Les journaux de ce matin parlent d'une seconde bataille, à Dinant, où les Allemands auraient encore été repoussés sans avoir pu franchir la Meuse. Au bureau, où naturellement le personnel commente les communiqués, on espère qu'ils n'y parviendront pas, malgré leurs efforts.
Nous n'avons cependant pas tous la même confiance, ou la même manière de voir les choses, un collègue ne nous apprenait-il pas hier, en revenant à 13 h 1/4 reprendre son service, que les Allemands étaient à Mézières : ses propos nous ont paru inconsidérés - nous le connaissons pessimiste - mais, malgré tout il faut reconnaître qu'ils ont produit, sur l'ensemble, l'effet d'une douche glaciale.
Après déjeuner, accompagné de mon fils Jean, je vais lire les dépêches à la sous-préfecture. Nous sommes avides de nouvelles, à Reims, car elles ne nous sont pas prodiguées depuis quelques jours. Celles d’aujourd’hui ne me semblent pas de bon augure. Il est annoncé uniquement ceci : "On apprend que les Allemands, en forces imposantes, auraient réussi à passe la Meuse, entre Liège et Namur", sans autres détails pour un événement aussi considérable ; je pense que c'est bien peu et quant à la nouvelle elle-même, beaucoup trop, malheureusement. Ce ne doit pas être sans une sérieuse résistance qu'ils sont parvenus enfin à franchir la Meuse que, sitôt l'entrée en campagne, ils ont cherché à traverser à Visé et deux fois depuis, à Dinant sans réussir. Il nous faut forcément attendre pour savoir autre chose, et il me paraît évident qu l'on ne nous dira plus dorénavant, que ce qu l'on ne pourra pas cacher.
Source : Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918 - Notes et impressions d'un bombardé