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Évasion fiscale, le hold-up du siècle

Publié le 28 juillet 2014 par Blanchemanche

Film – Évasion fiscale. Le hold-up du siècle

 |  Xavier Harel, Rémy Burkel |  France, 2013, 90 min

« Les pauvres c’est fait pour être très pauvres et les riches très riches. » La réplique de Don Salluste dans La folie des grandeurs fait mouche. Tant elle pourrait servir de devise aux « intaxables ». Les intaxables, ce sont ces multinationales et ces bataillons de grandes fortunes escortées loin de l’impôt honni par leurs conseillers (les banques et les Big Four du conseil et de l’audit). C’est dans cet univers feutré que nous fait pénétrer le journaliste Xavier Harel, auteur de plusieurs ouvrages sur les rouages de la finance illicite[1], à leurs fêtes qu’il nous invite. Ce long documentaire nous emmène en voyage : aux Caïmans, au Delaware ou à Jersey, il donne à voir avec ironie l’absurdité d’une richesse accumulée loin des lieux où elle est produite, comme aussi l’absurdité de politiques publiques devenues exsangues en Grèce. Ou le réveil tardif mais prometteur des politiques. N’attendez pas pour autant de scoops de ce film. Il ne vous montrera pas non plus l’impact mortifère de ces mécanismes au Sud de la planète. Il passe un peu vite sur les lieux de la mobilisation citoyenne et sur ses succès récents, en France notamment. Mais pour avoir moi-même sillonné la France et les couloirs des ministères à tenter d’expliquer les enjeux, les rouages de cette évasion fiscale industrielle et les moyens de la combattre, j’y trouve un outil pédagogique précieux pour qui veut comprendre où se sont envolés les milliards qui nous manquent.

BIENVENUE DANS LES PARADIS FISCAUX

De la Barbade au Liechtenstein, un large choix de cachettes pour les fortunes convoitées par le ministère du Budget.Des fuites sans précédent ont permis à de nombreux gouvernements d'engager des poursuites contre des fraudeurs ayant dissimulés de l'argent dans les paradis fiscaux. Des milliards de dollars d’arriérés d'impôts ont ainsi été récupérés. Le Consortium international des journalistes d’investigation, qui réunit des journalistes de plusieurs dizaines de pays, vient de publier des données sur pas moins de 120 000 entités offshores domiciliées dans une dizaine de paradis fiscaux. Vous voulez savoir comment certains contribuables peu scrupuleux s’attachent les services d’avocats et de conseillers financiers payés à prix d'or pour dissimuler tout ou partie de leur fortune dans des territoires opaques ?Lancez-vous dans le jeu interactif du parfait fraudeur ! (Jeu en Flash) http://future.arte.tv/fr/sujet/evasion-fiscaleÉVASION FISCALE, LE HOLD-UP DU SIÈCLE
Evasion_fiscale_infographieSOURCESEurope : La TribuneFrance : Le Nouvel Observateur – Le syndicat Solidaires Finances publiquesAllemagne : Tax Justice NetworkMonde : Tax Justice Network n° 1- Tax Justice Network n° 2Dette mondiale : The Economist
L'Europe renforce sa lutte contre l'évasion fiscale des entreprisesLes prêts hybrides ne devraient plus bénéficier d'exonérations fiscales.Les prêts hybrides ne devraient plus bénéficier d'exonérations fiscales. (Photo Philippe Huguen. AFP)

Grâce à une directive de la Commission européenne, des entreprises parvenaient à échapper à l'impôt dans tous les pays où elles étaient implantées. Les ministres européens des Finances ont adopté une disposition mettant fin à cette situation.

