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Mon discours de clôture de la 34ème Assemblée Générale de l'ADMD à Strasbourg

Publié le 14 septembre 2014 par Jeanlucromero

Chers amis,
Même si j’ai déjà eu l’occasion d’en parler en début de nos travaux du matin et au début de cette après-midi, il est inenvisageable pour moi de débuter mon intervention de clôture sans une nouvelle pensée pour notre amie Nicole Boucheton.
Tout d’abord parce que Nicole était la vice-présidente de notre association. Elue pour la première fois administratrice en 2007, elle a accompagné chaque année de ma présidence. Successivement trésorière adjointe puis vice-présidente, Nicole n’était pas, loin sans faux, une femme sans influence. Travailleuse, attentive, avec un haut sens de la morale et une grande exigence du respect des principes et des règles, Nicole était une administratrice respectée et écoutée. Ne se mêlant jamais aux polémiques stériles qui traversent, parfois, notre association, sa voix était douce et chantante, mais ses paroles étaient fermes et déterminées.
Nicole était aussi, comme beaucoup des administrateurs, une femme de terrain puisque, de 1998 à 2011, elle fut notre déléguée pour la Manche. Je la revois encore portant un masque de chien, dans les rues de Cherbourg, pour rappeler que nos animaux de compagnie, eux, ont le droit à la bonne mort.
Une autre raison pour laquelle je ne peux pas oublier Nicole en cet instant, c’est qu’elle fut aussi une amie. Là encore, une amie exigeante. Nicole ne donnait pas sa confiance à l’aveuglette. Tout d’abord réservée, elle ne se livrait qu’après un long moment d’apprentissage d’une histoire à deux. On prête faussement à Voltaire la fameuse maxime : "Je ne partage pas vos idées, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez les exprimer." C’est plutôt Nicole qui aurait pu prononcer cette phrase, tant ce qui comptait pour elle était la sincérité des opinions et des sentiments.
On livre son cœur souvent trop tard. J’ai eu la chance de pouvoir dire à Nicole, quelques instants avant sa mort, combien je l’aimais et combien j’avais été grandi de la connaître.
Permettez-moi d’associer à mon hommage l’ensemble des salariés de l’ADMD qui avaient tous pour Nicole une grande affection et une grande estime.
Dans sa lettre posthume, Nicole Boucheton concluait par ces mots : « Mais je sais que mes amis militants et les 92% de Français favorables à une loi de liberté qui permet à chacun de choisir sa fin de vie ne baisseront pas les bras et que la victoire est proche. »
Aussi, pour honorer sa mémoire et celle de toutes celles et de tous ceux que nous aimons et qui sont partis dans des conditions contraires à leur volonté, nous devons – si c’est encore possible – redoubler d’efforts.
Les données de notre combat – puisqu’il s’agit bien d’un combat contre des forces obscures – vous sont connues. Un président de la République, alors candidat, qui s’engage fermement en  2012 sur sa proposition 21 en faveur d’une aide médicalisée à mourir. Deux premiers ministres successifs – Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls – fortement engagés, avant d’être au pouvoir, en faveur de l’euthanasie. Des ministres partisans déclarés – Laurent Fabius, Marylise Lebranchu… - une majorité de députés favorables, une majorité de sénateurs favorables et, surtout, une adhésion quasi unanime des Français – près de 94% de la population et 98% des personnes de plus de 65 ans.


Chers amis,

Même si j’ai déjà eu l’occasion d’en parler en début de nos travaux du matin et au début de cette après-midi, il est inenvisageable pour moi de débuter mon intervention de clôture sans une nouvelle pensée pour Nicole Boucheton.

Tout d’abord parce que Nicole était la vice-présidente de notre association. Elue pour la première fois administratrice en 2007, elle a accompagné chaque année de ma présidence. Successivement trésorière adjointe puis vice-présidente, Nicole n’était pas, loin sans faux, une femme sans influence. Travailleuse, attentive, avec un haut sens de la morale et une grande exigence du respect des principes et des règles, Nicole était une administratrice respectée et écoutée. Ne se mêlant jamais aux polémiques stériles qui traversent, parfois, notre association, sa voix était douce et chantante, mais ses paroles étaient fermes et déterminées.

Nicole était aussi, comme beaucoup des administrateurs, une femme de terrain puisque, de 1998 à 2011, elle fut notre déléguée pour la Manche. Je la revois encore portant un masque de chien, dans les rues de Cherbourg, pour rappeler que nos animaux de compagnie, eux, ont le droit à la bonne mort.

