Voici donc le résumé de Histoire du viol de Georges Vigarelloo (XVIème - XVIIIème siècle). Pour celles et ceux qui s'étonneraient de ce déferlement de résumés, je manque un peu d'inspiration en ce moment et le deal - du moins avec moi-même - lorsque j'ai sorti ma wishlist était de vous faire des résumés des livres offerts.
Le viol est sévèrement puni à l'époque classique mais peu poursuivi.
La violence est considérée comme naturelle et existe à la fois du côté des criminels et du côté de la justice ; ainsi entre 1775 et 1785 9 à 10% des décisions du Châtelet sont des exécutions capitales. On tue, on mutile, on torture.
Dans la loi, le viol est puni de mort et parfois de tortures. Si la victime était vierge, la punition est pire et l'est encore davantage si la victime n'est pas nubile. C'est la même chose pour l'inceste.
Le viol en temps de guerre est toléré.
Le rang de la victime, comme celui du violeur compte beaucoup.
Au XVIIIème siècle, la structure familiale change ; la famille est davantage nucléaire que clanique et l'on assiste à une augmentation de la domesticité. Cette domesticité est davantage battue, frappée et abusée. Dans le Languedoc, au XVIIIème, 94% des femmes qui déclarent un enfant illégitime, déclarent également des violences par le maître.
Il n'y a quasiment pas de jugement si la victime est une femme adulte , cela est souvent réglé par des procédures infrajuridiques : une compensation financière du ou de violeurs. dans le Languedoc, à la même époque, 31.68% des injures et des coups sont réglés après une entente financière.
Le vol de grand-chemin est vu comme le crime le plus grave sous l'ancien-régime. Il apparait comme un crime de lèse-majesté qui menace la communauté, met en danger la sécurité des biens et des personnes et empêche les déplacements. L'atteinte aux biens est souvent considérée comme pire que l'atteinte aux personnes.
Dans le cas du viol, on parle davantage de "rapt" ; on rattache le viol au détournement.
Dans les faits, même les victimes les plus jeunes (ex d'enfants de 5 ans) sont vues comme des séductrices. Les plaintes sont rares. Entre 1540 et 1692, il y a 49 plaintes au parlement de paris ; moins de 3 tous les dix ans. Entre 1760 et 1770, 3 et entre 1780 et 1790, 4.
Il est considéré qu'une enfant ou une jeune femme victime de viol ne pourra jamais se marier ; c'est pour cela qu'on préfère l'arrangement financier. On dit que la victime est "gâtée".
Le viol par sodomie n'est jamais évoqué. C'est la sodomie en tant que telle qui est punie, qu'elle soit consentante ou non. la loi à l'époque comprend encore des références à la religion et aux lois divines. Une victime d'un viol par sodomie est coupable au même titre que celui qui l'a violé-e. l'enfant qui "cède" à la violence est considéré comme perdu. L'âge n'est pas une excuse.
Il en est de même pour l'inceste où la victime est condamnée également; la faute est commune et partagée par les deux.
Pour déterminer qu'il y a eu viol, il faut que des témoins aient entendu crier, il faut pouvoir témoigner que la victime s'est défendue et a vigoureusement résisté. S'il n'y a pas de témoins, on examine la réputation de la victime.
A l'époque classique, un volonté contrainte reste une volonté (c'est pour cela qu'on croit aux aveux sous la torture) . On ne tient donc pas compte de la peur, des menaces, des pressions ou du chantage. On ne tient pas compte non plus des traces de coups ; seule compte la défloration.
On pense également qu'un homme seul ne peut violer une femme seule si elle est vraiment déterminée (on retrouve cette idée chez Voltaire, Diderot ou Rousseau).
Si une femme mariée est violée, l'injure est faire également à son mari.
Les viols poursuivis concernent majoritairement des viols sur enfants qui ne sont pas considérés comme des crimes spécifiques. On ne sait pas bien comment déterminer la virginité ; l'existence de l'hymen est discutée. On suppose qu'une fille déflorée aura une odeur différente, une voix qui change, la muqueuse sèche.
A la fin du XVIIIème siècle, la violence des tribunaux comme la torture est beaucoup moins bien acceptée ainsi que la violence aux personnes. Les atteintes aux personnes diminuent et les atteintes aux biens augmentent.
On entame des réflexions sur les crimes moraux comme la sodomie. On commence à dissocier la faute religieuse de l'atteinte aux personnes. On commence à être plus sensible aux viols sur les enfants. La vision sur le viol en général ne change pas mais certains sont vus comme plus odieux et les victimes plus innocentes.
Les plaintes ne sont pas plus nombreuses et les peines ne sont pas plus lourdes. Emergent des critiques sur la clémence des juges. Nait aussi l'idée du viol rural où les gens seraient plus arriérés.
On commence à rejeter le liberté noble et fortuné ; en témoignent les scandales autour de Sade. On ne distingue pas encore la violence sexuelle. La police note ce que font ces libertins mais pas en quoi cea constitue des violences.