Les ministres européens des Finances ont adopté vendredi une disposition renforçant la législation européenne pour lutter contre l’optimisation fiscale pratiquée par certaines entreprises pour échapper à l’impôt en Europe. Il s’agissait d’une proposition d’amendement de la Commission pour renforcer la directive européenne dite «mères-filiales».Cette directive avait été initialement conçue pour éviter que les entreprises d’un même groupe établies dans plusieurs Etats membres ne soient imposées deux fois pour le même revenu. Mais certaines entreprises exploitaient cette disposition en profitant des disparités entre les règles des différents Etats membres pour éviter toute forme d’imposition dans quelque pays que ce soit, à travers des montages fiscaux appelés «prêts hybrides».«C’est un important élément utilisé par les multinationales pour éviter l’impôt», avait expliqué avant la réunion le commissaire européen chargé de la Fiscalité, Algirdas Semeta, soulignant que cela faisait «perdre des sommes d’argent considérables aux Etats». En remédiant aux failles du dispositif, «nous contribuerons à regarnir les coffres des Etats membres et à assurer une égalité de traitement» au sein de l’UE, a-t-il ajouté.Les nouvelles règles devraient combler les lacunes de la directive en faisant notamment en sorte que ces prêts hybrides ne puissent plus bénéficier d’exonérations fiscales.C’est du «bon travail», s’est réjoui le ministre grec, Guikas Hardouvelis, qui présidait la réunion des 28 ministres. Les décisions européennes en matière fiscale requièrent l’unanimité des Etats membres.Le texte a été adopté après la levée des réserves exprimées par Malte, le seul pays qui s’opposait jusqu’ici à l’adoption de cette disposition, et qui a obtenu les garanties qu’il réclamait auprès de la Commission. Les Etats membres auront jusqu’au 31 décembre 2015 pour transposer la directive amendée dans leur législation nationale.La question de l’évasion fiscale des entreprises figure parmi les priorités politiques de nombreux pays de l’UE et a aussi été mise en avant dans d’autres instances comme le G20. La modification de la directive «mères-filiales» fait partie d’un plan d’action plus vaste de la Commission européenne, présenté fin 2012, pour lutter contre ce phénomène.Récemment, la Commission s’est attaquée par un autre biais aux pratiques fiscales agressives des multinationales en ouvrant des enquêtes approfondies visant trois Etats (Irlande, Pays-Bas et Luxembourg), soupçonnés d’accorder des avantages fiscaux injustifiés à des entreprises comme Google ou Starbucks.AFP

