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Aubervilliers par Elie Lotar et Jacques Prevert

Publié le 23 août 2014 par Micheltabanou

Depuis quelques jours je visionne avec plaisir le film documentaire que Pierre Prevert avait réalisé en 1961 pour la RTB ( Radio Télévision Belge ): " Mon frère Jacques "

Je me régale du refus des normes et du refus des moules qui en découle, j'y savoure le constat de la bêtise irrémédiable du bourgeois. Et je souscrit à la tonalité sociale des dialogues, de l'œuvre qui aujourd'hui dans son radicalisme caustique aurait peu de chance de trouver un écho. J'en veux pour preuve l'insolente intelligence qui remet à sa place le fait religieux. En complément du long documentaire ( quatre heures...) je peux passer quelques films des deux frères. Je retiens celui à tonalité sociale qui ouvre le procès de l'habitat insalubre d'Aubervilliers au sortir de la guerre (1945). Aubervilliers dont le maire était le sinistre Pierre Laval. C'est d'ailleurs intéressant d'établir un lien entre la politique du fasciste Laval c'est à dire sa gestion de la misère et de ses promesses... avec aujourd'hui ce que pourrait promettre Marine Le Pen! Ce film commandé par la nouvelle mairie communiste déroule toute l'incurie sociale qui laisse dans un dénûment total des populations prolétaires. Viellards délaissés dans leur mouroir de tôle et de bric à brac infesté de rats et coloré de moisissures, enfants des rues en haillons campent les destins oubliés qui hantent une ville insalubre. Le dialogue de Jacques Prevert nous entraîne dans un vertigineux sentiment de révolte. Il me conforte dans ma volonté de combattre et d'afficher fièrement mon identité de socialiste. Pas de place pour les politiques de libéraux mais bien pour çeux qui sontdéterminés à préférer le prolétaire, l'exclu au banquier, au gestionnaire des bonnes gouvernances si revendiquées ces derniers temps. Car la misère  d'Aubervilliers en1945 décrite  et dénoncée par Elie Lotar, ici réalisateur et qui réalise un film anthologique de photographe,épaulé par Prevert , existe aujourd'hui. Il suffit de vouloir la regarder. 

Prennez le temps de regarder ce film noir et coloré par les mots de lucidité de Jacques Prevert. Voyez ces enfants d'Aubervilliers....

mais auparavant goûtez à cet extrait du dialogue: 

« La Seine a de la chance, elle n’a pas de soucis, elle se la coule douce le jour comme la nuit, se promène, robe verte, lumières dorées, Notre Dame jalouse, immobile, sévère, s’en balance, le Havre, la mer, rêve, mystères, misères de Paris, belles marinières, pauvres mariniers, rivière, Aubervilliers, petit village, les temps ont changé, ouvriers, ruines, taudis, anciennes ruines, ruines banales, ruines de la misère ouvrière, capitale, petits secrets, beauté cachée, chats crevés, jeunesse, Dieu vous protège, privilégiés, monde hostile et sans pitié, triste monde, misère, Gentils enfants d’Aubervilliers, Gentils enfants des prolétaires, Gentils enfants de la misère, Gentils enfants du monde entier, joie de vivre exclue, lutte pour la vie, travail, charbon, quais, fabriques, entrepôts, labeur de l’homme, le ciel, fumée, irrémédiablement, les usines brûlent, manufactures, usines, acide sulfurique, ammoniaque, engrais, produits décapants, dégraissants, soude caustique, sueur, mains de l’ouvrier, décapées, sans être savant, pas tellement brillant à l’intérieur, quartier du Landy, maisons, bourgeoisement, confort, gaieté, ruines, épaves de la cité, pauvres locataires, n’ont même pas l’eau sur le palier, jeune fille, vieilles chansons françaises, brot, fontaine, misère qui coure les rues, eau courante, pavé d’Aubervilliers, échapper à Aubervilliers, campagne, prés, forêts, rivières, bois, simples rêves des ouvriers, Joseph le portugais, quartier, manœuvre, charpente en bois, jamais eu beaucoup de chance, très fatigué, cultivons notre jardin, modeste pavillon, pain suspendu au plafond, cultive la terre, concours, diplôme, occupation, mauvaise tête, ingrat, médaille d’argent, reconnaissance nationale, neuf enfants, fille, famille de fondeur, de soudeur, un jour la maison s’est effondrée, ennuis, s’arranger, s’habituent à tout, malgré tout, épreuves, ni le temps, ni le triste loisir, insolites, invraisemblables, misérables conditions d’existence, surpris, méfiant, lointain, indifférent, achèvent leur vie doucement, finira comme elle a commencé, c’est la vie, formule consacrée, formule résignée, ce vieil homme seul, besogne ménagère, loger ailleurs, exproprié, agrandir le cimetière, vieux hôtels, hôtels de dernière classe, gentils enfants d’Aubervilliers, gentils enfants des prolétaires, gentils enfants de la misère, gentils enfants du monde entier, désert, au cœur du paysage désolé, un coin de verdure apparaît, derniers potagers, derniers maraîchers soignent leur légumes, gestes même du passé, s’en vont aux Halles, tranquillement, comme on faisait avant, les vieilles femmes en bavardant s’en vont au marché, tout est si cher, pas grand chose, trois fois rien, le marché est pour tout le monde, fleurs fraîchement coupées, étalage des choses d’autrefois, vêtements d’occasion, choix délicat, déjà porté, tenir le coup, hiver, promettait monts et merveilles, maisons modernes, marché couvert, logement clair et bon marché, eau courante, écoles modèles, terrain de sport, jardin d’enfants, c’est les vacances, été, bord de la mer, côte d’azur, le grand air, poussière d’Aubervilliers, pavé, misère, enfance désœuvrée, Gentils enfants d’Aubervilliers, Gentils enfants des prolétaires, Gentils enfants de la misère, Gentils enfants du monde entier, mère de famille, simple désir de vivre, simplement, roulottes, vivent là, en attendant, charme, visage de l’enfant, choses les plus belles, oiseau, soleil, joie de vivre, amusé, intrigué, gens heureux qui déménagent, s’en aller, sans regret, la maison, tant d’années, abandonné, nouveaux locataires, désarmée, tranquille courage, lutte, contre la misère, contre le temps, lutte pour changer la vie, rue Neuve." 
Et la chanson du film avec les Paroles de Prévert, musique de Kosma, interprétée par Germaine Montero 

Gentils enfants d’Aubervilliers 
Vous plongez la tête la première 
Dans les eaux grasses de la misère 
Où flottent les vieux morceaux de liège 
Avec les pauvres chats crevés 
Mais votre jeunesse vous protège 
Et vous êtes les privilégiés 
D’un monde hostile et sans pitié 
Le triste monde d’Aubervilliers… 


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