Dans la physiognomonie (ex Della Porta), le mot "violeur" n'a pas de place et n'existe pas ; on parle de "satyriasis" qui aurait des érections incoercibles et ne pourrait se maitriser sauf lorsqu'il se marie.
La vision de l'enfance évolue après 1750-1760. Les crimes contre eux sont davantage mis en avant. On constate sa fragilité. Si on étudie le nombre de jugements en appel au Parlement de paris, on passe de 0 entre 1700 et 1705 à 5 entre 1780 et 1785 ; légère inflexion qui montre que le crime existe aux yeux de la justice. On sait davantage reconnaitre les déflorations, les blessures sexuelles, les indices. On connait un peu mieux l'hymen par exemple.
Les plaintes pour viols de garçons restent rarissimes ; c'est la même chose pour l'inceste.
Le nombre de plaintes augmente, mais un verdit de non culpabilité est rendu dans plus de 70% des cas. Quand une peine est prononcée, elle est légère (pour l'époque) : amende, blâme, fouet etc.
On ne sait pas graduer les brutalités et il n'y a en général pas de poursuites si la défloration n'est pas prouvée.
On croit encore en l'enfant libertin avec des enfants de 6 ou 7 ans vus comme sexuellement matures.
Pendant la période révolutionnaire, on voit apparaitre la déclaration des droits de l'hommes du 20 juillet 1789 où l'homme est considéré comme propriétaire de son corps.
l'article 29 du Code Pénal de 1791 dit que le viol sera puni de six ans de fers, mais ne le définit pas pour autant. On ne parle plus de rapt.
La loi sur le divorce est proclamée le 20septembre 1792.
Dans le code de 1791 il n'y a plus de référence religieuse. On juge les actes nuisibles à la société. Le blasphème, la luxure, le concubinage, la débauche, la sodomie ont disparu du code. On distingue les crimes et délits contre les biens et les crimes et attentats contre les personnes.
Cela ne change pas grand chose dans les faits, les femmes qui veulent divorcer pour violences, sont déboutées. La notion de chef de famille existe toujours. Si une femme porte plainte, il n'est pas rare qu'on classe sa plainte et qu'on demande au mari de porter plainte à sa place. On continue à ne pas juger des viols sous menace, chantage, contrainte etc.
Les victimes continuent à être vues comme coupables, porteuses de honte. On pense toujours qu'un homme seul ne peut violer une femme adulte et qu'il faut être plusieurs.
En revanche après 1791, les viols et incestes sur enfants changent ; les victimes ne peuvent plus être poursuivis. Le viol par sodomie n'a toujours pas d'existence pénale.
En revanche, on tend à définir des seuils de violences ; on fixe le degré de gravité par âge et parle nombre de complices. L'article 8 du code de police correctionnelle fixe d'autres délits que le viol ; les "délits contre les bonnes moeurs" ; cet article a une interprétation extensive de la part de la justice.
Les démarches, éventuellement financières entre la victime et le coupable sont parfois judiciarisées avec des contrats devant notaire.
Au XIXème siècle, on continue à penser que le viol se passe là où le progrès n'est pas arrivé ; les villages et les hameaux. On passe d'une criminalité de masse à une criminalité "de fanges et de marges" comme le dit Foucault. (il n'y a plus de bandes et la délinquance est individualisée et axée sur la propriété). La criminalité violente d'ancien-régime devient une criminalité de ruse et de fraude.
La sensibilité s'accentue face à la violence physique et la violence officielle. On supprime la chaîne et les forçats en 1828 et le carcan en 1832.
Le public n'est plus avide du spectacle de la torture et de l'échafaud, mais davantage de l'acte en lui même.
Le nombre de plaintes va croissant et les viols pour enfants occupent la moitié des crimes d'assise après 1850.
Dans le code de 1810, l'article 331 définit l'attentat à la pudeur et la violence sexuelle. La sodomie ne peut plus être punie .
La loi de 1810 approfondit l'intention criminelle. La tentative de viol est l'objet d'un article et d'une définition. La tentative existait avant mais on restait centré sur le forfait achevé.
L'article 64 définit "l'aliéné".
On crée une unité criminelle dans le code appelé "les attentats aux moeurs".
L'adultère est toujours condamné ; on ne condamne quasi exclusivement que l'adultère féminin.
Dans la loi, n'existent toujours pas la pression morale, la contrainte morale ou la tromperie.
Si le viol a eu lieu sans violence, il y aura acquittement.
Ces lois, dans les faits, ne sont toujours pas appliquées ;émerge par exemple l'idée que le viol d'un enfant par un adulte est impossible à cause de la différence de taille des organes génitaux.
En 1832, le code pénal est révisé et prend en compte le critère de l'âge ; l'attentat à la pudeur sur un enfant de moins de 11 ans sans violence sera puni. En 1863, avec la loi du 18 avril 1863, cet âge passe à 13 ans. Avec l'article 331, on définit la violence par ascendant qui élargit encore le critère de l'âge : "un mineur âgé de plus de 13 ans mais non émancipé parle mariage". La jurisprudence l'étant aux ascendants juridiques, par adoption et naturalisation.
Après 1850 par la jurisprudence, on commence à punir des cas où il y a eu violence morale, menace.
