseillaise. La France est de retour !
"Ces plans signent le retour de l’État stratège et planificateur pour la réindustrialisation du pays. Ils démontrent également que la France est une grande nation industrielle, capable d’être pionnière dans la troisième révolution industrielle, au carrefour des transitions écologique et énergétique d’une part et digitale et numérique d’autre part."
L'intention était louable, mais la mise en oeuvre inconséquente. Il fallait chercher en quoi ces plans allaient changer quelque chose. Les descriptions sont simples, les objectifs tout autant. Mais 10 mois plus tard, on cherche les moyens. Il y en a peu.
La Hollandie fauchée économise pour réduire les impôts et les cotisations de l'Etat providence.
Où est passée l'audace ? 
Lire aussi:
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