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Cameroun : Manque de professionnalisation de l’enseignement

Publié le 20 août 2014 par Unmondelibre
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De nos jours, le Cameroun forme des citoyens qui manquent de débouchés dans leur environnement et s’expose à la fuite des cerveaux. En clair, la formation n’est souvent que générale ou pas assez technique comme le montre par exemple le décret N°2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l’administration scolaire.

Le gouvernement parle de la professionnalisation de l’enseignement depuis plusieurs décennies sans que cela ne se traduise dans les faits. On demeure dans la promotion des filières traditionnelles qui ont montré leurs limites dans l’insertion professionnelle. On note la création de quelques filières professionnalisantes au lieu de faire la réforme de ces filières traditionnelles l’on dénombre plus de 180 000 étudiants-potentiels-chômeurs. Ces filières soi-disant professionnalisantes souffrent de plusieurs lacunes, notamment : le manque de matériel pédagogique, le déficit d’un encadrement de qualité, le manque de partenariats avec le monde professionnel, ce qui se traduit par un faible taux d’insertion professionnelle des jeunes lauréats. Par ailleurs, les séries et filières de formation ne sont toujours pas adaptées à l’exploitation et à la transformation des ressources naturelles (pétrole, minéraux, café, cacao, bois, etc.). Aussi, dans un pays l’agrobusiness est le moteur de l’économie, aucune réforme de la filière « chimie » n’est notée dans l’enseignement. L’élève ou l’étudiant est souvent formé pour entrer dans la fonction publique soit par le truchement des concours organisés par le ministère en charge de la fonction publique, soit par le recrutement direct comme en témoigne par exemple l’arrêté N°040/CAB/PM du 18 février 2011 fixant le cadre organique de l’opération de recrutement spécial de 25000 jeunes diplômés dans la Fonction Publique au titre de l’exercice 2011.

Au lieu de continuer à créer chaque année des centaines de lycées d’enseignement général dans des villages les élèves manquent de financement pour faire de longues études, il serait préférable de créer des lycées professionnels pour leur apprendre à transformer leurs environnements respectifs d’agriculture, de pêche, d’élevage, de forêt, de mine, etc. Par exemple, en Suisse, le certificat fédéral de capacité (CFC), titre professionnel le plus répandu et équivalent d'un BP (brevet professionnel) ou d'un baccalauréat professionnel, permet aux jeunes d’être directement opérationnels dans leur environnement après 3 ou 4 ans de formation seulement, avec des conséquences positives sur la réduction du budget de la formation et des taux de chômage, de délinquance, d’exode rural, d’émigration clandestine, etc. Par contre, au Cameroun comme dans l’essentiel de nos sociétés africaines, le travail manuel et le travail en zone rurale sont dévalorisés et réservés aux personnes victimes de l’échec scolaire avec plutôt des conséquences négatives sur l’exode rural et le développement de la promiscuité en ville. D’où la nécessité de faire un grand travail de communication et de sensibilisation afin de faire évoluer les mentalités sur ce point.

Le problème de professionnalisation de l’enseignement ne se limite pas uniquement aux étudiants, mais aussi aux candidats à la haute administration publique. Le manque de professionnalisation de la gestion publique peut être une explication plausible à la mauvaise gouvernance. On observe que les cadres de formation technique ou scientifique sont nommés à des postes de responsabilité sans aucune mise à jour sur les principes de gestion administrative, financière et/ou managériale. Les médecins gèrent les hôpitaux comme si cela allait de soi. Par conséquent, à travers l’« opération épervier [opération d’assainissement des finances publiques]», l’Etat met aux arrêts ses hauts-commis pour fautes de gestion alors que le système n’a pas mis à leur disposition les outils de gestion. Dans les chefs d’accusation rendus publics, on peut lire : « A cause de votre gestion, l’Etat a perdu … [de l’argent] » alors que de toute évidence, ils ne savent pas gérer. Par exemple, dans son livre écrit en prison, De la tour Elf à la prison centrale de New-bell : Histoire d'une déchéance sociale injuste et réflexions sur la gouvernance au Cameroun, le pétrochimiste Jean Baptiste Nguini Effa, ancien directeur général de la société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP), explique sa présence en prison par le principe juridique : « nul n’est censé ignorer la loi ». En effet, son doctorat d’Etat ès sciences physiques ne lui a pas permis de se passer du principe de droit public selon lequel l’administration est écrite ; il dit avoir joui des « avantages de toute nature liés à sa fonction [article 2 de tout acte de nomination au Cameroun] » sans s’assurer de l’existence d’une autorisation écrite de son conseil d’administration.

Que faire alors ? L’école nationale d’administration pourrait passer de l’école de la bureaucratie à l’école de la formation continue destinée à la mise à jour des cadres qui souhaitent avoir une carrière dans la haute administration. De nos jours, cette école continue de former des administrateurs civils destinés aux fonctions de sous-préfet, préfet ou gouverneur qui sont appelées à disparaître dans ce pays en voie de décentralisation territoriale. Déjà en mai 2005, le ministre de la fonction publique et de la réforme administrative d’alors, Benjamin Amama, avait voulu donner cette orientation nouvelle à l’école en ouvrant le concours aux formations scientifiques en application des dispositions pertinentes du décret 2000/696/PM du 13 septembre 2000 fixant le régime général des concours administratifs au Cameroun mais, il avait fait face aux conservateurs du système qui l’avaient évincé du gouvernement, enterrant ainsi son projet de réforme. Le Cameroun n’a pas d’autre choix que de reprendre ce chemin de réforme si l’Etat veut créer une société plus juste et fonctionnelle.

Par Louis-Marie KAKDEU, PhD & MPA - Le 20 août 2014


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