Magazine Journal intime

Être privilégié plutôt que laissé-pour compte

Par Anniedanielle

Hier c’était l’événement de l’année pour plusieurs, un gros show : le dernier arrêt de la tournée Reflektor du groupe Arcade Fire, de retour à la maison après un an, au parc Jean-Drapeau de Montréal.

C’était la première fois que j’allais en chaise roulante à un spectacle extérieur comme ça.
Il y a quelques années j’étais allée voir le spectacle de U2 (sur mes jambes), et j’avais été bien près de m’évanouir… et j’avais eu très mal… et j’avais passé la semaine suivante alitée. Ça avait été un gros prix à payer, et aussi un gros risque. Ça n’avait pas été une bonne idée et sur place j’avais constaté ma stupidité. S’évanouir dans une telle foule, ça n’aurait pas donné un très bon “résultat”. Sans compter que ça aurait gâché notre soirée pas mal!
Mais les places pour chaises roulantes ne sont pas souvent bien situées (habituellement sur une plateforme sur le côté du terrain, assez loin de la scène) et surtout, j’avais peur de l’aspect “navigation dans la foule”… et sur un terrain possiblement accidenté… ou plein de boue en cas de pluie.

Cependant, j’avais vraiment envie d’aller à ce spectacle, mon meilleur ami et sa conjointe aussi. La règle est habituellement (et c’est normal) d’un accompagnateur par personne à mobilité réduite, mais nous avons espéré que le bon sens prévale et qu’on accepte de nous laisser passer les trois ensemble. Sinon, un de nous trois devait rester seul!
J’avais très peur que les places handicapées soient moins intéressantes que celles qu’ils auraient eu en étant debout parmi la foule, et qu’ils soient déçus. De me sentir coupable de les avoir “obligé” à être dans cette section. Et me disais que, si c’était pourri, la prochaine fois je resterais à la maison et ils iraient seuls (par mon choix!).

Nous sommes arrivés assez tôt, et alors que sur le coup nous ne savions pas où aller (ni le premier bénévole interrogé), on nous a vite bien dirigé, et nous avons remarqué le drapeau flottant à côté de la plateforme, avec le symbole “handicapé”.
Quelle belle surprise!
La plateforme se situait juste à côté de la régie, face à la scène et quand même assez près.
À côté de la régie, pour ceux qui ne connaissent pas le milieu du spectacle, c’est le meilleur endroit pour voir un show!
Et comme nous étions surélevés, nous avions une vue parfaite, sans têtes ou bras pour nous cacher!
Arrivés tôt, nous étions, en prime, au premier rang de la plateforme.

Nous nous sommes fait aviser qu’en principe, c’était un accompagnateur par chaise roulante… mais n’étant que trois, et puisqu’il y avait suffisamment d’espace, c’était correct. Ouf! (nous avons vu plus tard au moins un autre groupe de trois, nous nous sentions un peu mieux).
Si nous avions été quatre (ou plus), nous nous serions séparés sans hésiter, évidemment. Je comprends et approuve la règle de limiter les accompagnateurs. Mais parfois on semble oublier que les personnes handicapées ne sortent pas qu’en couple. Des parents avec un enfant, par exemple (il faudrait brimer un des parents?).

Mes amis (et les autres accompagnateurs) ont même pu profiter de chaises pliantes presque toute la durée de l’attente et des premières parties (il y en avait trois, pour une durée totale d’environ trois heures entre notre arrivée et le début d’Arcade Fire). Mais à mesure que les personnes à mobilité réduite arrivaient, les chaises ont été presque toutes utilisées, évidemment, et plusieurs accompagnateurs se sont assis par terre ou ont été se placer debout derrière nous.
Effectivement, contrairement à certains endroits, la section à mobilité réduite n’était pas que pour les chaises roulantes, mais aussi pour les femmes enceintes et les personnes utilisant une canne, etc. J’aurais donc pu y aller à pied, avec ma canne.
…techniquement. Puisque la longue marche entre le stationnement et le site, l’attente avant d’entrer et pour sortir auraient peut-être été de trop.

Ce fut un grand soulagement pour moi de voir que nous avions de belles places.
Pas de belles places : les MEILLEURES!

Il y avait des places VIP, une section où les gens avaient payé pour avoir une place assise (et une place assurée dans une section quand même assez près de la scène), plutôt qu’arriver très tôt et attendre des heures debout.
Cette section était sur le côté, là où je m’attendais à être!
Je crois que c’est la première fois de ma vie où la section à mobilité réduite est plus privilégiée que les VIP. Qu’on nous donne une expérience de choix. Plutôt que nous donner le minimum-qui-ne-mènera-pas-à-des-plaintes (voire rien du tout).

En prime, il y avait une toilette chimique (adaptée, c’est-à-dire plus grande et avec des barres d’appui à l’intérieur) rien que pour nous. Donc, pas besoin de tenter de se faufiler parmi la foule compacte pour rejoindre les toilettes à l’autre bout du terrain (presque une mission impossible sur deux pieds, alors en chaise roulante ou avec une canne, faut carrément oublier ça).

Mais le clou de la soirée, pour moi (j’étais déjà aux anges) fut à la finale, quand, au moment de lancer des confettis dans la foule, nous en avons reçus aussi.
Ça semble absolument bébé, ça semble insignifiant… mais que quelqu’un ait pensé à ajouter un canon à confettis dirigé vers notre plateforme afin que nous aussi on ait cette expérience magique… ça a été le clou de ma soirée. D’habitude il y en a pour ceux qui sont près de la scène et c’est tout. Et quand on est à mobilité réduite, on n’est jamais près de la scène (sauf cette fois-là).
Quand on est à mobilité réduite, c’est déjà pas drôle, mais si souvent, ce qui rend la chose encore plus difficile, c’est d’être à l’écart.
Ne rien voir, être limité, se faire accrocher parce qu’on est dans le chemin (à mon dernier show au Centre Bell, dans la section handicapée, je me faisais accrocher la chaise roulante ou la tête aux 30 secondes), etc.
Alors d’être inclus comme ça, ça fait vraiment une grosse différence!

Arcade Fire, Parc Jean-Drapeau 30 août 2014

Arcade Fire, Parc Jean-Drapeau 30 août 2014

Je ne sais pas qui remercier, du groupe Arcade Fire ou du promoteur Evenko, peut-être les deux… mais un gros MERCI.
J’allais à cet événement un peu à reculons de peur de tout ce qui pouvait être compliqué, de me sentir un boulet pour mes amis et de gâcher leur soirée… et ce fut tout le contraire grâce à ces petites choses qu’on prend pour acquis quand on est en forme.
J’irai maintenant aux prochains événements du genre avec beaucoup plus d’entrain! Osheaga? Heavy Montréal?

:)

J’ai dans mes cartons un article plus approfondi sur la question des “privilèges” qu’on a, quand on a le syndrome d’Ehlers-Danlos ou un handicap en général… il se passe beaucoup de trucs ces temps-ci côté santé (choses dont je veux vous parler) alors je ne sais pas exactement pour quand ce sera, mais je promets d’y revenir plus en détail. Je ne voulais cependant pas attendre avant de partager cette belle expérience.

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