Il y a quelque chose de curieux dans le débat qu’a suscité
le rapport du club de Rome, les limites à la croissance. Il était écrit par un
des grands noms de la révolution technologique et scientifique d’après guerre. Or,
il n’a pas suscité de débat scientifique. On lui a répondu : éliminer la
pauvreté requiert de la croissance ; la créativité de l’homme le tirera de
tous les mauvais pas.
Ce qui est singulièrement idiot. En effet, si l’homme n’avait
pas survécu, il ne serait pas là pour parler. Ce n’est pas une preuve qu’il est
indestructible. D’ailleurs, il a subi quelques cataclysmes (guerres mondiales, épidémies…)
qu’il serait peut-être bien d’éviter à l’avenir. Quant à la pauvreté, cela
signifie qu’il vaut mieux être riche que vivant… Mais surtout, le rapport
explique que le monde épuise ses ressources à courir après une utopie (la
croissance matérielle). Ce faisant, il n’a plus les moyens de traiter l’essentiel,
le bonheur de l’homme. La croissance crée la pauvreté !
Tout ceci signifie quelque chose d'étrange. L'argumentation contre le rapport n'en n'est pas une. Elle ne fait qu'exprimer qu'il est inconcevable que l'on en en arrive aux conclusions du rapport. Et tout cela vient des gens qui sont supposés être les plus intelligents au monde !
N'est-ce pas étrange que notre élite soit incapable de
penser ? Non. Le Français est convaincu qu'il est dirigé par des crétins, malhonnêtes de surcroît. Vous ne faites que me confirmer que j'ai raison de me désintéresser de la chose publique, me dira-t-il.
Et il a tort. Car ces gens jouent avec le sort de ses
enfants. C’est pourquoi il doit s’emparer des questions critiques
pour sa survie. Questions, et pas réponses. Car, modèle du marché de droite, postmodernisme de gauche ou
retour à la France éternelle du FN, ça ne marche pas. Il faut inventer la voie d’un
développement durable. C’est cela la politique, au sens original des Grecs :
le peuple concevant son avenir.