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L'absence de choix sur le moyen de régler une prestation compensatoire est une violation du droit de propriété protégé par la CEDH

Publié le 31 août 2014 par Elisa Viganotti @Elisa_Viganotti
L'absence de choix sur le moyen de régler une prestation compensatoire est une violation du droit de propriété protégé par la CEDH
Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu le 10 juillet 2014 dans l’affaire Milhau c. France (requête no 4944/11), la Cour européenne des droits de l’homme a dit, à l’unanimité, qu’il y a eu Violation de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété)
Invoquant l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété), le requérant se plaignait de ce que le juge du divorce lui ait imposé l’abandon de ses droits de propriété sur un bien immobilier lui appartenant en propre et qu’il souhaitait conserver, au titre du paiement de la prestation compensatoire accordée à son épouse, sans possibilité de s’acquitter de cette dette par un autre moyen à sa disposition.La Cour relève d'abord que la mesure d’attribution forcée d’un bien propre à titre de prestation compensatoire était prévue par l’article 275 du code civil et qu’elle avait dès lors une base légale. La loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qui a introduit la possibilité pour le juge d’ordonner le versement de cette compensation par la cession forcée de droits de propriété du débiteur, vise à corriger les dérives par rapport à l’intention initiale du législateur de 1975, qui avait souhaité privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. Cette mesure poursuit le but légitime de régler rapidement les effets pécuniaires du divorce et de limiter le risque de contentieux postérieur à son prononcé. La Cour admet en conséquence que cette ingérence est intervenue pour cause d’utilité publique.
La Cour relève en outre que les juges internes ont constaté que la rupture du mariage créait une disparité dans les conditions de vie des ex-époux, laquelle devait être compensée par le versement d’une prestation compensatoire au profit de l'épouse. Elle souligne par ailleurs que la  requête ne porte pas sur la décision elle-même ni sur la répartition des biens entre les ex-époux mais sur les modalités d’exécution de ce versement, à savoir la cession forcée de la villa du mari.Le tribunal de grande instance et la cour d’appel ont interprété la loi interne comme les autorisant à faire usage de la cession forcée d’un bien du requérant comme modalité de versement de la prestation compensatoire, sans avoir à tenir compte de l’importance de son patrimoine, ni de sa volonté de proposer d’autres biens à titre de versement. Or, la décision des juges ne pouvait se fonder sur l’incapacité pour M. Milhau de s’acquitter de sa dette selon d’autres modalités, le requérant disposant d’un patrimoine substantiel qui aurait pu lui permettre de s’acquitter de sa dette par le versement d’une somme d’argent. Dès lors, le but légitime poursuivi par la loi pouvait être atteint sans avoir besoin de recourir à l’attribution forcée d’une maison lui appartenant..
La Cour note que si  depuis la loi du 11 juillet 1975, le législateur a souhaité privilégier le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, il n’a jamais été exclu pour autant par les lois successives, notamment celle du 30 juin 2000, que le débiteur puisse proposer d’autres biens de son patrimoine d’une valeur égale au montant requis de la prestation compensatoire. La Cour relève d’ailleurs qu’en juillet 2011, le Conseil constitutionnel n’a validé la possibilité d’un versement par cession forcée de la propriété d’un bien que sous réserve d’un usage « subsidiaire » d’une telle modalité, c’est-à-dire dans le cas où le versement d’une somme d’argent n’apparaît pas suffisant pour garantir le versement de cette prestation.
La Cour estime qu’il y a eu rupture du juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la société et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Par conséquent, M. Milhau a supporté une charge spéciale et exorbitante que seule aurait pu rendre légitime l'impossibilité de s’acquitter de sa dette par un autre moyen mis à sa disposition par la loi, à savoir le versement d’une somme d’argent ou le transfert de ses droits de propriété sur un ou plusieurs autres biens.
Dès lors, il y a  eu violation de l’article 1 du Protocole n° 1. +Elisa Viganotti Avocat de la famille internationaleL'absence de choix sur le moyen de régler une prestation compensatoire est une violation du droit de propriété protégé par la CEDH Pour les plus curieux: Arrêt Milhau c. France
 
 

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