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L’ombre de Hiroshima

Par Vertuchou

L’ombre d’un homme est tapie sur les marches :
elle est gravée dans la pierre, — à tout jamais.
Elle fut inscrite là par le maître atome !
Ainsi qu’un chien hurle à la mort
ainsi le souvenir aboie entre les murs,
hurle vers une tour noire, triste et brûlée…

L’homme est mort mais l’ombre crie :
« où donc est celui-ci que je fus ? Qui l’a tué ? »
Les ruines font silence. Un fil de fer s’accroche
à un cerisier qui honore ses fleurs.
Le printemps, jambes brisées,
hors des gravats veut s’élancer.

Hiroshima ! Oh ! beaux seins de femmes, brûlés
au cœur des flammes, saignants !
Tes enfants sont orphelins…
L’ombre crie : « Où sont-ils, qui furent sans pitié ?
où sont-ils, qui descendirent avec des torches aveuglantes,
et détruisirent berceaux, lèvres, proches et parents ? »

Hiroshima ! L’ombre d’un homme est tapie
sur une roche. À tout jamais, gravée dans la pierre !
La feuille pousse, ensuite tombe de l’arbre ;
L’ombre, seule, ne peut se détacher.
Elle demeure. Elle ne s’accoutume pas à cette absence
d’homme, parmi les ruines informes…

« Es-tu mon homme ? » — demande-t-elle
à tous ceux qui passent auprès d’elle,
et tous de répondre, assombris :
« non ! non ! ce n’est pas moi, pauvre ombre… »
Et l’ombre contemple, contemple toujours,
ceux qui passent auprès d’elle…

Et passent les passants, avec leur ombre,
l’un vite, l’autre lentement.
L’ombre, seule, demeure, n’a aucune hâte.
Voyez ! Elle n’a pas d’homme qui l’emmène au travail…
Puis, de tous ces vivants, aucun, sous le soleil,
ne passe sans une ombre !

L’ombre demeure au poste, sentinelle.
Elle veille, à tout jamais,
afin que ne revienne pas ce qui a été,
afin que plus jamais ne s’abatte l’orage,
afin que la flamme nucléaire ne consume pas
le printemps de l’humanité.

Mihai Beniuc


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