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Qui peut engager une société : de la nécessaire vérification des pouvoirs de représentation dans les relations commerciales

Publié le 29 juillet 2014 par Gerardhaas

contrat jurilexblogA propos de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 3 juin 2014 (n°13-16767)

Le comptable d’une société signe, au nom de celle-ci, des contrats avec un fournisseur et passe alors une commande. Le lendemain, le comptable adresse au fournisseur les autorisations de prélèvement bancaire signées par la directrice générale de la société. Dix jours plus tard, la société informe le fournisseur de ce que le comptable ne disposait pas du pouvoir de l’engager, et sollicite ensuite l’annulation des contrats conclus. La Cour d’appel de Paris fait droit à sa demande et l’affaire arrive devant la Cour de cassation.

La signature de prélèvements vaut-elle ratification d’un contrat conclu en son nom et vaut-elle ainsi acceptation tacite du mandat ?

La Cour de cassation considère que tel n’est pas le cas, et que le fournisseur aurait dû vérifier les pouvoirs de représentation du comptable, des autorisations de prélèvement ne valant pas signature des contrats. Les contrats sont annulés et les fournisseurs condamnés au paiement de 15 000 euros de dommages et intérêts à la société.

La Cour, en se fondant sur l’article 1998 du Code civil, considère que la signature des prélèvements ne vaut pas ratification expresse ou tacite du contrat signé par le comptable, et n’engage donc pas la société à exécuter ce contrat. La société n’a pas reconnu la qualité de mandataire au comptable, et la signature des prélèvements ne vaut pas acceptation tacite du mandat. Cependant selon l’article 1985 du code civil, l’acceptation du mandat peut n’être que tacite et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire. Mais ne pourrait-on pas considérer que l’autorisation de prélèvement vaut exécution par le mandataire? La Cour a dans cette décision une conception stricte de l’acceptation du mandat et de la ratification du contrat conclu par celui-ci. Cette décision est ainsi protectrice du mandataire, afin que ce dernier ne soit pas engagé par un acte auquel il n’a pas réellement consenti.

Par ailleurs cette décision est stricte car elle impose à l’autre société contractante, ici le fournisseur, de vérifier le pouvoir de représentation de la société par la personne qui signe le contrat en son nom. La théorie du mandat apparent se trouve rejetée par la Cour de cassation.

En effet, selon cette théorie, un mandant est engagé par les actes d’une personne qui apparait légitimement dotée des pouvoirs suffisants au regard du tiers contractant. Les juges se fondent sur l’existence d’une croyance légitime du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire ce qui suppose que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ». (Jurisprudence constante depuis : Cour de Cassation, Ass. Pl., arrêt du 13 décembre 1962).

Limites du mandat apparent :

Les tribunaux apprécient la croyance légitime en fonction d’un faisceau d’indices parmi lesquels: la nature du contrat, le caractère singulier et durable des relations antérieures, les conditions de l’établissement de l’acte en question, l’attitude du mandant et la personnalité du tiers qui a contracté. Ces indices n’étaient pas caractérisés en l’espèce. La règle du mandat apparent a donc des limites, car chacun des cocontractants a une obligation de renseignement, qui est renforcée si le cocontractant est un professionnel, ce qui était le cas dans cette affaire. Cette décision se situe dans le sillage de la jurisprudence en la matière, qui a déjà pu considérer qu’un directeur technique signant un contrat au nom de la société qui l’emploie n’est pas nécessairement pourvu d’un « mandat apparent » par le seul fait de sa fonction, le tiers contractant n’est donc pas dispensé de vérifier l’étendue des pouvoirs de ce directeur technique (Cass. ch. com. 6 novembre 2012, 11-23424).

Par conséquent, il convient, avant de contracter, de vérifier l’exacte étendue des pouvoirs de son cocontractant, au risque de se voir condamner au paiement de dommages et intérêts pour manquement au principe de loyauté qui doit prédominer dans les relations commerciales.

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que le respect du principe de loyauté dans les relations commerciales n’est pas seulement théorique, et qu’un manquement à ce principe est très vite arrivé, ce qui n’est pas sans conséquence pécuniaire pour une société. La prudence est donc de mise.

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