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Pourquoi Hollande ne change pas d'avis

Publié le 18 août 2014 par Juan
Pourquoi Hollande ne change pas d'avis

Pour certains, c'est une énigme. On ne voit pas bien comment une simple exonération massive de cotisations sociales, assortie d'un large plan d'économies budgétaires, pourrait un tant soit peu améliorer la situation économique bloquée dans laquelle se trouve le pays. L'Europe est en panne, la France à l'arrêt, la déflation menace, les promesses de redressement ne pourront être tenues. 


On attendait donc un peu, beaucoup, passionnément, des premières réactions officielles de la Hollandie au pouvoir.
Puisque la rigueur européenne, qui se décline en austérité dans le Sud de l'Europe, ne provoque que stagnation ou récession, on pouvait espérer un changement de ton, de discours, d'orientation.
"Pourquoi changer une politique qui ne marche pas? La croissance a beau être nulle, François Hollande s'en tient à la feuille de route qu'il s'est fixée le 31 décembre 2013 et qu'il a précisée ensuite le 14 janvier." , Le Figaro, 17 août 2014.
La tribune de Michel Sapin, un ami du Président et par ailleurs ministre des Finances, jeudi 14 août, a douché ces espoirs de changement. Le lendemain, François Hollande recevait Manuel Valls à Brégançon, en marge des cérémonies célébrant le débarquement de Provence de 1944.
La photographie officielle, montrant les deux face à face sur une table improvisée, fut accompagnée de commentaires officieux on-ne-peut-plus-clairs: "ils ont considéré qu'il fallait regarder ces chiffres avec lucidité et affronter la situation avec combativité".
Lucidité et combativité ? Au JDD du 17 août, le premier ministre enfonce le clou. Il réclame du temps, il a raison. Qu'a-t-il d'autre à demander ? 
"On ne peut pas relever un pays qui s'enfonce dans la crise depuis trop longtemps, qui vit au-dessus de ses moyens depuis tant d'années, sans dire la vérité aux Français" Manuel Valls
Ce n'est plus vraiment une question de réalisme. Le réalisme au contraire impose de change de politique économique.
Pourquoi Hollande ne change-t-il pas d'avis ?
1. Parce que Hollande est mal conseillé.
Qui au sein de son gouvernement défend une "autre politique" ? Même Arnaud Montebourg ne dit rien, convaincu au nom du redressement industriel, qu'il faut améliorer les marges des entreprises plutôt que de préserver la consommation et l'investissement, fut-il public. Ses annonces de juillet, "6 milliards d'euros de pouvoir d'achat" par la simple mise en concurrence des secteurs réglementés ressemblaient à du Jacques-Attali. Hollande est un homme seul, mais il ne s'entoure d'aucune voix discordantes.

2. Parce que Hollande est convaincu.
Le candidat de 2012 n'était pas un gauchiste, ni même keynésien. Il a fait campagne, dès 2010, sur le thème du redressement des comptes publics. En 2012, son programme était suffisamment flou pour être fédérateur. La gauche de la gauche s'est longtemps réfugiée derrière le slogan du Bourget - mon ennemi, c'est la finance - à défaut de pouvoir exhiber des mesures concrètes non mises en oeuvre.
Après tout, Hollande est peut-être convaincu qu'il faut redresser les marges des entreprises plutôt que de faire ses 60 propositions de campagne. 
3. Parce que les médias le lui conseillent
Où sont les voix discordantes ? Elles se comptent sur les doigts d'une main. Rares sont les journalustes dits influents à prôner autre chose que la remise en cause des avantages sociaux (ceux des autres), forcément "coûteux" dans la "bataille de la mondialisation". Les médias ne sont pas unanimes, mais les lectures principales de l'occupant élyséen défendent assurément la politique de l'offre en vigueur.
4. Parce que Hollande a gagné sur ce programme.
Hollande a gagné contre Sarkozy avec trois grands soutiens, par ailleurs peu homogènes: la gauche, le centre, et les anti-sarkozystes. L'argument fait encore florès parmi les soutiens du président. C'est oublier combien la politique de l'offre a pris le dessus, un large dessus, sur l'ensemble de l'action économique du gouvernement.  

5. Parce que Hollande qu'il pourra ainsi gagner sa réélection.

Défendre les marges des entreprises plutôt que le pouvoir d'achat des salariés et des modestes est une option habituellement défendue à droite. La "modernisation" de la gauche, soutenue par Manuel Valls depuis quelques lustres, passerait par cette "triangulation" de la droite.  Le premier coup de grâce fut donné lors des voeux du 31 décembre dernier. Le second fut le 14 janvier suivant, lors d'une fameuse conférence de presse où le président normal enfonça tous les clous de son pacte de responsabilité. la nomination de Manuel Valls, après la déroute municipale de mars, acheva tous les espoirs. Faire une politique de droite pour ne paraître que la seule alternative politique au Front national en 2017 serait le "judicieux" stratagème.

6. Parce que Hollande est hors sol, déconnecté de la réalité.
C'est un syndrome bien connu. L'Elysée isole.C'est une tour d'ivoire. Hollande lit des notes rédigées par d'autres occupants de l'Elysée, chacun avec son agenda. " Il faut que François se réveille et vite!" confiait un proche anonyme dès décembre 2012. Dix-huit mois plus tard, le constat vaut encore.
7. Parce que les alternatives seraient caricaturales ou inaudibles.
Elles existent, elles ne sont pas structurées. La droite classique tente de ressusciter Margaret Thatcher (relire les propositions de François Fillon). L'extrême droite a chipé quelques arguments sociaux de gauche pour les mélanger à sa sauce nationale-socialiste. L'extrême gauche a oscillé entre incantations internationalistes hors sol et éructations clivantes. Quelques nouveaux venus comme Nouvelle Donne défendent sont trop faibles et sans relais.

8. Parce que l'Europe ne laisse aucun autre choix. 

En septembre 2012 déjà, François Hollande n'était pas parvenu à convaincre Angela Merkel d'appuyer une réorientation de la politique européenne vers davantage de croissance et une révision du TSCG. Personne ne peut décréter la réussite d'une négociation. Mais François Hollande a préféré endosser sans critiquer, passer sur l'épisode et pédaler de concert. Pourtant, "l'avenue de Bruxelles est une impasse" explique Hubert Huertas dans les colonnes de Mediapart. Hollande est-il capable, a-t-il envie de changer de discours ?
Crédit illustration: DoZone Parody


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