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Oublier de s'aimer

Par Gentlemanw

Je suis revenue auprès de ma soeur, un premier été totalement sans enfants, la plus petite, devenue grande vient de finir ses études de droit. Une prolongation en province, un diplôme puis un autre, des années de bonus avec elle, un privilège malgré la vingtaine passée, sa vie de jeune adulte, ses amours, ses humeurs. Mais maintenant je suis seule, comme ma soeur, cet été. Ces enfants sont avec son mari dans leur maison du pays basque, elle doit travailler encore quelques jours, je partage son appartement. Deux chats, une terrasse ombragée, des fleurs partout, un transat et des livres, je picore dans sa bibliothèque. Un lien et un souvenir.

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Avec lui, quand nous partagions des moments de lectures complices, sur notre canapé, lui assis, avec un bon auteur anglais, moi allongé, la tête sur ses jambes, avec une romancière américaine. Nous étions écclectiques, gourmands et gourmets de mots, de douceurs et de vérités. Des tas de pages, des romans et des polars, des documentaires, des beaux livres sur l'art ou l'architecture, tout était plaisir de lectures, de découvertes, de nourriture intellectuelle. J'aimais sa frénésie délicate, à chercher des nouveautés, à se tromper et en rire, à dégoter la perle de la saison littéraire. Nous avions tant de choses en commun. D'ailleurs il écrivait si bien, rarement en dehors de ses rapports professionnels, pris par le temps consacré à nos enfants.

Eux vivent libres maintenant, et je vois ce vide s'ouvrir plus grand encore qu'après le divorce, j'étais si en colère après cette jeunette, cette jeune femme si élégante, si en beauté, si arrogante à son bras, si différente de moi. J'avais une haine totale, féroce et blessante pour lui reprocher tout, dont ce point de rupture. Je l'ai haï longtemps, montant les enfants contre lui, vainement d'ailleurs, eux n'y voyait que le reflet d'une série télé ou de la suite semblable aux parents des copains. Une vie dissolue, une vrille dans laquelle j'ai perdu mes repères. Des amies, souvent seules, elles aussi, nous avons parlé, beaucoup parlé, de nos vies mais uniquement avec notre angle de vue.

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Il y a quelques mois, il est venu pour un papier administratif, une signature dans l'imbroglio administratif digne de Kafka, il m'a laissé une lettre en plus, avec un silence, un départ rapide, mais un regard que je lui connaissais. Je ne l'avais pas revu depuis notre rencontre, nos premiers amours, nos soirées collées l'un à l'autre, amoureux et fusionnels. Mais cela était si loin, car entre-temps des enfants nous avaient écarté pour marquer leurs places. Un éloignement. Dans ce courrier, il s'excusait de cette situation folle, de mes souffrances, prenant sur lui les erreurs, et avouant m'aimer encore. Je l'ai lue, relue, tant de fois, cette lettre. Dans mon sac à main, elle est pliée dans un coin, la plus belle déclaration d'amour.

Oserais-je l'appeler un jour, car oui, suite à cela j'ai vu une psy, une femme qui m'a poussé à lire la lettre à voix haute, à comprendre mon parcours, le sien, le nôtre à reculons. Elle ne cherchait pas de coupable, ni de bouc-émissaire, mais une solution, une vérité, plus complexe qu'une simple aventure, qu'une simple jeune femme passée entre lui et moi. Notre rupture était due à l'oubli de notre vie amoureuse, dans une routine évidente. Et oui j'étais complice. Lui et moi, nous avions travaillé un peu plus pour une belle maison, pour les enfants, pour la fatigue des week-ends, pour tout leur donner. Rien de plus, rien pour nous. 

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Une larme en regardant à travers le balcon ce couple, de mon âge qui s'embrasse, si amoureux, ensemble. Et si je l'appelais encore. Hier j'ai essayé, mais il semblait absent. Depuis si longtemps.

Nylonement


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