Une autre raison pour laquelle je ne peux pas oublier Nicole en cet instant, c’est qu’elle fut aussi une amie. Là encore, une amie exigeante. Nicole ne donnait pas sa confiance à l’aveuglette. Tout d’abord réservée, elle ne se livrait qu’après un long moment d’apprentissage d’une histoire à deux. On prête faussement à Voltaire la fameuse maxime : "Je ne partage pas vos idées, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous puissiez les exprimer." C’est plutôt Nicole qui aurait pu prononcer cette phrase, tant ce qui comptait pour elle était la sincérité des opinions et des sentiments.

On livre son cœur souvent trop tard. J’ai eu la chance de pouvoir dire à Nicole, quelques instants avant sa mort, combien je l’aimais et combien j’avais été grandi de la connaître.

Permettez-moi d’associer à mon hommage l’ensemble des salariés de l’ADMD qui avaient tous pour Nicole une grande affection et une grande estime.

Dans sa lettre posthume, Nicole Boucheton concluait par ces mots : « Mais je sais que mes amis militants et les 92% de Français favorables à une loi de liberté qui permet à chacun de choisir sa fin de vie ne baisseront pas les bras et que la victoire est proche. »

Aussi, pour honorer sa mémoire et celle de toutes celles et de tous ceux que nous aimons et qui sont partis dans des conditions contraires à leur volonté, nous devons – si c’est encore possible – redoubler d’efforts.

Les données de notre combat – puisqu’il s’agit bien d’un combat contre des forces obscures – vous sont connues. Un président de la République, alors candidat, qui s’engage fermement en  2012 sur sa proposition 21 en faveur d’une aide médicalisée à mourir. Deux premiers ministres successifs – Jean-Marc Ayrault puis Manuel Valls – fortement engagés, avant d’être au pouvoir, en faveur de l’euthanasie. Des ministres partisans déclarés – Laurent Fabius, Marylise Lebranchu… - une majorité de députés favorables, une majorité de sénateurs favorables et, surtout, une adhésion quasi unanime des Français – près de 94% de la population et 98% des personnes de plus de 65 ans.

Alors quoi. Que se passe-t-il ?

Il se passe qu’en face de nous, une minorité ultra réactionnaire, ultra rétrograde, aux ordres d’une doctrine de l’extrême, très bien financée, semble terroriser nos gouvernants. Au point que la ministre de la santé ne m’a toujours pas officiellement reçu et que le président de la République, après une demi-douzaine de rapports et d’avis, a confié à Jean Leonetti lui-même, l’artisan de la loi du 22 avril 2005, celle qui laisse comme seule alternative l’acharnement thérapeutique ou la mort par déshydratation et dénutrition, le soin de réformer notre législation sur la fin de la vie.

Je vous demande d’écrire à François Hollande afin qu’il reçoive officiellement l’ADMD. En effet, jamais, à ce jour, aucun président de notre association n’a été reçu à ce titre. C’est une anomalie que François Hollande doit corriger.

Alors que faire ?

Je l’ai dit plusieurs fois. Je l’ai écrit dans de nombreux éditoriaux. Nous devons nous comporter en militants.

Nous possédons une force inestimable de plus de 56.000 adhérents, répartis dans toute la France, continentale et ultra-marine. Vous avez entendu notre trésorier, nos finances sont excellentes. Nous avons toutes les cartes pour être plus forts que nos adversaires. Mais pour cela, il faut que nous devenions actifs et acteurs.

Chacun, à sa façon, peut agir en faveur de notre revendication.

Nous avons besoin de délégués et de délégués adjoints dans tous les départements de France. Nous avons besoin de témoins qui écrivent au président de la République, au premier ministre, aux ministres, aux députés et aux sénateurs pour dire les drames qu’ils ont vécus. Nous avons besoin de lecteurs engagés qui n’hésitent pas à prendre la parole dans les Courriers des lecteurs de leurs journaux favoris – je vous invite à cette occasion à envahir les pages de Ouest France – ou à résilier leurs abonnements si la ligne éditoriale va à l’encontre de notre liberté fondamentale de disposer de notre propre corps. Nous avons besoin de bénévoles et de participants lorsque nous organisons des manifestations, des tractages, des forums, des pique-niques. Nous avons besoin que les enfants et les petits-enfants de nos adhérents nous rejoignent, tout comme leurs personnes de confiance, pour que demain nous soyons 100.000 ou 150.000… et pour que ceux que nous aimons soient enfin protégés de la mauvaise mort.

Permettez-moi de vous dire la colère et l’incompréhension qui est parfois la mienne lorsque je reçois des lettres demandant l’organisation de manifestations nationales et que nous ne sommes que 5.000 sur la place de la République, à Paris, le 24 mars 2012, alors que nous avons trois fois plus d’adhérents en région parisienne.

