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"L'inondation" de Raluca Antonescu (La Baconnière)

Publié le 23 août 2014 par Francisrichard @francisrichard

Dans un immeuble de ville, anonyme, les gens se croisent, se saluent, mais, souvent, ne se connaissent pas outre mesure. Aussi suffit-il parfois d'un événement qui les touche tous en même temps, pour que d'aucuns entrent en contact avec d'autres ou que les uns finissent par remarquer l'existence des autres.

Dans le roman de Raluca Antonescu, c'est L'inondation que subissent les habitants d'un petit immeuble - un appartement par étage - qui va produire un tel bouleversement de leur vie communautaire sans grand relief. Jusque-là ils sont en effet sans lien entre eux, sinon le bâtiment qu'ils occupent.

Au premier habite Edwige Perrier. C'est une vieille dame, veuve. Son mari, Lucien, collectionnait les pierres et prétendait lui en faire cadeau quand il en rapportait à la maison. Ces pierres en grand nombre n'ont aucune valeur. Certaines sont tout au plus semi-précieuses. Maintenant elles se trouvent dans une grande vitrine, recouverte d'un drap, et elles la hantent.

Au deuxième habite Jules César, un quadragénaire. Il est né prématuré. Ses parents lui ont donné, comme un talisman, ce prénom difficile à porter avec un tel patronyme. Ce vieux garçon n'est pas extraordinaire, mais, du coup, homonyme d'un empereur romain, c'est-à-dire d'un immortel, il n'a pas le droit d'être normal.

Au troisième habitent Irina Popescu et sa fille Liza. Irina est mère célibataire. Ce qui lui vaut fâcheuse réputation, d'autant qu'elle n'est pas d'un abord facile et que cela favorise toutes les supputations. Elle veille cependant à ce que sa fille soit bien éduquée et ne soit pas gâtée pourrie. Liza porte des serre-tête - elle en a toute une collection - et est une petite fille très imaginative, qui consigne ses pensées dans un carnet jaune canari fermé à clé.

Au quatrième habitent Luis et Rose Parois. C'est un vieux couple qui ne sait pas communiquer, s'il en a jamais été capable. Leur actuel sujet de dispute favori est leur fils Lucas, 25 ans, qui s'est installé un jour dans l'appartement du cinquième et qui en est parti le jour de l'inondation de l'immeuble, laquelle provient de chez lui.

Après l'inondation Liza Popescu vient goûter chez Rose Parois, depuis qu'elle lui a rapporté une vieille photo de son fils qui flottait dans les eaux. Liza écrit à l'ordinateur des lettres signées Lucas qu'elle dépose enveloppées de mauve dans la boîte de Rose, qui ne cherche pas à savoir par quel mystère elles lui parviennent sans être affranchies...

Après l'inondation Luis Parois monte dans l'appartement de son fils sous prétexte de nettoyer indéfiniment son appartement, en réalité pour jouir de quelques moments d'intimité, à l'abri des récriminations de sa femme, et pour penser à loisir à son fils.

Après l'inondation Jules César s'est rendu chez Edwige Perrier pour lui proposer de l'aide à son retour d'un séjour de trois jours à l'hôpital - elle avait été retrouvée inanimée chez elle par les pompiers le jour de l'événement. Mais ce n'est pas l'aide qu'il lui propose qu'elle lui demande.

Au fil du récit, Raluca Antonescu fait remonter à la surface des épisodes du passé des habitants de l'immeuble, raconte les secrets qu'ils gardent pour eux et les malentendus qui surgissent entre eux, parce qu'ils poursuivent chacun leurs rêves.

L'eau, qui a été l'élément déclencheur de changements existentiels, s'avère aussi l'élément qui aide les habitants à tourner des pages...

Les eaux, qu'il s'agisse de celles de l'inondation, de celles du lac ou de celles d'une femme enceinte, imprègnent toute cette histoire, écrite dans un style direct, précis et... fluide.

Francis Richard

L'inondation, Raluca Antonescu, 304 pages, La Baconnière (parution en France le 21 août 2014 et en Suisse le 23 août 2014)


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