LA LOI DU PLUS CUPIDE

Qui vole un œuf... est (presque) toujours condamné pour vol. Qui fraude le fisc... peut parfois s’en sortir impunément. Une particularité parmi tant d’autres qui mettent à mal les principes de l’Etat de droit.Par Georg JochumCet article est déjà publié sur le site deÉVASION FISCALE, LE HOLD-UP DU SIÈCLEFermerIl y a quelques semaines, on apprenait qu’Uli Hœneß, le président du Conseil de surveillance de FC Bayern München AG, une société dont la mission est la gestion et le marketing d’une équipe de football, s’était dénoncé auprès des autorités fiscales en vertu du § 371 du Code allemand des impôts. L’enquête a ensuite conduit à une perquisition au domicile d’Uli Hœneß, lequel était également visé par un mandat d’arrêt. La presse a annoncé que dans le cadre de cette procédure de dénonciation spontanée, monsieur Hœneß  aurait versé trois millions d’euros au fisc.En 2011, les conditions s’appliquant à une dénonciation spontanée avaient été durcies.  A en juger par l’affaire Hœneß, la dénonciation spontanée prévue par le § 371 du Code allemand des impôts ne peut pas conduire à l’impunité dans la mesure où la somme détournée dépasse les  50 000 euros par délit (soit par an). Conformément au § 398a du Code allemand des impôts, le coupable peut toutefois échapper aux poursuites s’il verse au fisc 5 % des sommes fraudées. Tout porte à croire qu’Uli Hœneß s’est acquitté de cette amende. Ainsi, les poursuites pénales ne pourraient que s’expliquer par une dénonciation spontanée incomplète.
Augmenter le nombre de dénonciations spontanées
Du point de vue du droit fiscal, on peut toutefois s’étonner que toute cette procédure se soit retrouvée sous le feu des projecteurs. Lorsqu’une action est en cours, le prévenu est en effet protégé par le secret fiscal pour éviter qu’il ne soit exposé à l’opprobre publique au motif d’allégations non fondées.En matière de délits fiscaux, l’Etat semble avoir tendance à oublier ces principes. Comment expliquer alors que lors d’une autre affaire impliquant une personnalité, en l’occurrence l’ancien président du directoire de la Deutsche Post AG Klaus Zumwinkel, les caméras des télévisions étaient en place devant le domicile du prévenu avant même le début de la perquisition. De manière générale, lorsque sont impliquées des personnes connues, le parquet est plutôt disposé à communiquer aux médias des éléments de l’enquête en cours. Et ce plus particulièrement dans les affaires où les éléments de preuves sont fragiles, comme lorsqu’un présentateur de la météo bien connu outre-Rhin a été accusé de viol.Cette manière d’agir touche à des principes élémentaires qui fondent l’Etat de droit  comme la présomption d’innocence ou la protection des droits de la personne. Dans presque tous les cas, ces révélations sont à même de détruire la vie sociale du prévenu, même si la procédure ne débouche pas in fine sur une condamnation.Si dans le cadre d’une procédure pénale normale, cette manière d’agir peut encore passer pour une arme, elle n’en soulève pas moins des questions quant à l’Etat de droit en matière de fisc, car son principal  objectif est d’augmenter les recettes. Elle sert à augmenter le nombre de dénonciations spontanées. L’exemple édifiant d’une personnalité mise au pilori vise à inciter le quidam à déclarer le compte épargne qu’il cachait jusque-là au fisc. La réglementation de la dénonciation spontanée a pour but de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat via des intérêts et pénalités qui constituent, soit dit en passant, des placements très bien rémunérés. Voilà pourquoi pour l’Etat, il serait absurde d’abroger la dénonciation spontanée.
L’Etat de droit malmené
La dénonciation spontanée est une méthode qui ne nécessite pas d’enquête, elle permet donc de faire rentrer de l’argent sans avoir à en dépenser. La cupidité répond à la cupidité. Le fraudeur est cupide car il ne veut pas payer ses impôts. Quant à l’Etat, en cas de dénonciation spontanée, il empoche non seulement l’impôt soustrait, mais se fait en plus payer l’impunité qu’il concède par des intérêts de retard faramineux.Tout est fait pour que les fraudeurs aient recours à ce dispositif qui est un pont d’or, pour les fraudeurs comme pour le fisc, même si pour ce faire, bon nombre de principes de l’Etat de droit doivent allègrement passer à la trappe. C’est une chose d’annoncer que l’on a acheté un CD contenant des données fiscales, c’en est une autre que de viser une personne connue par une procédure d’enquête menée sous le feu des projecteurs. Un Etat qui malmène autant les principes de prééminence du droit ne doit pas s’étonner lorsqu’ensuite, ses citoyens sont de moins en moins enclins à respecter ses lois. L’Etat de droit est un bien précieux qui ne saurait être sacrifié sur l’autel de la cupidité. Même si cette cupidité a pour objet des milliards que les contribuables ont essayé de détourner... par cupidité.Georg Jochum (17 mai 2013)

