Loi pour la transition énergétique : présentation en Conseil des ministres et prochaines étapes

Publié le 30 juillet 2014 par Arnaudgossement

Ségolène Royal présente, ce mercredi 30 juillet, le "projet de loi de programmation pour la transition énergétique pour la croissance verte". Le dossier de presse diffusé lors de ce point presse peut être téléchargé ici.Tour d'horizon des dernières informations disponibles.


Les derniers ajustements du projet de loi

Le texte qui sera présenté en Conseil des ministres ce 30 juillet 2014 diffère peu de celui qui a fait l'objet d'une communication en conseil des ministres le 18 juin 2014. Lors d'un point presse restreint avec des journalistes ce mardi 29 juillet, la ministre a pu faire le point sur les modifications du texte, réalisées avant sa présentation en Conseil des ministres.

Le dossier de presse diffusé lors de ce point presse peut être téléchargé ici. Un dossier de presse plus étoffé sera diffusé après présentation du texte en Conseil des ministres, ce mercredi matin.

Pour l'essentiel, le projet de loi (le texte présenté en Conseil des ministres) se distingue de l'avant-projet de loi (avant avis du Conseil national de la transition écologique, du Conseil économique, social et environnemental, du Conseil d'Etat) sur les objectifs. On notera que l'objectif "facteur 4" , soit la division par 4 de nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 est réintégré dans le texte.

La note jointe au dossier de presse précise que le projet de loi tient compte des avis exprimés :

"I ) Suite à l'avis du Conseil National de la Transition Écologique, le projet de loi a évolué pour :

- Élargir le déploiement des véhicules électriques a tous les véhicules propres dans le pare automobile de l’État et de ses établissements publics.
- Ajouter un objectif intermédiaire d’efficacité énergétique UE en 2030, pour compléter l'objectif de réduction par deux de la consommation d'énergie en 2050.
"2) Suite a l'avis du Conseil économique, social et environnemental, le projet de loi a évolué pour :

- Compléter l'objectif de réduction de 40% des émissions de gaz a effet de serre en 2030, par la division par 4 des émissions en 2050 : le "facteur 4 »;
- Ajouter des objectifs de lutte contre la précarité énergétique dans les premiers articles du code de l’énergie.
3) Suite a l'avis du Conseil National  de l'Industrie et aux rencontres avec les filières économiques, le projet de loi a été renforcé pour :
- Pour que les enjeux de compétitivité  de l'économie soient bien présents dans le texte : dans les objectifs généraux (« maintient un prix de l'énergie compétitif »), ainsi que dans tous les outils de programmation  : programmation pluriannuelle de l'énergie et stratégie bas-carbone ;
- Pour montrer que la mobilisation de toutes les filiéres industrielles est nécessaire pour réussir la transition  énergétique"

Par ailleurs, le dossier de presse diffusé ce 29 juillet précise - élément important - que le Conseil d'Etat aurait "validé" (le terme est peu pertinent) :

1. L'emploi des termes "croissance verte". Rappelons toutefois que la loi "Grenelle 1" avait consacré les termes "croissance durable".

2. La constitutionnalité du dispositif de pilotage du mix énergétique et notamment le mécanisme de plafonnement du nucléaire

Une loi de continuité

Ce projet de loi n'opère pas une rupture mais s'inscrit plutôt dans la continuité d'une politique de l'énergie qui se développe depuis 2005. Pour l'essentiel - ce qui ne constitue pas un défaut mais plutôt une qualité - ce projet de loi apporte des modifications aux textes votés au lendemain du Grenelle de l'environnement.

Ainsi, parmi d'autres exemples, si l'objectif de cette loi de transition énergétique est la "croissance verte", celui de la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 faisait état de celui de "croissance durable".

De même, le projet de loi comporterait un objectif intermédiaire d'efficacité énergétique en 2030 qui serait la reprise de celui inscrit à l'article 3 de la loi "POPE" du 3 juillet 2005 : "Le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d'énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030."

Une loi parmi d'autres lois

Il convient de souligner que ce projet de loi sera discuté au Parlement, en même temps que d'autres textes qui auront également une incidence - positive ou négative - pour la transition énergétique. Ces débats parlementaires pourront avoir une incidence les uns sur les autres. Il faut donc analyser la loi transition énergétique dans un contexte législatif marqué par d'autres textes.

- le projet de loi de finances pour 2014 : le débat sur la fiscalité de l'énergie qui aura lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rejaillira sur le débat propre à la loi sur la transition énergétique.

- le projet de loi sur la biodiversité : la biodiversité joue un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique. Un lien entre les deux projets de lois serait précieux.

- le projet de loi sur le code minier : le projet de loi pour la transition énergétique traite assez peu d'hydrocarbures. Le débat sur le code minier à compter du mois d'octobre pourrait relancer les échanges sur les hydrocarbures de schiste

- le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République : le débat sur la réforme territoriale reprendra à la rentrée avec l'examen de ce texte consacré aux nouvelles compétences des Régions. Les articles 5 à 78 de ce projet de loi sont relatifs aux compétences régionales en matière d'environnement et notamment en matière d'énergie.