La médecine progresse et commence à voir les blessures, les ecchymoses, les traces d'ongles, les hématomes. On remarque le sang, le sperme, les tâches.
En 1857, Tardieu tente de définir les signes cliniques du viol, par exemple l'augmentation de organes génitaux sauf qu'il pense que cela existe également en cas d'onanisme.
En 1830, on traite 106 affaires de viols d'enfants. En 1870, 800. Elles se sont plutôt passées en ville avec le refus des arrangements financiers qui se maintiennent en campagne.
Emerge l'idée qu'il y aurait une pathologie urbaine dont souffriraient les ouvriers. On note la brutalité et la promiscuité présente dans les ateliers. On note que la mixité y règne, propice aux dérèglements.
En 1821, est faite la loi sur le travail des enfants.
Les responsables d'usines et d'ateliers doivent assurer la décence et les bonnes mœurs.
A partir de 1870, on juge de plus en plus le viol en correctionnel considérant que le jury d'assises et trop clément ; on a donc un glissement des chiffres d'une juridiction à l'autre. En 1850 : 50% des forfaits jugés en correctionnelle sont des crimes.
Vers 1880, on commence à comprendre la spécificité du viol sur enfant ; on parle de perversité, on dit que cela a à voir avec l'alcoolisme. On évoque la spécificité de l'inceste.
Plus que le viol ce qui domine l'opinion publique est la violence physique ; des lois en 1889 et 1898 sont là pour protéger les enfants des violences physiques.
On commence à avoir une curiosité pour le criminel, le violeur. On étudie sa physionomie parla craniologie. L'homme criminel serait resté à un âge antérieur de l'évolution comme le dit Cesare Lombroso.
Ces techniques furent rapidement décriées ; on comprend qu'il n'y a pas de caractéristiques physiques pour les criminels. Le "dégénéré" deviendrait criminel à cause de son milieu.
1886 : Krafft-Ebing définit les perversions sexuelles.
En 1906, le mot "pédorose" est créé pour les viols sur enfants. On pense que les pauvres et les étrangers (belges, italiens) sont plus susceptibles de violer.
La psychologie est une science embryonnaire. Fin 1880, on débat sur l'hypnose et on incite aux femmes à faire attention aux hommes qui les fixent dans la rue.
On commence à parler des conséquences psychiques du viol même si on n'a pas encore les outils pour les définir. On continue à penser qu'un enfant violé sera souillé, corrompu et donnera naissance à des rejetons pervers.
Le viol de femmes adultes est toujours très peu dénoncé.
En 1978 a lieu de le procès d'Aix en Provence. Au delà des violeurs, on fait le procès du viol et l'on souligne le rapport de force sur les femmes grâce à la présence de groupes féministes.
Ce procès a une logique culturelle (les victimes y jouent un rôle), une logique psychologique( on montre qu'il y a trauma), une logique juridique (on définit les faits, la violence, le non consentement).
Cela permet de constituer les textes de loi encore à l'œuvre aujourd'hui.
En 1990 encore 40% des procès en correctionnelle sont des viols déqualifiés. (il y a eu régression de la correctionnalisation). Le taux d'élucidation a augmenté ; de 71% en 1974 à 85% en 1994. Les peines augmentent, on passe de 54% à 74% entre 1978 et 1992 de condamnés à 5 ans et plus et de 13% à 35% pour les condamnés à 10 ans et plus.
Le nombre de peines pour attentats à la pudeur augmentent aussi.
Les choses changent car les rapports entre les hommes et les femmes changent.
Dans le code pénal du 16 décembre 1992, disparaissent les "attentats aux mœurs" et apparaissent les mots"agression sexuelle". On ne parle plus de "pudeur" et d'"outrage" mais de "violence".
Apparait dans les articles 222-23 le délit de harcèlement sexuel.
No nomme de nouvelles violences comme l'agression verbale , l'exhibitionnisme.
On punit désormais le viol entre époux.
On parle du viol en prison, du viol de guerre au moment de la guerre en Yougoslavie.
Les viols sur enfants deviennent le crime premier.
La parole des victimes est davantage écoutée, on a la certitude qu'il existe un trauma après le viol.
On instaure un suivi médico-social des violeurs.
Conclusion :
Avant le XXème siècle, les procédures sont rares. on tolère la violence. Les crimes contre les enfants ne comptent pas. L'enfant n'est pas vu différemment d'un adulte. Les crimes sur garçons sont méconnus. Les violeurs sont condamnés dans les lois mais pas dans les faits. La victime est culpabilisée ; la femme consent autant que l'homme. La menace, la contrainte ne sont pas prises en compte.
Pendant la révolution, apparait le mot "viol". On juge plus sévèrement le viol sur enfant qui est plus poursuivi, plus dénoncé et moins toléré. La perception des enfants change.
le viol de femmes adultes n'est pas beaucoup poursuivi.
Le violeur est perçu comme un pauvre, un vagabond.
Le XXème siècle permet une réflexion sur l'égalité entre les hommes et les femmes et a des conséquences que la perception du viol.