EDUCATION FISCALE

La politique fiscale monolithique des gouvernements a ouvert la voie à l’évasion fiscale et favorisé la méfiance. Pourtant, il y a autant de solutions à ce problème que de grains de sable sur les plages des paradis fiscaux. Sus à l’évasion fiscale !Par le professeur Wolfgang Gerke, président du Bayerischer Finanz Zentrum, qui intervient souvent dans les médias allemands en qualité d’expert des marchés financiers et de la bourseCet article est déjà publié sur le site de ÉVASION FISCALE, LE HOLD-UP DU SIÈCLEFermerLe blanchiment d’argent et l’évasion fiscale sont sur la sellette. « Enfin ! » se diront les contribuables honnêtes qui, jusqu’ici, devaient payer l’ardoise des milliards de prélèvements et contributions allègrement détournés par les fraudeurs. Un dysfonctionnement imputable à la défaillance éclatante de la classe politique. La liste des procédures de sauvetage de coupables qui sont financées par des innocents est scandaleusement longue. Il ne sera malheureusement pas possible de changer les choses du jour au lendemain mais seulement de façon progressive. Et ce changement sera moins le résultat d’une action concertée des décideurs politiques à l’échelle internationale que des effets secondaires de nouvelles technologies de l’information et de stockage de données.A présent, les informations que les enquêteurs du fisc n’arrivaient pas à se procurer en dépit de leurs recherches en Suisse ou dans les Iles Vierges britanniques leurs sont envoyées sur de petits supports de données par une minorité de défenseurs de la morale et une majorité de receleurs criminels. Des milliers d’opérations bancaires illicites sont ainsi dévoilées, des hommes de pailles et les arcanes de réseaux occultes sont mis au jour, et il s’avère que les décideurs politiques occidentaux n’ont pas forcément les mains plus propres que les oligarques russes. Et l’opinion publique accroît la pression sur la classe politique afin qu’elle lutte efficacement contre l’évasion fiscale.
Couacs et occasions manquées
Les manifestations des indignés ont été le premier signal d’alerte. Leurs protestations bruyantes devant les sièges de grandes banques internationales à Zurich et à Wall Street, ainsi que leur campement devant la Banque centrale européenne à Francfort ont effrayé nombre de citoyens. Leur slogan « Sauvez les clients des banques et non les banques » a toutefois fait réfléchir la population, d’autant plus que ce slogan a été relayé par un professeur de finance[1]. Petit rappel : les banques centrales des pays industrialisés ont proposé aux institutions financières internationales de contracter à des taux dérisoires des crédits, qui ont ensuite été gérés avec une insouciance telle qu’elle a provoqué un fiasco financier planétaire. Depuis l’effondrement de ce système, les citoyens honnêtes, y compris la prochaine génération, vont être obligés de payer les pots cassés. Plus le filou est gros ou « institutionnalisé », et plus le risque est grand qu’il bénéficie d’une aide financée par ses victimes. Cette politique monolithique est poursuivie de la même manière par les gouvernements et l’opposition.Les mesures de sauvetage économique des fraudeurs grecs ont été une erreur monumentale. Ainsi, lorsque le pot aux roses des abus fiscaux hélènes a été dévoilé au grand jour, au lieu d’instaurer immédiatement un contrôle des changes et des flux financiers, on a laissé le citoyen lambda et le contribuable européen payer l’ardoise de ce fiasco financier ; tandis que plus de 200 milliards d’euros d’avoirs financiers sortaient du pays. Au final, l’évasion fiscale grecque plombe le contribuable européen et appauvrit la classe moyenne et les PME grecques.La crise chypriote est le dernier exemple en date du processus de redistribution internationale entre les fraudeurs et les contribuables. Bien que ce pays ne fasse pas officiellement partie du système financier, il a été considéré comme tel par les politiques jusqu’à ce qu’il obtienne ce statut pour des raisons psychologiques. Grâce à un taux d’imposition des sociétés de 10 % et à des taux d’intérêts financiers élevés, le pays a pu attirer des fonds qui circulaient sur le marché financier international, faisant de Chypre une immense banque. Lorsque ce paradis fiscal a commencé à battre de l’aile suite aux abus spéculatifs, les « optimisateurs de la charge fiscale » ont eu le temps de transférer leur argent à Londres, Singapour ou aux Iles Vierges britanniques. Et lorsque des mécanismes de contrôle des flux financiers ont finalement été instaurés, on a alors essayé de ponctionner les épargnants qui faisaient confiance à la garantie qui leur avait été donnée que leurs placements financiers seraient préservés à concurrence de 100 000 €. Le scandale financier chypriote a porté un coup fatal à la crédibilité de la politique européenne et suscité la méfiance des citoyens dans le monde entier. Aussi l’heure
n’a-t-elle jamais été aussi propice pour mener une action internationale visant à étouffer les paradis fiscaux et à mettre fin à l’évasion fiscale.
Obliger les autorités coopérer au niveau international
Il est fallacieux de penser que la classe politique ne peut rien contre les paradis fiscaux. Pendant des décennies, le secret bancaire a fait de la Suisse une forteresse financière imprenable. Or, il a suffi que le gouvernement américain menace de retirer aux banques helvétiques leur licence aux Etats-Unis pour que celles-ci acceptent de fournir des données bancaires ultra confidentielles secrètes aux services fiscaux US. La force de frappe combinée des grandes nations industrialisées est telle qu’elle pourrait mettre à genoux n’importe quel paradis fiscal, des Îles Caïman jusqu’à Chypre. Cela dit, les puissants devraient commencer par faire le ménage devant leur porte. Pour ce qui est des Etats-Unis, on pense en premier lieu à l’Etat du Delaware et, s’agissant du Royaume-Uni, aux Îles Vierges.Wolfgang Gerke (24.04.2013)