L'Assemblée nationale organise ses discussions.

Les députés sont finalement tombés d'accord, après prés d'un an de discussion, pour que soit créée une "commission spéciale". Très concrètement, cela signifie que des députés membres de la commission des affaires économiques rejoindront des députés membres de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Le président de la Commission spéciale sera François Brottes, par ailleurs président de la Commission des affaires économiques. En contrepartie, trois des cinq rapporteurs du projet de loi seront issus de la Commission du développement durable.

- La députée rapporteure pour les dispositions relatives aux objectifs du projet de loi sera Mme Erika Bareigts, membre PS de la Commission des affaires économiques.

- La députée rapporteure des titres relatifs aux bâtiments et à l'économie circulaire sera Mme Sabine Buis, membre de la Commission du développement durable.

- Le député rapporteur des dispositions sur les transports et sur le nucléaire sera M. Philippe Plisson, membre de la Commission du développement durable.

- Le député rapporteur des dispositions relatives à la gouvernance et à la planification sera M Denis Baupin, membre de la Commission du développement durable.

- La députée rapporteure des dispositions relatives aux énergies renouvelables et à l'hydroélectricité sera Mme Marie-Noëlle Battistel, membre de la Commission des affaires économiques.

4 députés socialistes et 1 député écologiste. Tous investis sur les questions d'énergie et de développement durable.

La mise en place de cette Commission spéciale est une bonne nouvelle. La rédaction du projet de loi souffre en effet d'une élaboration en tuyau d'orgues. La Commission spéciale peut permettre d'élargir le champ d'application de la loi et de relier le thème de l'énergie avec d'autres questions.

Les points positifs / les points négatifs

Il est toujours délicat de lister les points positifs et négatifs d'un texte. Tout dépend bien sûr du point d'observation.

Au titre des points positifs : un équilibre général susceptible de permettre un consensus assez large, des objectifs assez ambitieux, la mobilisation des collectivités territoriales, la confirmation des dispositifs de tiers financement ou de financement participatif.

Au titre des points négatifs : un texte assez carbo-centré et "électro-centré", une décentralisation énergétique à mi-chemin, un déficit de mesures de simplification pour les énergies renouvelables et de dispositions pour modifier la gouvernance des politiques énergétiques, une logique "bas vers le haut".

Ce projet de loi démontre l'une des limites de l'élaboration des lois à la française. Il serait temps de s'inspirer des méthodes législatives de l'Union européenne et de privilégier la présentation de "paquets législatifs", ce qui aurait permis au Parlement de discuter des mesures réglementaires mais aussi fiscales relatives à la transition énergétique. De même, il serait précieux que le Parlement dispose des projets de "stratégie nationale bas carbone" et de "programmation pluriannuelle", lors de ses travaux sur le projet de loi.

Les principaux sujets de discussion à venir

Certaines dispositions du projet de loi donneront sans doute lieu à des débats encore plus passionnés que d'autres.

- la fiscalité écologique : certes, ce projet de loi n'a pas vocation à accueillir des mesures fiscales. Mais il sera discuté parallèlement au projet de loi de finances pour 2014. Les deux débats vont inévitablement se télescoper. Redisons-le, la discussion d'un "paquet législatif" aurait été préférable.

- le service public régional de l'efficacité énergétique : rendre accessible le conseil, regrouper les sources de financement, mieux coordonner l'effort de rénovation énergétique... voici certains des motifs qui militent pour donner un vrai contenu à la notion de "Région chef de file de la politique énergétique". Pour l'instant le projet de loi ne comprend toujours pas de disposition à ce sujet.

- le chèque énergie : appelé à remplacer les tarifs sociaux de l'électricité récemment créés, sa mise en place pourrait s'avérer compliquée. De plus, le projet de loi pourrait permettre à ce chèque de financer des dépenses d'énergies fossiles ce qui apparaît assez contraire à la transition énergétique.

- le tiers financement : ses partisans souhaitent que les sociétés en charge de ce dispositif soient dispensées d'agrément bancaire.

- les énergies renouvelables : le texte comporte surtout des mesures de "contrôle" et très peu de mesures d'encouragement (à l'exception du financement participatif et de mesures de simplification pour les énergies marines renouvelables).

- le nucléaire : le dispositif mis en place de plafonnement de la capacité installée suscite la controverse.

- la voiture électrique : le titre Transports du projet de loi est, pour l'essentiel, consacré à la voiture électrique. Outre le fait qu'une politique des transports ne peut se réduire à cette question, la voiture électrique ne fait pas l'unanimité parmi les écologistes.

- l'économie circulaire : certains représentants des entreprises n'étaient pas favorables à l'inscription de ce concept dans la loi. Le projet de loi le réduit à la police des déchets, aussi importante soit cette dernière.

A lire et à relire : la première note de La Fabrique Ecologique

Arnaud Gossement 

SELARL Gossement avocats