C’est en fanfare que la Banque Publique d’Investissement fut créée fin 2012. Le même orchestre tintinnabulant fut de sortie lorsqu’enfin, à la joie de tous, Ségolène Royale la rejoignit quelques mois plus tard comme vice-présidente. On avait pu profiter d’un maximum de raffut musical et joyeux lorsque la Dame du Poitou s’était fritée avec son président. Mais c’est sans flonflon qu’on apprend maintenant que l’institution publique de dispersion rapide d’argent gratuit n’a pas obtenu les résultats escomptés dans Altia qui échoue mollement sur le banc de sable du redressement judiciaire.
En effet, le premier août, le tribunal de commerce de Paris a placé presque tout le groupe Altia en redressement judiciaire, suite, notamment, au dépôt de bilan de sa plus célèbre filiale, Caddie, à la fin juin. On se souvient que sa Grande Frétillance, Arnaud Montebourg, avait pourtant fait de cette dernière le symbole à roulette de sa politique de « Redressement Productif », ce qui avait d’ailleurs entraîné de gros investissements de la part de BPIFrance dans Altia, la maison-mère. Et malgré cet investissement politique retentissant, qui aura provoqué un investissement financier aussi bruyant, c’est donc sur un constat d’échec cuisant que se referme le douloureux dossier Altia.
Pourtant, la mission de BPIFrance était claire : cramer un maximum de pognon pour éviter ce genre de faillites retentissantes. Oh, certes, ce n’est pas dit comme ça, mais, comme l’indique la mission officielle, plutôt ainsi :
Bpifrance […] agit en appui des politiques publiques conduites par l’État et les Régions, (…) finance également le développement de l’économie sociale et solidaire ainsi que l’innovation sociale.
Et quoi de mieux qu’appuyer des politiques publiques en finançant l’innovation sociale (quoi que cela puisse être) et l’économie sociale & solidaire (dont la définition restera habilement floue) ? Partant de là, BPIFrance, ne reculant devant aucune solidarité avec votre argent, s’est donc efforcé de soutenir Altia qui enquillait les déboires depuis 2005 et passait son temps à restructurer sa dette : cinq gentils millions d’euros dans l’histoire furent donc investis en 2011 par le FSI (l’ancêtre de BPI), afin de sortir l’entreprise de l’ornière. Le rachat de Caddie, pour cinq nouveau millions, mi-2012, devait là encore donner le petit coup de fouet nécessaire dont toute entreprise a besoin après une soirée arrosée. Ou deux. Ou dix.
Apparemment, ces petits investissements n’ont pas été très judicieux, ou, pour le dire gentiment, disons que les « due diligences » de la BPI furent probablement un peu légers : il apparaît vite que la modernisation de l’outil industriel de Caddie n’est pas possible, et que de son côté, Altia n’a pas les moyens de s’adapter au resserrement drastique de son carnet de commande. Il vend son pôle d’emboutissage à un fonds américain, ce qui déclenche évidemment la panique de toutes les parties prenantes, à commencer par Bercy, Montebourg en tête, et qui s’emploient donc à bloquer la cession (parce que si c’est bel et bien un merdier financier, c’est notre merdier financier, je suppose, ce qui impose qu’on ne le laisse pas tomber dans des mains étrangères). Les créances courant, l’argent venant, une fois de plus, à manquer, tout ce petit monde se retrouve devant le tribunal de commerce. Comme il faut payer les salaires, la BPI avance encore quelques millions. Un peu plus, un peu moins, on n’est plus à ça près, ne chipotons pas quand le contribuable régale.
La suite, faisant intervenir directement la BPI dans le conseil d’administration de la société, et Montebourg, pour la partie media-entertainment, heurte moelleusement le grotesque de façon d’autant plus amusante que tout ça, c’est encore une fois avec l’argent des autres. Sauf que, petit à petit, apparaît l’opacité de la gestion interne d’Altia, dans laquelle les dettes se sont accumulées et qui n’ont manifestement pas fait l’objet de toute l’attention nécessaire lors de ses différentes recapitalisations et injections de fonds par BPIfrance. Le passif serait tout de même de plus de 500 millions d’euros, ce qui commence à faire, dont 20% serait à charge des créanciers publics. De toute façon, pour BPIFrance, sur les 18 millions déjà engagés, 10 millions semblent déjà perdus. L’intervention de l’État, dans la précipitation, les petits moulinets de bras et les grands mouvements de menton d’un Montebourg remonté comme un teckel cocaïnomane, n’auront donc pas suffi à sauver la belle entreprise. Zut alors.
Pourtant, il y avait des signes avant-coureurs, notamment du côté de la BPI.
En effet, les errements du fonds public ne sont pas nouveaux, au point que GénérationLibre s’est récemment fendue d’un rapport mettant justement en exergue les investissements régulièrement hasardeux qu’il a entrepris ces dernières années.
Ces investissements hardis ne sont pas nouveaux. Je notais, il y a quelques temps déjà, les performances médiocres des fonds publics d’investissement, et je ne peux m’empêcher de remarquer qu’une structure qui a dû se cogner Ségolène Royal comme vice-présidente pour des raisons strictement politique ne pouvait pas intervenir dans des dossiers à la fois sensibles et médiatiques sans se prendre, une fois de temps en temps, les pieds dans le tapis, au point de terminer par une fort jolie gamelle émaillée quenottes en avant.
Mais voilà : un organisme public, par définition, n’investit pas l’argent comme une banque. Son objectif n’est pas, contrairement au père de famille, de faire un profit ou d’investir sagement l’argent pour une future pension bien méritée. Là où l’investisseur familial regardera à deux fois avant de mettre ses billes dans une affaire, et épluchera autant que possible tous les documents qui lui seront fournis, l’investisseur public, lui, sait qu’il a le solide trampoline fiscal de l’État pour rebondir en cas de problème, ce qui lui donne une sacré marge de manœuvre. Et puis, pour la puissance publique et nos politiciens moyens, un fonds d’investissement richement doté, c’est un peu comme un lance-flamme fraîchement rechargé en essence, auquel il est extrêmement difficile de résister. Rien ne ressemble plus à une expérience pyrotechnique amusante que ce genre d’opérations qui aura le bon goût, ensuite, de fournir de nouveaux faits d’armes flamboyants dans une carrière politique, pardi !
Dès lors, l’échec retentissant n’est pas une possibilité. C’est une certitude qui sera d’autant plus rapide à advenir que la classe politique jacassante sera intervenue lourdement autour. Et de la même façon qu’Heuliez clabota misérablement par les bons soins de Royal, Altia prend la même direction sous les auspices de Montebourg. Le plus inquiétant dans cette histoire, c’est qu’en définitive, Montebourg dirige actuellement le plus gros fonds public du pays … Bercy.
Je n’aime pas très très beaucoup ça.
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