UNE CONCURRENCE FRUCTUEUSE

Dans la lutte contre les paradis fiscaux, l’heure n’est plus aux reproches mutuels. Si elle veut rester une grande puissance économique, l’Union européenne ferait bien d’encourager la concurrence fiscale à l’intérieur de ses frontières. Et de faire primer le principe d’imposition et non le lieu d’imposition.Par Luc FriedenCet article est déjà publié sur le site de ÉVASION FISCALE, LE HOLD-UP DU SIÈCLEFermerEn ces temps de crise économique, tous les pays recourent allégrement à la ponction fiscale. Il n’est donc pas surprenant qu’avec la mondialisation, leurs discussions portent sur les moyens d’optimiser la collecte de l’impôt à l’échelle internationale.Nous avons besoin de normes reconnues au plan international pour éviter au final des frictions stériles entre nos systèmes fiscaux. Soucieux de lutter contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale et l’évasion fiscale, l’Union européenne, l’OCDE, le Fonds monétaire international et le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales ont notamment édicté des normes qu’il convient désormais d’adapter à l’économie mondialisée du XXIe siècle. Le Luxembourg prend une part active à ces discussions. Il faut un système fiscal clair et structuré pour encadrer l'économie, imposer tous les revenus sans exception et empêcher une généralisation de l’arbitraire fiscal.Plus un pays est petit, plus les autres pays sont grands ! Conscient de cette réalité, le Luxembourg souligne la nécessité d’établir des règles fiscales qui soient impérativement appliquées à l’échelle internationale. Si tous ne jouent pas le jeu, les pays qui appliquent ces règles seront désavantagés. Et l’on courra un risque non négligeable de voir des entreprises délocaliser vers des pays ou territoires dérogeant aux règles fiscales. Ce serait la fin du système fiscal international. Pour éviter un tel cas de figure, le Luxembourg insiste pour que le champ d’application géographique de ce système fiscal soit le plus grand possible. Il faut notamment se pencher sur la question des paradis fiscaux qui profitent des failles présentes dans la législation de la plupart des grandes nations.
L’objectif : faire payer des impôts aux multinationales
Le risque de délocalisation est bien réel, alors même que l’Europe aurait urgemment besoin de ces recettes fiscales pour investir. Le Luxembourg a donc décidé de ne pas être partie prenante du projet de taxe sur les transactions financières (TTF). Nous serions prêts à accepter cette taxe si elle était appliquée au niveau mondial ou du moins européen. Mais nous ne pouvons courir le risque de voir se déclencher une vague de délocalisations par manque de participants au projet.En revanche, le Luxembourg a salué l’idée d’un échange automatique de renseignements à des fins fiscales et demandé que cette nouvelle norme internationale soit appliquée à l’échelle planétaire. Nous avons pris acte des évolutions qui vont dans ce sens au niveau mondial. C’est pourquoi nous instaurerons à partir de 2015 l’échange automatique de renseignements, lequel entre dans le champ d’application de la directive européenne de 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne.Cette nouvelle norme sera un jalon dans l’évolution de la place financière du Luxembourg qui deviendra un centre moderne faisant jouer la transparence. Pourtant, nous insistons pour que cet échange automatique de renseignements soit une norme véritablement internationale, dans la droite ligne de la proposition faite récemment par les ministres des Finances au sommet du G20 à Washington.Dans le débat sur la fiscalisation que mènent l’OCDE et l’Union européenne, l’objectif devrait être de favoriser la prospérité et l’imposition des multinationales. Car seule une économie florissante peut servir de socle à la collecte d’impôts, à la création d’emplois et à la croissance. On a donc besoin d’un cadre international qui, d’une part, évite aux entreprises une double imposition pénalisante et, d’autre part, les empêche de se soustraire à l’impôt. C’est le principe de l’imposition qui devrait primer et non le lieu d’imposition.