Bien sûr, notre Journée mondiale tombe le 2 novembre, en automne ; un dimanche cette année, de surcroît. Allons-nous chaque année nous plaindre du calendrier ? Ou bien allons-nous mettre enfin nos bottes et nos manteaux pour donner deux heures de notre temps pour montrer, pacifiquement, notre désaccord avec la façon de faire de François Hollande ?

Permettez-moi aussi de vous dire ma frustration lorsque je reçois des lettres exigeant de moi que je trouve des personnes qui accepteraient de témoigner d’une euthanasie à venir et que, lorsque nous aidons des personnes, celles-ci – je le comprends, néanmoins – veulent protéger cette ultime intimité et mourir cachées…

Nous devons tous, chacune et chacun des adhérents de l’ADMD, qu’il ait un titre ou pas, chacune et chacun dans cette salle, faire de notre combat individuel un combat collectif.

Nous sommes au 21ème siècle. Qu’on le veuille ou qu’on le déplore, la communication aujourd’hui se fait sur les réseaux sociaux. Certes, c’est médiocre. Certes, c’est souvent démagogique. Certes, ça ne permet pas les grandes démonstrations et la rhétorique. Mais c’est ainsi. Lorsque nous étions jeunes, la télévision voire le téléphone étaient parés de tous les défauts. Aujourd’hui, c’est Twitter. Question de génération. Trop peu de nos adhérents sont sur Facebook, sont sur Twitter. Nos adversaires, eux, savent occuper intelligemment cet espace. Alors comment convaincre journalistes et politiques que nous sommes si nombreux et si sollicités quand ils nous voient si peu sur la Toile ? Comment convaincre la ministre de la santé que nous avons l’adhésion de la quasi totalité des Français quand nous ne sommes qu’une poignée à nous mobiliser lors des Journées mondiales, lors de la semaine de mobilisation, ou lors des pique-niques de rentrée ?

Certes, nous pouvons encore ronronner des années dans des salles surchauffées, entre nous. C’est un exercice qu’il ne faut pas négliger. Mais ce ne sera jamais suffisant puisqu’il faut convaincre les indécis et non flatter nos égos.

En mémoire de Nicole Boucheton qui a souhaité témoigner publiquement de son exil forcé par la Suisse, en mémoire de celles et de ceux que nous avons aimés et qui sont morts dans leur indignité, nous ne pouvons plus accepter l’immobilisme de ce Gouvernement. Nous ne pouvons plus accepter notre propre fatalisme et, parfois, notre propre passivité. Nous ne pouvons pas accepter que Jean Leonetti, une fois encore, décide des conditions de notre propre fin de vie.

Je vous l’ai dit, nous avons tous un rôle actif à jouer. Je joue le mien, sans doute imparfaitement si j’en crois les critiques que je reçois parfois, mais je donne ce que je sais faire et beaucoup de mon temps.

Mais tout seul, avec à mes côtés nos administrateurs, nos délégués et nos salariés, je ne pourrai rien de plus.

Je vous enjoins, en sortant de cette salle, d’aller voir les délégués présents, et notamment celui du Bas-Rhin qui nous a accueillis chaleureusement à Strasbourg aujourd’hui, Robert Wohlfahrt. Je vous enjoins de leur proposer vos services et de vous renseigner sur le calendrier des activités de rentrée dans votre département. Ils auront besoin de vous, puisque nous tous avons besoin de nous-mêmes pour réussir.

N’attendons pas que la solution nous soit offerte. Battons-nous pour vaincre, ou nous n’aurons rien.

En décembre, Jean Leonetti va remettre au président de la République un énième rapport. Il nous expliquera alors que sa loi est la meilleure du monde mais que les Français n’ont pas été capables de s’en emparer, que les médecins ne savent pas la lire. Que Vincent Lambert et que Nicolas Bonnemaison, tout comme le furent Rémy Salvat et Chantal Sébire, sont des anomalies, des cas à part, et qu’il ne faut pas légiférer pour la marginalité, dans l’urgence et dans l’émotion. On voit bien que ce ne sont pas ses enfants, ses amours. On voit bien qu’il ne milite pas comme beaucoup d’entre nous depuis 1980 pour améliorer les conditions de la fin de vie en France, tout simplement en offrant à chacun un choix responsable et conscient.

Ce jour de décembre, nous devrons réagir et lui dire que cela suffit. Que nous souhaitons être maîtres de notre propre fin de vie. Ce « nous », c’est nous tous, les 56.000 adhérents de l’ADMD unis dans notre revendication trentenaire.

Nous voulons pouvoir décider pour nous-mêmes, dès lors que la mort est à notre porte, notre propre parcours de fin de vie. Tout simplement parce qu’il s’agit de notre vie et de notre mort.

Je compte sur vous et je vous dis à bientôt pour nos prochaines mobilisations.

Je vous remercie.

Jean-Luc Romero

Président de l’ADMD


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