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Max | Tatie Chapeau, les polaks et les autres

Publié le 01 septembre 2014 par Aragon

modiste.jpgIls chantent souvent des airs slaves le soir, je les entends depuis mon balcon, un brin picolos après le boulot les polaks de l'impasse de Tatie Chapeau. Z'habitent justement chez Tatie Chapeau, à deux pas de chez moi, quatre dans un petit apart. Sont arrivés en France y'a peu. Des maçons, des durs à la bosse, de vrais travailleurs quoi. À 22 heures ils mouftent plus, ils pioncent car ils partent au turbin en se levant avec les poules s'ils se couchent pas avec. J'sais pas pourquoi je parle de Tatie Chapeau car y'a longtemps qu'elle est partie au paradis des modistes. Elle aurait dans les cent vingt ans au jour d'aujourd'hui. Sa nièce qu'a près de quatre-vingt balais a hérité de sa baraque, elle l'appelait ainsi sa tata qui était revenue dans son village natal à l'heure de la retraite après avoir été modiste et tenu boutique dans un quartier chic à Paris au temps de Mistinguett qu'elle a connu d'ailleurs. Les polaks savent vraisemblablement pas qui était la Miss qu'avait de belles gambettes, s'en foutent, ils chantent doux le soir, comme des bateliers de la Volga. Ils se désennuient en chantant comme jadis Georges Dor le faisait à la Manic. C'est dur d'être travailleur immigré. Très dur.

À Amou mon pote Serge me dit qu'il y a aussi vingt-cinq roumains installés en famille pour la plupart, ils bossent dur itou, un boulot que des amollois pure souche, peut-être même des polaks ne voudraient pas faire. Travailler dans des élevages et des abattoirs de volailles. L'enfer : cadence, puanteur, poussière, merde, tripes, sang et crasse. Des durs à la bosse eux aussi et bien gentils me dit encore mon pote. 

À Amou, plein de familles kasoc, cette grosse gentille maman tatouée de bas en haut qui passe régulièrement sous mon balcon, poussette remplie et nichée de mômes aux basques, ces autres, abonnées au Resto du Coeur et au Secours Catho. Amou n'est plus mon Amou d'antan ni celui de Tatie Chapeau, les temps ont bien changés du village peinard, ensuqué dans un coin de Chalosse carte postale qu'il était, jadis. La vie est là, l'Europe est là, le monde est là, la vraie société est là. Tout a débarqué à Amou !

À Amou comme partout, la crise hélas est là. Des gens se battent pour vivre à Amou et ces cons de chats sans maîtres, faméliques, qui passent leur temps à se battre avec le mien qui doit se bouger le cul et donner de la griffe au quotidien pour affirmer son existence de chat proprio d'un bout de rue, et moi, sur ma terrasse, sur mon balcon qui regarde... mon chat recevoir ou flanquer des peignées, la vie passer, le temps passer, les mamans passer, qui entend les polaks chanter... faudra que je leur emmène une boutanche et aille chanter avec eux un soir...

Avec déférence et émotion je lui dis "chapeau" à la vie en pensant au sourire de la Tatie du même nom qui m'aimait bien quand j'étais môme, et je lui dis aussi "bravo" à la vie... Je lui dis : "Tu es la plus forte, si tu sais être si moche aussi, la plus salope - parfois - tu es pourtant la plus incroyable, la plus belle, mais... oui... malgré tout, tu es la plus belle !"


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