Ile de Ré : une année noire pour l’or blanc

Publié le 27/08/2014 par Léo Schmitt
http://www.sudouest.fr/2014/08/27/annee-noire-pour-l-or-blanc-1652789-1231.php

Cet été, les sauniers n’ont pratiquement pas produit de sel et leurs stocks ne sont pas inépuisables.

Les sauniers de l’île de Ré ont récolté très peu de sel cet été à cause de la mauvaise météo.© PHOTO PHOTO ARCHIVES FRANCK MOREAU«Pourrie », « catastrophique » ou encore « lamentable ». Pour décrire la production de sel de cet été, les sauniers de l'île de Ré ne manquent pas de qualificatifs. Et la situation actuelle est à la hauteur de leurs propos. En août, les sauniers n'ont rien produit. À peine plus en juillet. En cause, la météo particulièrement maussade et l'ensemble de la production est touché : gros sel, fleur de sel, sel fin… « Je n'ose pas regarder ce que j'ai cette année pour comparer par rapport aux saisons précédentes », témoigne Isabelle Dussoulier, productrice depuis une dizaine d'années.
Inédite depuis la période de 2007 à 2008, cette mauvaise saison s'inscrit dans un cycle négatif : « Depuis quatre ans, nous avons des productions très moyennes et la situation touche toute la façade Atlantique », précise Pascal Dufour, producteur et vice-président de la Coopérative des sauniers de l'île de Ré. Mais la production de 2014 restera dans les mémoires comme l'une des plus basses jamais enregistrée. « Même après la tempête Xynthia en 2000, nous avions eu une meilleure année que celle-ci », se souvient Eddy Erbelding, producteur à Ars-en-Ré.

Professions sinistrées
En plus des ostréiculteurs qui souffrent depuis sept ans, les sauniers de l’île de Ré et les apiculteurs du département viennent de vivre un été économiquement catastrophique.

 Le point.

250
C’est en millimètres, le volume d’eau tombé et mesuré depuis le 28 juin par Pascal Dufour, producteur à Saint-Clément-des-Baleines. En juillet et août, il tombe généralement 84,6 mm d’eau en tout, selon Météo-France, soit trois fois moins que cette année…
75
C’est le nombre de producteurs de sel sur l’île de Ré (60 au sein de la coopérative des sauniers et 15 indépendants) qui subissent donc la mauvaise météo cette année.
Pourtant, tout avait bien commencé. « Au printemps, la configuration était parfaite pour préparer la saison et la fin du mois de juin a été plutôt bonne », raconte Cédric Fortunier, saunier à La Couarde-sur-Mer. Les deux dernières semaines de juin ont permis de limiter les dégâts et d'éviter le spectre de la production zéro. « C'est très difficile à quantifier, mais je dois être à 15 % de ma production habituelle grâce au mois de juin », estime Eddy Erbelding. Quinze jours ne suffisent donc évidemment pas à sauver une saison entière.
« Mais la situation est paradoxale : nous avons des difficultés de production, mais le commerce se porte très bien ! », nuance de son côté Christophe Sanselme, à la tête d'Esprit du sel. Son entreprise s'en sort plutôt bien avec un tiers de sa production ordinaire, grâce au début de saison, « malgré les nombreux passages pluvieux, les températures basses et les passages orageux qui ont suivi ».
La bouée de sauvetage
La météo a commencé à poser problème à partir du samedi 28 juin. Ce jour-là, les 17,3 millimètres d'eau tombés (1) ont constitué un tournant. « Dès lors, il est régulièrement tombé une quantité astronomique d'eau : 20 mm à 30 mm tous les dix jours, souligne Eddy Erbelding. Et la pluie est le pire ennemi du sel, car elle le refroidie et le dissout. » En effet, l'eau douce empêche le sel de se cristalliser dans les marais salants. Tous les dix jours, les producteurs devaient donc recommencer à zéro… « Nous avons même dû renettoyer (NDLR, travail réalisé normalement avant la saison) nos marais en plein été ! » Du « jamais vu » en dix-huit ans de carrière pour Eddy Erbelding.
Risque-t-on pour autant une pénurie de sel ? Non, car les sauniers disposent d'un stock encore suffisant pour cette année et normalement pour l'année prochaine. « C'est le jeu du sel : garder des réserves pour palier ce genre de saison », indique Cédric Fournier. Mais cette bouée de sauvetage n'est pas éternelle. « Surtout que les derniers mauvais étés nous ont empêchés d'engranger beaucoup de sel en stock », confie le producteur rétais.
« Nous avons de la marge pour 2015, mais si l'année prochaine est aussi nulle, nous ferons face à un problème important », s'inquiète Pascal Dufour, qui espère dans un premier temps « un mois de septembre plus profitable ». Le vice-président de la Coopérative des sauniers de l'île de Ré ajoute : « Après cette saison catastrophique, nous sommes suspendus à l'été 2015… »
(1) Mesure réalisée par Météo-France à La Rochelle le 28 juin.