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Il y a quoi dans mon panier? Du savon de Marseille!

Publié le 07 septembre 2014 par Véronique Couzinou @VeroniqueCouzin

On fait escale à Marseille, entre le quartier du Panier et le vieux-port, à la rencontre d’un jeune savonnier amoureux du vrai savon de Marseille. Car oui, il y en a des faux… et c’est même la majorité des savons vendus dans le monde, y compris à Marseille.

Qu’est-ce qu’il y a dans mon panier? Du savon de Marseille!

Bonne Mère! Sauvons le savon de Marseille! ©V.C.

« Les Marseillais le jurent : ils ne se lavent qu’au savon de Marseille, mais même eux ont un peu oublié ce que c’était » : dans sa boutique-atelier, Sylvain Dijon- ça ne s’invente pas- veut remettre le vrai savon de Marseille au goût du jour, c’est à dire au goût d’hier car la recette n’a pas changé : de la soude, de l’huile d’olive pour la toilette ou de palme ou de coprah pour le savon détergent, et de l’eau. Après, c’est juste une question de méthode, une cuisson au chaudron, notamment. Il faut compter 8 jours environ pour réaliser un savon de Marseille, entre la cuisson, l’empâtage, le lavage de la pâte avec de l’eau salée pour enlever la soude superflue, le repos, la mise en forme, le marquage et le séchage. Un vrai savon de Marseille n'a pas de parfum ajouté, pas de colorant non plus, encore moins d'additifs. Il est composé d'huile végétale à 72%.

Qu’est-ce qu’il y a dans mon panier? Du savon de Marseille!

Sylvain Dijon au travail. ©V.C.

Une tradition à préserver

Sylvain, 25 ans, est un Marseillais pur jus. « Je travaillais dans le secteur des cosmétiques et du bien-être, j’avais acquis des connaissances sur les formulations. En tant que Marseillais, je m’intéressais aussi beaucoup aux savons méditerranéens qui ont su traverser le temps : savon d’alep, savon noir, et savon de Marseille, bien sûr ». Voilà comment il a eu l’idée, à la jeune vingtaine, de relancer La Grande Savonnerie qui était l’une des plus vieilles de Marseille.

Après s’être formé auprès de ses pairs, il s’est associé à Coralie et Jean-Baptiste Jaussaud. Ensemble, ils ont ouvert l’atelier-boutique La Grande Savonnerie il y a un an environ, dans le quartier du Panier. Les savons sont faits sur place, sauf les cubes de 300g, fabriqués dans les ateliers d’une savonnerie traditionnelle à quelques rues de là. « Ce savon est né ici parce que Marseille est un port, mais il aurait pu naître ailleurs. Le savon de Marseille, c’est moins un lieu qu’un procédé ».

Sur la plupart des marchés provençaux, sur le vieux-port de Marseille lui-même, on vend aux touristes enthousiastes des jolis savons qui sentent bons avec les mots « savon de Marseille » gravés dessus, et pourtant, ils n'en sont pas. « Laguiole a le même problème avec ses couteaux » rappelle Sylvain. Car les noms de villes ou de villages ne sont pas protégés. Du moment que c’est un savon, peu importe la recette ou l'endroit où il est fabriqué, si on a envie de dire qu’il est de Marseille, c’est possible. Une demande d’IGP (Indication Géographique Protégée) est en cours pour le savon de Marseille mais rien n’a abouti pour l’instant.

En attendant, il faut continuer à faire de la pédagogie! Justement, comment ne pas se faire avoir? En apprenant à connaître le produit, et c’est aussi pour cela que Sylvain propose des ateliers de fabrication (25€ pour 1h), en détaillant l’histoire et la technique.

Bien sûr, on trouve aussi dans la boutique de Sylvain des savons qui fleurent bons les parfums de Grasse- citron, miel, lavande, jasmin, amande…- mais le jeune savonnier ne les vend pas comme étant des savons de Marseille, puisqu’ils sont colorés et parfumés. On a tout de même l’assurance que ces savons-là, vendus 2€ pièce, sont végétaux et artisanaux; ce sont aussi des produits d'appel qui emmènent les curieux à découvrir l'essentiel de la production de La Grande Savonnerie. On retrouve donc le savon de Marseille en cube de 300g, la forme la plus traditionnelle, et en cube plus petit; pour la version à l’huile d’olive- adoucissante, hypoallergénique et antiseptique- Sylvain propose aussi des savonnettes et des barres percées dans lesquelles il glisse une ficelle de rafia pour suspendre à un crochet de douche.

Avant de partir, je demande à Sylvain combien il reste de « vrais » savonniers qui font du savon selon le procédé traditionnel; « on est seulement six dans la région, dont cinq à Marseille », me dit-il. No comment…

La Grande Savonnerie : 36, Grand Rue, à Marseille (2ème arrondissement). Possibilité de faire personnaliser ses savons sur place. Tél. 09 50 63 80 35. www.lagrandesavonnerie.com

Qu’est-ce qu’il y a dans mon panier? Du savon de Marseille!

©V.C.

Le saviez-vous?

-À la fin du XVIIème siècle, Louis XIV a permis au savonneries de Marseille de se développer et de s’imposer par la qualité de leurs produits grâce à l’Édit Royal pour les manufactures de savon.

-Sur les savons de Sylvain comme de ses confrères marseillais, on peut voir une marque pentagonale : c’est le sceau donné par Napoléon en 1812 aux savonniers marseillais. Elle permet de reconnaître les savons qui sont fabriqués sur la commune de Marseille.

Qu’est-ce qu’il y a dans mon panier? Du savon de Marseille!
 

La marque pentagonale des savons made in Marseille. ©V.C.

-C’est à partir de la Première Guerre mondiale que le savon de Marseille a perdu du terrain et des parts de marché, lorsque les pays anglo-saxons ont commencé à racheter les savonneries traditionnelles. Le coup de grâce est arrivé avec les Américains, lors de la Seconde Guerre mondiale, qui ont popularisé les lessives chimiques. Mais le savon de Marseille n’a sans doute pas dit son dernier mot…

-À quoi reconnaît-on un faux savon de Marseille? Notamment à un ingrédient, le sodium tallowate, qui n’est autre que de la graisse de porc ou de bœuf.

-L’huile d’olive utilisée pour fabriquer du savon de Marseille est celle obtenue de la pression des grignons d’olive, après la 3ème et 4ème pressions. Cette huile n’est pas utilisée comme huile alimentaire.

-Un cube de savon de Marseille de 300g, c’est 3 à 4 mois d’utilisation : à 4€ la pièce environ, difficile de faire plus économique!


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