A Jackson Hole, la grand-messe annuelle des banquiers centraux de la planète tenue fin août, Mario Draghi a peut-être ouvert la voie à plus d’activisme de la part de la BCE. En déclarant que la Banque Centrale Européenne se « tenait prête à ajuster encore sa politique », le gouverneur a rendu un peu plus plausible le scénario d’un Quantitative Easing en Europe. L’annonce d’une telle opération, centrée sur les titrisations, à l’occasion de la réunion monétaire de la banque centrale, jeudi, est très attendue par le marché.
Libérer de nouvelles sources de financement

Naturellement, il faut aussi s’intéresser précisément à la structuration du marché des prêts titrisés. A l’échelle de toute l’Europe (Royaume-Uni compris), les émissions de titrisation ont reflué à un niveau plancher d’environ 150 milliards d’euros l’année dernière, quand elles culminaient à 700 milliards en 2008. L’encours européen des actifs titrisés s’établissait à 1 600 milliards d’euros à peine, à fin 2013. Avec, là encore, de nets déséquilibres, puisque les Pays-Bas et le Royaume-Uni concentraient à eux seuls plus de 50% du total, tandis que l’activité des pays du sud de l’Europe s’est littéralement effondrée depuis six ans. L’essentiel de l’encours européen correspond à des sous-jacents de bonne qualité ou « sécurisés » par des garanties étatiques, avec une forte proportion de prêts immobiliers aux ménages néerlandais, belges, britanniques, allemands (via majoritairement des RMBS – Residential Mortgage Bond Securities), de prêts à la consommation et de prêts automobiles (via des ABS auto). En revanche l’écot au financement des PME, là-même où se concentrent les besoins en liquidités fraîches, est resté mineur, à moins de 9% du total des sous-jacents titrisés.
Redonner un peu de profondeur au marché de la titrisation
Il est par conséquent assez difficile d’évaluer les résultats immédiats sur l’octroi de crédit aux entreprises que pourrait procurer une stimulation du marché de la titrisation. La contribution directe de l’activité de titrisation à l’offre globale de crédit aux ménages et aux entreprises reste encore modeste (son poids est estimé à 15% du total des prêts aux ménages et entreprises), a fortiori après le déclin des dernières années. De plus, il faut garder à l’esprit que, pour une banque, titriser des crédits correspond, économiquement, à une opération de refinancement. Or, les nouvelles tranches de TLTRO apportent à ces mêmes banques des refinancements massifs et bon marché, ce qui diminue l’intérêt relatif des titrisations et donc l’incitation à développer ces techniques.Mais cela ne doit pas décourager la Banque centrale, bien au contraire.
Avec une bonne dose d’audace et un minimum de méthodologie, c’est-à-dire en privilégiant une approche très sélective des actifs titrisés à acquérir ̶ ceux adossés à de nouvelles créances sur des PME situées dans les pays où celles-ci souffrent le plus de l’assèchement du crédit ̶ la BCE a les moyens de relever le défi. Celui de redonner un peu de profondeur au marché de la titrisation, pour tenter de libérer des sources de financement supplémentaires aux entreprises et insuffler ainsi un nouvel élan à la croissance européenne.
A propos des auteurs : Christian Jimenez est président de Diamant Bleu Gestion et Michèle Saint marc est professeur d’Université, ancien membre du conseil de politique monétaire de la Banque de France.