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De la République indivisible à l’État sur-mesure

Publié le 02 septembre 2014 par Delits

Cette semaine dans Valeurs Actuelles (8 août), Nicolas Sarkozy a esquissé la ligne stratégique de son possible retour,  avec une idée centrale : faire de la promotion de la différence le nouveau socle de l’égalité. « Les socialistes, dit-il, voient toute différence comme une injustice […] Moi, je vois toute différence comme une richesse. Jusqu’à présent, la droite attaquait l’égalité par la liberté. C’était une erreur d’analyse. Car c’est toujours perçu comme la liberté du fort sur le faible. Il faut au contraire attaquer l’égalitarisme par les différences ».

Une République qui au nom de l’équité valorise la différence : l’idée est audacieuse.

Valoriser la différence, c’est d’abord reconnaître que chaque individu a un parcours, des dons, des qualités  spécifiques.

C’est acter également que pour l’individu,  l’accomplissement est le nouveau centre de gravité de son existence. Chacun a dorénavant injonction de trouver sa voie. Ayant pris du champ par rapport aux pratiques religieuses et doxa politiques qui plaçaient la vie humaine dans un grand dessein collectif, l’individu voit  dans sa réalisation individuelle, sa réussite professionnelle, son bonheur privé,  la vraie raison de vivre.

Déjà, les entreprises ont  parfaitement intégré cette soif de différenciation : on peut citer pêle-mêle, du plus anecdotique au plus impliquant, les forfaits téléphoniques qui s’adaptent à chacun, les voitures customizables, l’engouement pour les bilans de compétences et coaching personnels en tout genre… Partout, la société de consommation vante et vend le sur-mesure.  Et l’Etat ne peut durablement rester à l’écart de ce mouvement inéluctable.

En réalité, Nicolas Sarkozy n’est pas le premier politique à toucher du doigt ce concept.

A gauche comme de droite, certains ont déjà  évoqué ce thème dans le passé, à l’instar du premier ministre actuel Manuel Valls. Dans son ouvrage « Pouvoir », ce dernier expliquait  ainsi : « Quelle que soit sa position sur l’échelle sociale, l’individu souhaite aujourd’hui développer son propre projet de vie […]. Avec ce sujet, la gauche tiendrait un objectif transversal susceptible de rallier les classes populaires et les classes moyennes. »

Pour Nicolas Sarkozy, ce thème permet de battre en brèche la mainmise historique de la gauche sur la question de l’égalité.

Promouvoir la différence au nom de l’égalité c’est en effet reléguer au rang d’archaïsme la société du « tous égaux », dont la taxe à 75% pourrait être le plus grand symbole. A cette société du tous pareils, la droite peut rétorquer que la plus grande injustice est de nier l’altérité, que les individus sont marqués par des différences, de caractères, de talents incontestables, et  que promouvoir  une égalité des chances réaliste doit d’abord acter ce fait.

Mais ce faisant,  c’est le rôle de l’Etat qui est totalement rebattu. Ce dernier aurait alors une mission beaucoup plus ambitieuse : celle  de s’adapter  aux besoins spécifiques de chaque individu pour rendre possible son accomplissement. Derrière ces mots, c’est tout un programme politique qui se dessine pour l’Education Nationale ou  le monde du travail : remise en cause du collège unique et des formations dites « généralistes », délinéarisation des parcours professionnels, création d’une administration sur-mesure…c’est l’ensemble du champ de l’action publique qui serait à revoir.

Au delà de ce big-bang de l’action publique, la valorisation de la différence n’est pas non plus sans risques pour le vivre ensemble.

Ce projet politique  pourrait mettre à mal l’idée fondamentale de notre constitution, celle d’une République « une et indivisible ». Se profile en effet le risque du communautarisme ou la promotion de  la différence passe avant le dessein collectif du pays.  Reconnaître les différences de chaque individu, c’est aussi prendre le risque que la religion des uns, les valeurs des autres ne fassent voler en éclat la cohésion nationale. Bref, derrière la valorisation de la différence, c’est aussi du menu hallal dans les cantines dont il peut être question. Et il n’est pas sûr que le peuple de droite veuille ouvrir la boîte de Pandore.


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