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377ème semaine politique: Hollande et le burn out collectif

Publié le 26 juillet 2014 par Juan
377ème semaine politique: Hollande et le burn out collectif

C'est fait. Certains abandonnent.

Fatigués.

Les raisons sont multiples. La politique française s'affaisse. Ce n'est plus de la torpeur estivale.


Jean-Luc Mélenchon l'a annoncé le premier.
"À un moment il faut s’arrêter de courir. Parce que si on court tout le temps, on va finir par se mettre dans le vide"
Le propos surprend à peine. Le leader du Front de gauche est épuisé. Son mouvement, lancé en 2009, n'a pas eu le succès qu'il espérait. La dynamique n'est pas là. Des désaccords stratégiques sur le degré d'opposition au PS gouvernemental ont fait le reste. Mélenchon accuse aussi les médias de surjouer la carte du FN. L'hystérisation de la vie politique favorise les monstres de haine. Nos médias priorisent le spectacle sur l'explication.
L'épuisement politique est palpable ailleurs. Les extrêmes ont gagné. Ce pays reste hystérique, c'est une foire caricaturale et binaire.
Il y a d'abord ce gouvernement qui "gère", sans souffle ni élan; ça n'a pas l'air de le déranger. Le décalage entre les mots et les actes devient un gouffre. On n'ose plus évoquer l'économie. Dans les colonnes des Echos, Michel Sapin débat avec son collègue allemand sur le meilleur titulaire au poste de commissaire à l'austérité auprès de Jean-Claude Juncker. Moscovici est candidat. Et Sapin renchérit "nous faisons des économies absolument drastiques dans les budgets de l'Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale".
C'est un cauchemar. Le chômage progresse encore, plus de 9000 sans-emplois supplémentaires le mois dernier. La croissance économique mondiale ralentit, mais notre gouvernement national appuie encore sur le champignon de l'austérité.
Hollande déprime-t-il ?
Même Hollande ne croit plus en la reprise. Il l'a confié lors du dîner annuel de la presse présidentielle le 21 juillet. Va-t-il changer son logiciel social-libéral ? Que nenni. Le pacte irresponsable de 50 milliards d'euros d'économies a été voté. 
Un projet de loi sur la "simplification" de la vie des entreprises déboule à l'Assemblée, pour deux jours à peine de débat. Car nos élus partent en vacances. On vient de publier leurs déclarations d'intérêt des 577 députés. On vote la "grande réforme territoriale" qui réduit, dès l'an prochain, le nombre de régions en métropole de 22 à 13. Les objectifs sont mal chiffrés - les premières estimations d'économies sont complètement farfelues d'André Vallini, le secrétaire d'Etat en charge du sujet, ont été heureusement oubliées (11 milliards... sic !).
Le 24 juillet, Manuel Valls est sur RTL, mais les Français sont ailleurs. Ce n'est pas Clémenceau, à peine Guy Mollet. Ses propos trop vides et sans élan sont peu repris. Qui écoute ?  La guerre à Gaza et ses centaines de morts civiles, un nouveau crash d'avion avec une cinquantaine de victimes françaises à bord, l'été qui s'installe mais les fins de mois toujours difficile (60% des ouvriers ne partent pas en congés), on a d'autres sujets de préoccupation que d'écouter le premier des ministres vanter "sa réforme" et "son cap".
Valls, hors sol
A l'Assemblée, la loi anti-terroriste est durcie par les élus UMP et socialistes agissant de concert. Du blocage administratif de sites à l'interdiction de sortie du territoire à l'encontre de citoyens nationaux, l'ancien Sarkozy n'aurait pas renié ce texte phobique et inutile.
Mercredi, Bernard Cazeneuve publie ses deux lois sur l'immigration, discrètement, pendant l'été.
 a raison. La droite furibarde l'attend au coin pour mieux brailler de concert avec le Front national-socialiste. Sans surprise, les jumeaux sarkozystes du vacarme sécuritaire Eric Ciotti et Brice Hortefeux ont crié au laxisme. Le premier a dénoncé la "catimini", le second a surenchéri sur "l'explosion" de l'immigration clandestine. Le Front national réactive ses clichés contre les "immigrés-qui-volent-nos-emplois".
Dans les faits, la première loi traite de l'asile. Deux années de concertation avec le milieu associatif. Pourtant, la Coordination française pour le droit d’asile s'inquiète: pour désengorger les bureaux de l'OFRAP, on raccourcit les temps de préparation de demandes, et on multiplie les cas d'irrecevabilité.
La seconde loi honore une promesse de campagne, assouplir les conditions d'accueil des étrangers,  avec la généralisation du visa pluri-annuel, la création d'un passeport "talent", et l'extension des visas étudiants sur la durée de la scolarité. Mais on est loi, très loin, du réalisme généreux des années 80. Il y a tout juste trente ans, en 1984, une autre gauche instaurait le titre de résidence valable 10 ans malgré les braillements d'un borgne blond sur les estrades télévisuels.
Un autre temps.
Foire aux extrêmes
N'en déplaise à Hollande, le conflit israélo-palestinien s'est importé avec fracas dans l'actualité française. Son traitement binaire et caricatural, de part et d'autres, est une autre illustration de notre épuisement collectif.
Il est devenu impossible de débattre. Le gouvernement Valls adopte vite et mal une position timide face aux massacres commis à Gaza. Les bombardements "chirurgicaux" de Tsahal ont fait 800 morts en 15 jours. On attendait mieux que les déclarations lénifiantes de Valls sur le cessez-le-feu immédiat : "la France n'a qu'un camp, celui de la paix" (Valls, le 24). Sur Mediapart, Edwy Plenel décharge ses critiques au vitriol, sans nuances ni compromis: "vous égarez la France !" lance-t-il à Hollande.
Samedi 19, une manifestation pro-palestinienne est interdite à Paris. Le cortège se termine dans le chaos dans le quartier de Barbès: des scènes lunaires de guerilla urbaine, des commerces dévastés, l'antisionisme cède à l'antisémitisme dans les cris de certains manifestants. Une fraction de l'extrême droite, qui a conservé ses obsessions antisémites, se régale. Le lendemain, Valls ne voit que cela. Hollande commet l'erreur de convoquer des responsables religieux à l'Elysée. Où a-t-il vu que ce conflit était religieux ? C'est la foire aux extrêmes: les fascistes de la LDJ contre les rageux soraliens; le Likoud contre le Hamas.
Les extrêmes nourrissent toujours leurs haines réciproques.
Mercredi, une manifestation pro-palestinienne autorisée se déroule dans le calme. Valls joue enfin l'apaisement, mais tardivement: "les musulmans de France, c’est la France !" Mais vendredi, patatras ! Notre Cazeneuve national commet à nouveau l'erreur d'interdire un autre rassemblement prévu à Paris. Il évoque des "tensions". 
Le crash d'un avion d'Air Algérie, avec une cinquantaine de Français à bord, écarte à peine le sujet palestinien de nos couvertures médiatiques. Nul recueillement ni trêve, malgré la douleur des familles. A quelques centaines de kilomètres de là, Amsterdam donnait une autre image. Une marche blanche était organisée en hommage aux 193 victimes hollandaises du crash de la Malaysian Airlines abattu au dessus de l'Ukraine la semaine dernière.
Curieusement, Nicolas Sarkozy choisit cette nouvelle semaine hystérique pour un publi-reportage sur ses vacances forcément amoureuses avec Carla Bruni.
Le burn out est complet.
Crédit illustration: DoZone Parody

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