Dormez tranquilles braves gens, on s'occupe de la présidentielle de 2017 ! On ? La presse bien entendu, ou du moins une partie d'entre elle, qui s'ennuie l'été. Il faut dire qu'en ce moment il ne se passe pas grand-chose dans le monde. La Palestine ? L'Irak ? L'Ukraine ? La pauvreté qui s'accroit en France ? On vous en a déjà parlé toute l'année, pas besoin de vous ennuyer avec ça pendant les vacances.
C'est ainsi que l'hebdomadaire Marianne (pourtant pas le pire des canards au demeurant) a décidé de commanditer un sondage pour savoir ce que les Français voteraient à la prochaine présidentielle. Idée débile en soi, mais qui fut repris par tous les autres journaux et médias ou presque. Quand on vous dit que l'été il ne se passe rien...
Débile ? Mais pourquoi ? Déjà dans le choix des candidats testés. Marianne a donc décidé qu'à droite seul Nicolas Sarkozy ferait office de candidat. Pourquoi ? on ne sait pas. Visiblement pour Marianne, Alain Juppé et François Fillon ne sont pas dignes d'intérêt. A moins qu'a contrario, Nicolas Sarkozy soit lui le candidat idéal, le seul en mesure de qualifier la droite pour le second tour. Un pur bonheur pour Marianne qui grâce à l'ancien président a fait ses meilleures unes.
Par contre, à gauche il y a bien plusieurs candidats socialistes testés. Pourtant, à ma connaissance, ni Arnaud Montebourg ni Manuel Valls ne se sont déclarés potentiellement intéressés par la magistrature suprême (même si on se doute qu'ils y pensent en se rasant). Et pourquoi ne pas tester Martine Aubry ? Pas assez sous les feux de l'actualité ? Et Ségolène Royal ? Sans oublier quand même le président actuel s'appelle François Hollande et qu'à ce simple titre il apparaîtrait légitime qu'il représente une fois de plus son camp.
Choix des candidats contestables donc, mais aussi et surtout le timing ! Faire un sondage trois ans avant l'élection quelle valeur cela peut-il bien avoir ?Je propose que l'on commence déjà à s'interresser à celle de 2022, pour gagner du temps. Franchement, en plein mois de juillet, les Français ont plutôt la tête à leurs vacances, pour ceux qui en prennent, plutôt qu'à une élection si loin dans le temps et si éloignée de leurs préoccupations.
Sans compter que jamais aucune enquête sondagière effectuée si loin du scrutin n'a jamais donné le nom du futur vainqueur. Quelques rappels pour mémoire :
- En 1980, jusqu'en avril, Michel Rocard est considéré comme le meilleur candidat pour la gauche et Valéry Giscard d'Estaing est censé l'emporter avec presque 10 points d'avances jusqu'à la fin de l'année. C'est François Mitterrand qui gagnera.
- Tout au long de l'année 1987, c'est Raymond Barre qui apparait comme le meilleur candidat de la droite. Il ne sera pas au second tour et François Mitterrand sera réélu haut la main.
- A 6 mois du scrutin de 1995, Jacques Delors est donné comme le grand favori. Il ne sera pas candidat.
- En 2002, jusqu'au bout les sondages donneront Jacques Chirac et Lionel Jospin au second tour. Le socialiste ayant même la faveur des pronostics pour la victoire finale. Il ne sera pas au second tour.
- En 2004, soit 3 ans avant la présidentielle, qui a seulement pensé une seconde que Ségolène Royal pourrait être la candidate du parti socialiste ?
- Enfin, est-il utile de rappeler que jusqu'au 14 mai 2011, il ne faisait de doute pour personne que Dominique Strauss-Kahn battrait largement Nicolas Sarkozy ?
Mais alors pourquoi faire aujourd'hui un sondage sur un scrutin qui aura lieu dans 3 ans ? Tout simplement parce qu'au vu du contexte politique actuel, avec un pouvoir impopulaire, avec une droite discréditée, avec un Front National qui vient de remporter les élections européennes haut la main, il est évident que n'importe quelle enquête sondagière mettra Marine Le Pen en tête. Or, c'est un secret de polichinelle, toute une sur Marine le Pen, comme sur Nicolas Sarkozy d'ailleurs, cela fait vendre. Écrire donc que la fille de Jean-Marie et le mari de Carla Bruni seront tous les deux au second tour de la prochaine élection, c'est être sûr de faire le buzz et de vendre du papier. Or, Marianne est dans une situation financière compliquée et a besoin aà tout prix de relancer ses ventes. Peu importe que dans le même temps on participe un peu plus à légitimer le FN et l'ancien président qui a priori devrait plus être devant un tribunal que devant les électeurs. Oui, peu importe, cela permettra ensuite à Marianne de faire de belles unes pour s'insurger.