Je retire la couverture.
Je pose délicatement mes pieds nus sur le sol froid.
Je me lève.
Je me dirige vers la porte de ma chambre qui donne sur le couloir.
J'ouvre la porte.
Dans le noir, je trouve très rapidement l'interrupteur pour allumer la lumière.
- Joséphine ?
Je vois ma soeur, vêtue de son manteau avec un sac de voyage, accompagnée de Samuel. Mes yeux encore éblouis par la lumière et empâtés du sommeil, s'ouvrent rapidement.
- Chut ! Théo. Chut ! Tu vas réveiller maman !
- Mais qu'est-ce que vous faites ?
- Chut ! Ecoute. Je pars avec Samuel. Je vais à Bronges.
- Quoi ?
- Je vais à Bronges. Chut ! Tu vas réveiller maman !
- Mais qu'est-ce que...
- Je pars. Je pars vivre là-bas... avec Samuel...
- Mais maman...
- Ecoute. J'ai écris une lettre pour maman. Elle est dans ma chambre. Je lui explique tout. S'il te plait ne dis rien. Tu ne nous a pas vu cette nuit. S'il te plaît Théo... tu ne nous as pas vu...
- Mais Joséphine...
- Je suis adulte maintenant. Je veux vivre avec Samuel...
- Joséphine...
- Je suis calme, Théo. Elle comprendra. Vas te coucher. Je vous appelle demain.
Je reste sans voix.
Je les vois partir. Ils ouvrent la porte et la referment derrière eux. Courant vers leur destin.
Je retourne discrètement dans mon lit. Coupable de m'être réveillé et d'avoir assisté à ce départ.
Sous ma grosse couette, je tente de retrouver le sommeil. Je tente de me persuader que je ne me suis jamais levé et que je n'ai jamais assisté à cette scène.
Difficilement. Je trouve le sommeil une heure plus tard.
Le lendemain matin, lorsque je me lève, j'entends du bruit dans la cuisine. Ma mère est en train de préparer le petit-déjeuner pour nous quatre.
Encore étourdi par le profond sommeil, je me demande si la scène que j'ai vécu cette nuit était vraiment réelle.
Très vite je me rend compte que oui.
Le départ de Joséphine est réel.
Comment ma mère va-t-elle prendre cette nouvelle épreuve ?
Je me lève et la retrouve dans la cuisine comme à mon habitude. Faisant mine que rien ne s'était passé cette nuit.
J'ai promis à Joséphine de ne pas en parler.
Il est 9h30.
- Bonjour mon ange. Tu as bien dormi ?
Je m'assied à table avec elle et commence à prendre mon petit-déjeuner, concentré à oublier la scène de cette nuit. Redoutant le moment où ma mère va s'apercevoir que Joséphine n'est plus là. Et ce, définitivement.
10h00. Ma mère commence à faire un peu de rangement dans l'appartement.
11h00. Elle se dirige vers la porte de la chambre de ma soeur. Elle colle son oreille tout contre. Quelques secondes.
- Ils dorment bien les deux. (Silence.) Théo, je vais prendre ma douche. S'ils se réveillent dis leur que je leur ai gardé du café pour le petit déjeuner.
Je n'ai pas eu le courage de lui répondre. Juste un hochement de la tête pour dire oui.
11h30. Ma mère sort de la salle de bain. Elle entre dans le salon où je suis assis devant le téléviseur.
- Théo, ils ne sont pas levés ?
- Non. Va toquer à la porte, maman. Il est 11h30 déjà.
- Non. Je n'ose pas les déranger. (un temps.) Tu vas prendre ta douche ?
- Oui.
Je vais dans la salle de bain. Sous la douche, j'espère de tout mon coeur que ce moment de doute aura pris fin quand je sortirai, et qu'elle aura ouvert la porte pour savoir.
12h00. Lorsque je sors de la salle de bain, je vois ma mère assise dans le salon en train de lire des dossiers pour son travail à l'agence. Elle a mis de la musique mais pas trop fort. Phil Collins chante de sa voix métallique.
- Ils dorment bien...
Je n'ose pas lui dire la vérité. Pourtant je vois qu'elle est inquiète mais qu'elle est loin d'imaginer la réalité.
- Je vais jouer dans ma chambre maman.
- D'accord.
Quelques minutes plus tard, j'entends la musique un peu plus fort. Ma mère à augmenter le volume dans l'espoir de les réveiller.
12h35. Je sors de ma chambre. Ma mère est dans la cuisine en train de préparer le déjeuner.
- Maman. Ils ne sont toujours pas levés ?
- Non. Je ne comprends pas. Je m'inquiète un peu. Je n'ose pas non plus les déranger... Tu sais...
- Tu as toqué à la porte ?
- Oui, une ou deux fois mais je pense qu'ils n'ont pas entendu.
Je décide alors d'accélérer les choses pour en finir une bonne fois pour toute. Je fais mine de ne pas savoir et vais à la porte de la chambre de ma soeur. Je toque. Puis une deuxième fois plus fort. J'entre. Je vois le lit vide. Sans surprise. Essayant malgré tout de l'être. Puis je vois l'enveloppe posée sur le bureau sur laquelle il y a écrit "maman".
Je retourne à la cuisine. Pâle.
- Maman. Ils n'y a plus personne. Il y a une lettre.
- Quoi ?
Elle se précipite aussitôt dans la chambre. Elle reste un instant, fixant le lit vide. Puis elle saisit lentement la lettre posée sur le bureau. Elle voit l'écriture de Joséphine : "Maman".
Elle retourne la lettre.
La décachète.
Sort la lettre
la déplie.
Elle lit.
(A suivre)