Instaurer une concurrence saine
Il est impératif que les directives européennes et les conventions fiscales internationales offrent la possibilité aux grandes entreprises qui opèrent à l’échelle transfrontalière, voire mondiale, de s’organiser de façon efficace au niveau économique et fiscal. Au niveau international, cela implique de faire la distinction entre, d’une part, la TVA facturée par les entreprises à leurs clients et reversée au fisc ou l’impôt sur le revenu que payent les salariés et, d’autre part, la fiscalisation des activités liées au siège social d’une entreprise localisée dans un pays tiers – dès lors que l’activité économique est bien réelle au siège social. Revenir sur ce principe équivaudrait à une négation du marché intérieur de l'Union européenne. Cela remettrait aussi en question la notion de siège social. Les conséquences pour la rentabilité des grands groupes seraient incalculables. Alors, ces entreprises seraient tentées d’aller s’implanter dans des contrées aux législations plus clémentes.De nombreuses entreprises ont choisi le Luxembourg pour y établir leur siège européen ou mondial. Elles exercent au Luxembourg une activité réelle, génératrice d’une forte plus-value. Il est légal et légitime que ces sociétés soient imposées au Luxembourg. Nous continuerons de faire tout notre possible pour créer et maintenir un cadre attractif pour les investisseurs. Cela passe aussi par une politique fiscale capable d’imposer des normes internationales et de les faire appliquer au niveau mondial. Les normes fixent des critères objectifs d’imposition. Elles ne sont pas synonymes d’uniformisation fiscale.La concurrence fiscale en Europe aura un effet positif, à l’instar de celle qui s’exerce dans tous les domaines d’activités économiques. Si elle sort renforcée d’une concurrence saine au sein de l’Union, l’Europe sera en mesure de s’imposer dans un environnement mondialisé, générant alors de la croissance et des recettes fiscales.Le Luxembourg fait actuellement face à d’immenses défis, mais cela ne nous empêchera pas de les relever avec ardeur. Nous voulons apporter une contribution dynamique et constructive à un système fiscal international, moderne et appliqué au niveau mondial, sans perdre de vue pour autant les intérêts de notre pays, de la Grande région Saar-Lor-Lux et de l’Europe, en tant que pôle économique.Luc Frieden (21 mai 2013)The European est un magazine d’opinion. Il publie des articles d’auteurs spécialisés en politique, économique et sciences sociales, qui lancent les débats de fond. Le magazine propose des commentaires, chroniques et entretiens passionnants, actualisés chaque semaine pour la version en ligne et tous les trimestres pour la version imprimée

LES IMPÔTS ? SANS NOUS !

Lorsque les grandes entreprises soustraient leurs revenus au fisc, l’État allemand perd des milliards. Un inspecteur des impôts explique les pratiques d’évasion fiscale.A l’heure actuelle, les paradis fiscaux abritent entre 20 et 30 billions de dollars d’actifs financiers. Ce manque à gagner pour le fisc conduit certains États au bord de la faillite. Même en Allemagne, des milliards de bénéfices échappent au fisc. Frank Wehrheim a enquêté pendant près de 30 ans pour les services fiscaux du Land de Hesse. Au milieu des années 1990, il a élucidé une des plus grandes affaires d’évasion fiscale de l’histoire allemande. Pour ARTE Magazin, il évoque les trésors d’inventivité déployés par les entreprises pour contourner l’impôt.Propos recueillis (en allemand) par Sabine Klüber pour ARTE Magazin


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