Propos recueillis par Pierre Le Hir
Nicolas Hulot, lors d'un déplacement en Bretagne en 2011. | AFP/CYRIL FOLLIOT
« Les objectifs sont bons, mais les moyens ne sont pas à la hauteur. » C'est le jugement que porte l'écologiste Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme et « envoyé spécial pour la protection de laplanète » de François Hollande, sur le projet de loi de programmation de la transition énergétique pour la croissance verte.
Ce texte, présenté par la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, en conseil des ministres mercredi 30 juillet, doit être débattu à l'Assemblée nationale à partir du 1er octobre.Cette loi fait-elle entrer la France dans une vraie transition énergétique ?
Nicolas Hulot : Elle va indéniablement dans le bon sens, mais les conditions de sa réussite ne sont pour l'instant pas toutes remplies. Après avoir comparé la version initiale du texte, tel qu'il avait été présenté le 18 juin par la ministre, et sa version définitive, nous [la Fondation Nicolas Hulot] sommes toujours dans un état d'esprit positif mais très exigeant.La transition énergétique peut être un outil majeur de sortie de crise pour le pays, avec à la clé la création de centaines de milliers d'emplois. C'est une occasion à la fois sociale, économique et écologique qu'il ne faut pas rater. Mais, si les moyens ne sont pas à la hauteur de l'ambition, au lieu de réussir une transition énergétique digne de ce nom, on risque d'en rester au stade de l'injonction.Nous sommes à la fois enthousiastes et extrêmement prudents. Il y aura un travail d'amendements très important à mener, et nous allons demander aux parlementaires, de tous bords, de tirer le texte vers le haut et non vers le bas.
Quels sont les moyens qui, à vos yeux, font défaut ?
Les financements nécessaires à la transition énergétique sont estimés à 20 milliards d'euros par an. Mme Royal annonce 10 milliards sur trois ans. On est loin du compte. Il manque des outils de financement essentiels pour atteindre les objectifs affichés dans la loi, qu'il s'agisse de la rénovation des bâtiments anciens ou des transports durables. Il faut un Plan Marshall pour la transition énergétique.Nous proposons trois instruments. D'abord, la mise en place d'une vraie fiscalité écologique, qui se substitue à d'autres prélèvements obligatoires, afin de ne pasalourdir la pression fiscale. Au niveau mondial, les énergies fossiles reçoivent entre 650 et 1 000 milliards d'euros de subventions par an. Si l'on en affectait seulement 10 % à la transition énergétique, ce serait déjà un grand pas. En France, les subventions préjudiciables à l'environnement ne manquent pas et il faut s'engager dans cette voie.Ensuite, pourquoi ne pas injecter des fonds publics dans la transition énergétique, à travers des banques publiques d'investissement ? Cela permettrait de réduire la facture énergétique qui grève notre balance commerciale. Enfin, nous demandons l'intégration dans la loi de la possibilité d'expérimentation du tiers financement pour la rénovation des bâtiments pour une durée de cinq à dix ans.
Sur le nucléaire, la loi prévoit de plafonner la puissance du parc à son niveau actuel (63,2 gigawatts). On est loin d'une sortie de l'atome…
Il y a, sur le nucléaire, une ambiguïté qu'il faut lever. Comment diviser par deux notre consommation d'énergie et développer les renouvelables, comme le prévoit la loi, tout en conservant la même capacité de production nucléaire ? Je ne comprends pas. Il faut être logique : les économies d'énergie et la montée des renouvelables dans le bouquet électrique doivent faire baisser la part du nucléaire. Sur ce point, le gouvernement doit préciser ses intentions. La transition énergétique a besoin d'une vision d'ensemble cohérente.
- Pierre Le Hir
Journaliste au Monde